Dans les Landes, la délicate prévention de la grippe aviaire
AFP le 03/12/2021 à 09:35
Un « canard, ça vit dehors ! », s'exclame une éleveuse en Chalosse (Landes) qui ne veut pas entendre parler du confinement des volailles, imposé par le risque de grippe aviaire.
Dans les Landes qui concentrent le quart de la production française de foie gras, la grande majorité des éleveurs ont temporairement confiné leurs canards face au risque hivernal de grippe aviaire. L’arrêté officiel de mise sous abri des volailles et palmipèdes est en vigueur depuis le 5 novembre, du fait d’un risque « élevé ».
Mais cette obligation nationale a du mal à passer auprès de certains petits producteurs qui ne jurent que par le plein air pour garantir la qualité.
Claudine, qui préfère rester anonyme, est contre la claustration : « Un canard, ça vit dehors ! », martèle cette petite productrice de Chalosse, une partie vallonnée des Landes où le canard est roi.
Chez elle, on élève les canetons du premier jour jusqu’à la conserve, dans la tradition du gavage au maïs grain entier : « On n’est pas dangereux, on fait tout sur place. Aucun canard ne monte dans un camion. Le virus, il se propage avec les transports entre éleveurs, gaveurs et transformateurs ! », assure-t-elle.
Toujours en Chalosse, une autre éleveuse, qui laisse encore ses canards en liberté, estime que « les enfermer ? C’est ça qui va nous les tuer ! ». Et elle accuse le « lobby industriel qui mène la danse du confinement et fait du foie gras bon marché, loin du produit de luxe qu’on fabrique. Au pire, si je suis dénoncée, je les mettrai dans l’étable… Mais à force, ça peut donner envie de tout arrêter ».
Tensions
Cyril, 4e génération d’éleveurs en vente directe, a déjà reçu une mise en demeure des services de l’Etat, comme 49 autres exploitations landaises sur les 383 contrôlées au 29 novembre par quatre agents, selon les chiffres du ministère de l’agriculture.
« Je n’ai vu personne, ils prennent des photos de loin… j’ai 15 jours pour être en conformité. Mes canards, si je les ferme, je vais faire un produit qui ne correspond ni à ma clientèle, ni à ma vision de l’élevage », dit-il.
L’éleveur a fini par acheter pour 26 000 euros de tunnels déplaçables, plus 2 000 euros de filets à mailles fines pour une mini-zone à l’air libre protégée, une dérogation pour les élevages de moins de 1 500 têtes : « C’est usant », dit-il, voyant aussi « des collègues se tuer à la tâche avec le paillage du sol qui prend un temps fou ».
Pour Marie-Hélène Cazaubon, présidente de la Chambre d’agriculture des Landes, c’est pourtant bien par le confinement « qu’il faut en passer pour être le moins touché possible. Mais enfermer, c’est très compliqué ».
Un premier foyer avéré, détecté le 26 novembre dans un élevage de poules du Nord, « a tendu tout le monde ici », dit cette éleveuse de Montsoué (Landes), déjà touchée par la crise aviaire l’hiver dernier, la troisième en six ans.
Produisant d’ordinaire autour de 25 000 canards annuels, elle et ses associés ont dû diviser par deux la production pour pouvoir rentrer les animaux.
Ils vivent depuis plusieurs semaines à 3,5 bêtes par m2 au lieu de gambader dans les champs. « Nous avons dû adapter nos pratiques, c’est une première pour nous tous. Avoir moins d’animaux, c’est moins de revenus et des charges supplémentaires de travail avec le changement des litières. Mais on les remettra dehors dès que possible », souligne-t-elle, assurant que ses premiers canards confinés n’ont pas perdu en qualité « car on fait tout pour leur confort ».
« Qu’on les mette à l’abri sur une très courte période à risque, on finit par l’accepter. Mais des rallonges sur des mois et des mois, ça non », plaide, de son côté, Christophe Mesplède, éleveur et représentant du Modef des Landes (exploitants familiaux).
Avec sept autres syndicats et associations agricoles, ils ont engagé des recours devant le Conseil d’Etat contre ces arrêtés qu’ils voient comme « une menace pour la pérennité des élevages de plein air ».