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Les pousses de bambou pointent timidement dans les champs


AFP le 22/09/2024 à 10:05

Les jeunes pousses dénotent dans le paysage auvergnat plus habitué aux champs de maïs et de tournesol. « Ce sont des rhizomes du bambou », montre avec enthousiasme Julien Léger, maraîcher bio récemment converti à cette culture encore embryonnaire en France, qui lui offre de nouveaux revenus.

Il y a deux ans, il a planté avec des amis 1 800 plants de Phyllostachys Edulis, une variété de bambou géant originaire de Chine, sur son exploitation près de Saint-Ennemond, en Allier.

Le bio « c’était super » pendant le Covid, mais le secteur est en crise et « dans la région, tout le monde a un jardin » avec ses propres légumes, explique le trentenaire, qui a eu besoin de nouvelles sources de revenus.

Le bambou, « c’est une manière de me diversifier avec une culture plus simple », dit-il : cette plante se récolte principalement en hiver, « le reste du temps on peut faire autre chose ».

Plusieurs débouchés

Une fois récolté, le bambou a plusieurs débouchés dans l’alimentaire, la construction, le textile, les cosmétiques ou comme substitut au plastique.

Et pendant qu’il grandit, il séquestre massivement le CO2, ce qui permet aux agriculteurs qui le cultivent de se positionner sur le « marché carbone », où les entreprises achètent des « crédits » pour « compenser » leurs émissions.

Certaine études mettent en garde contre « les monocultures de bambou à grande échelle » qui menacent la biodiversité mais la France est loin d’être envahie. Contrairement à l’Asie, où le bambou a une histoire centenaire, moins d’un millier d’hectares y ont été plantés par les deux principaux acteurs du secteur.

Diversification des revenus

Le pépiniériste Horizom est l’un d’eux. « Ça fait 15 ans que je prêche pour dire que le bambou est une ressource renouvelable à l’infini », explique son cofondateur Stéphane Alzaix, qui a effectué de nombreux voyages en Chine.

Il y a deux ans, « on a commencé nos plantations dans le Sud-Ouest parce qu’il pleut et que ça nous paraissait logique de ne pas manquer d’eau », raconte-t-il à l’AFP.

En Auvergne, où « les fermes ferment les unes après les autres », la culture du bambou pourrait être un moyen « de faire vivre les villages », dit-il, en assurant avoir « plusieurs contacts prêts à se lancer ».

Un investissement rentable

Démarrer a un coût : entre 6 400 et plus de 30 000 euros par hectare pour la fourniture des plants et l’étude des sols, selon l’entreprise et la formule choisies.

Pour sauter le pas, Julien Léger s’est tourné vers la société italienne OnlyMoso, présente depuis cinq ans en France, où elle travaille avec une centaine d’agriculteurs qui cultivent jusqu’à 250 hectares de bambou géant.

Il pense que son investissement sera rentable : « dès la fin de l’année, je vais avoir 2 500 euros pour le carbone », et il sera ensuite rémunéré régulièrement à ce titre jusqu’à la première récolte « dans 4 ou 5 ans ».

En revanche, l’agriculteur n’a pas bénéficié d’aides publiques.

« Pas de gâchis »

L’Union européenne accorde parfois des aides aux investissements pour l’achat « de plants novateurs », mais « les critères d’obtention sont strictes », explique Loic Le Boulanger, fondateur de la société de conseils aux entreprises Resal’co Conseil.

Pour le bambou, « des demandes ont été faites en 2023, elles sont en attente de réponse », dit-il.

Même sans aide, Nicolas Roa, arboriculteur et producteur de fruits rouges dans le Puy-de-Dôme, n’attend que d’être propriétaire de nouvelles terres pour démarrer. « Ce sera une production complémentaire », explique-t-il au téléphone, essoufflé alors qu’il désherbe en même temps.

« Il n’y a pas de gâchis dans le bambou, tout est utilisable. Pour le commerce de compost, pour mon usage personnel, c’est un très bon couvrement de sol, plus efficace que la paille », détaille-t-il. « C’est un peu cher, mais sur la durée, c’est dix fois plus rentable que le blé ».

Pour lui, ce serait bien que les pouvoirs publics « se réveillent » et soutiennent la filière. « Avec l’évolution du climat, il va falloir adapter les cultures ».