Covid et décarbonation vont tendre les coûts du transport
TNC le 24/01/2022 à 19:02
Les coûts du fret maritime ne s'annoncent pas à la baisse, selon l'économiste Jan Hoffmann. Cela affectera les importations, et les exportations de céréales, d'oléoprotéagineux mais aussi d'engrais. Plusieurs facteurs expliquent cette perspective, parmi lesquels les effets de la pandémie de Covid et les coûts liés à la décarbonation du transport maritime.
La hausse des coûts du fret maritime pourrait bien continuer dans les mois qui viennent, a expliqué Jan Hoffmann lors d’un séminaire organisé en décembre par le Conseil international des céréales sur le thème du réchauffement climatique et de son impact sur les marchés du grain.
L’expert est responsable de la branche « logistique commerciale » au sein de la division des technologies et de la logistique de la Cnuced, l’organe de l’Onu consacré au commerce et au développement. Il a fait le point sur le commerce maritime mondial en 2021, marqué par une crise de la chaîne d’approvisionnement qui impacte le commerce international et le prix des matières premières.
Moins de demande, plus d’offre
De fait, les prix du fret maritime flambent depuis l’été 2020, à l’instar de l’indice des coûts du vrac sec Baltic dry index (BDI) et de l’indice hebdomadaire de fret conteneurisé de Shangaï (SCFI), multiplié par 4 à 5 en un an.
C’est dû d’un côté à une demande plus importante que prévu en raison du e-commerce et des plans de relance mis en place dans le contexte de la pandémie, et d’autre part à une offre limitée par les effets de la crise (moins de main-d’œuvre dans les port et l’arrière-pays, modification des routes commerciales principales et abandon de containers, traversées à vide…).
Pour Jan Hoffman, les taux de fret vont rester plus élevés que pendant la dernière décennie, pour plusieurs raisons.
Le Covid ralentit les expéditions
D’abord, la pandémie de Covid et les confinements ont provoqué des congestions dans les ports, un temps de transit plus long sur les principales voies commerciales, des retards de navires, des pénuries de conteneurs, etc.
Cela joue sur l’économie et le commerce mondial : les coûts de transport ont été multipliés par trois à dix selon les voies commerciales, des expéditions sont retardées, suspendues ou annulées, les prix à la consommation ont augmenté, l’économie et la logistique mondiale sont chamboulées, plus particulièrement en Asie. Le déferlement mondial du variant Omicron vient amplifier ces perturbations.
Aller plus lentement pour réduire les émissions
Autre élément qui va jouer sur les coûts du fret : la décarbonation du transport maritime international, c’est-à-dire la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre pour limiter son empreinte sur le climat.
« La transition énergétique dans le transport maritime implique une transformation majeure de l’industrie », souligne-t-il. Et « le meilleur moyen de réduire les émissions, c’est d’aller plus lentement… 10 % de navires en plus seront nécessaires pour transporter autant », résume-t-il. D’où, mécaniquement, une hausse des coûts du transport.
De plus, « il n’est pas certain qu’il y aura suffisamment de navires » pour répondre à l’enjeu de la décarbonation, alerte Jan Hoffmann : « il y a beaucoup d’incertitudes du côté des fabricants et des investisseurs » pour construire des bateaux conformes aux nouvelles règlementations en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Or « nous sommes déjà dans une baisse du nombre de bateaux en circulation, surtout de pétroliers et de vraquiers ».
Pour en savoir plus : zoom sur les mesures de décarbonation du transport maritime international.
Vers une augmentation des prix à l’importation
D’autres facteurs risquent de jouer en faveur de taux de fret élevés, selon le spécialiste. Notamment l’évolution des carnets de commande par rapport à la capacité de la flotte existante, la baisse continue du nombre d’entreprises de fret maritime par pays, la hausse de tarifs contractuels plus sécurisants pour les acheteurs…
Pour en savoir plus sur le fret maritime en France, retrouvez les données de la Cnuced.
Dans l’hypothèse où les taux de fret continueraient effectivement de grimper, la Cnuced a fait des simulations fouillées pour en évaluer l’impact. Deux résultats à retenir : les niveaux des prix mondiaux à l’importation augmenteraient de 11 %, et les prix à la consommation augmenteraient partout dans le monde, mais de façon différentielle selon les groupes de pays.
« Les plus touchés seraient les petits États insulaires en développement, où les prix prendraient 7,5 % », note Jann Hoffmann. Suivraient les pays les moins développés (+ 2,2 %) et les pays en développement sans littoral (+ 0,6 %).
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