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Eau de Paris : un financement de 220 €/ha pour réduire le recours aux phytos


AFP le 18/09/2024 à 10:05
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115 agriculteurs en Ile-de-France se sont engagés dans le programme subventionné Eau de Paris pour réduire leurs recours aux produits phytosanitaires. (© Budimir Jevtic/Adobe Stock)

David Tourte a parfois du mal à joindre les deux bouts dans son exploitation céréalière francilienne, mais les subventions de la Ville de Paris pour réduire son usage de produits phytosanitaires sont un « vrai bonus », assure l'agriculteur de 34 ans.

Sa ferme familiale se trouve en zone sensible, à moins de 10 km de la source de Villeron dans le sud de l’Ile-de-France, exploitée pour l’eau potable des Parisiens depuis plus d’un siècle.

Depuis un an, David Tourte s’est engagé à réduire de près de 20 % la quantité de produits phytosanitaires utilisés. En échange, il reçoit 220 euros par hectare, soit 26 400 euros par an.

Ils sont 115 agriculteurs, en Ile-de-France et dans les régions environnantes, à participer à ce programme subventionné. Cela représente 17 000 hectares cultivés, un peu moins de la moitié de l’objectif visé par Eau de Paris concernant les zones agricoles qui peuvent avoir le plus d’impact sur la qualité de l’eau potable bue par 3 millions d’usagers.

Certains de ces agriculteurs ont profité des subventions pour passer au bio, mais pas M. Tourte, déçu par de mauvais rendements du bio après une précédente tentative sur sa ferme, à une heure en voiture de Paris, où il fait pousser blé, orge et colza, en plus d’élever 20 vaches et 80 brebis.

47 millions d’euros

Depuis quatre ans que ce programme de subventions approuvé par la Commission européenne a débuté, les analyses d’eau montrent des « signaux positifs », selon Manon Zakeossian, responsable de la protection de la ressource à Eau de Paris.

Si l’ingénieure reconnaît qu’il est difficile d’établir des statistiques définitives, elle a observé des pics de phytos dans l’eau moitié moins importants qu’en 2010 dans le secteur de la Vanne, un sous-affluent de la Seine.

Le coût du programme, 47 millions d’euros sur douze ans, est payé pour un cinquième par la facture des usagers parisiens, pour le reste par l’agence de l’eau Seine-Normandie, elle-même financée via des redevances auprès des usagers.

« Les Parisiens qui à travers leur facture d’eau aident les agriculteurs, c’est un exemple parfait de solidarité entre les urbains et les ruraux », se réjouit Dan Lert, président d’Eau de Paris et adjoint écologiste à la maire de Paris.

La Ville s’est également donné pour mission d’aider les agriculteurs participants à trouver des débouchés pour leurs produits, principalement via la restauration collective de ses établissements scolaires.

Préventif et curatif

Jusqu’en 2010, la gestion de l’eau potable parisienne était partiellement dévolue au privé, notamment à Veolia. Le groupe continue de gérer l’eau potable de 4 millions de Franciliens via une délégation de service public avec le Sedif, un syndicat de communes d’Ile-de-France.

Et entre Eau de Paris et le Sedif, deux écoles s’affrontent. Si Eau de Paris revendique, avec son programme d’aide aux agriculteurs, une approche préventive de la pollution des sources, le Sedif lui préfère des méthodes curatives, misant sur de nouvelles technologies de filtration qui permettent de purifier l’eau.

« Notre approche est aux antipodes de la fuite en avant du Sedif », estime Dan Lert. « Le meilleur traitement contre les polluants, c’est à la source. » Le président d’Eau de Paris regrette « le technosolutionnisme du Sedif, à travers leur nouveau procédé d’ultrafiltration via des membranes, qui va faire exploser la facture énergétique et coûter 1 milliard d’euros, soit 30 à 40 centimes par mètre cube d’eau », évalue l’élu, revendiquant l’eau la moins chère de la métropole du Grand Paris.

« Prendre à bras le corps le problème de la qualité de l’eau grâce à l’innovation n’est pas une fuite en avant mais une nécessité », réplique le Sedif auprès de l’AFP. « Il ne faut pas opposer, comme le fait Eau de Paris, protection de la ressource et traitements, complémentaires sur des temps différents. » Si « la meilleure solution, c’est la prévention », estime auprès de l’AFP Juliette Mendret, maître de conférences à l’Université de Montpellier, « dans certaines zones très contaminées par des phytos, des résidus de médicaments ou des polluants éternels, le curatif peut devenir indispensable. »