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À deux jours du salon de l'agriculture

Macron et les agriculteurs : de la défiance à la détente


AFP le 24/02/2022 à 11:05
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Emmanuel Macron au Salon de l'agriculture 2020. (©TNC)

À quelques heures de l'ouverture du salon de l'agriculture, une édition placée sous le signe des "retrouvailles", les relations entre Emmanuel Macron et les agriculteurs ont débuté sous le signe de la défiance avant de devenir franchement cordiales en fin de quinquennat, « un peu comme dans les comédies américaines ».

Pour peu que le chef de l’État ne soit contraint de bousculer son agenda à cause du début du conflit militaire engagé par la Russie en Ukraine, l’accueil d’Emmanuel Macron samedi au Salon de l’agriculture ne devrait « pas être hostile », souligne Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine, section spécialisée du syndicat majoritaire FNSEA. « Car il sera accompagné par [le ministre de l’agriculture Julien] Denormandie », pressenti pour diriger la campagne d’Emmanuel Macron, ajoute l’éleveur de vaches Salers.

Les rapports entre la majorité présidentielle et le monde agricole représenté par la FNSEA se sont réchauffés en cinq ans, et tout particulièrement depuis l’arrivée de cet ingénieur agronome rue de Varenne en juillet 2020. Ce dernier « a su leur parler, adopter les mots qu’ils souhaitaient entendre », remarque le sociologue François Purseigle.

Le chercheur voit dans Julien Denormandie « une carte maîtresse dans le jeu d’Emmanuel Macron » qui a « mis en place une stratégie de conquête par rapport à cet électorat qui n’était plus acquis à la droite ». 

En 2017, « ce n’était pas très bien parti », retrace le politologue Eddy Fougier. « Un peu comme dans les comédies américaines, ça commence mal et puis à la fin il y a le grand rapprochement », poursuit Eddy Fougier. « Il y a eu une entrée dans le quinquennat avec des thèmes très anxiogènes pour les agriculteurs », dit à l’AFP Dominique Chargé, qui défend les intérêts des 2 200 coopératives agricoles françaises.

Il pense notamment à la volonté du chef de l’État en 2017 de sortir « au plus tard dans trois ans » du glyphosate, désherbant aussi controversé qu’efficace. La France a finalement uniquement restreint les usages de l’herbicide.

Les « leçons » du président

Le monde agricole majoritaire, qui goûte peu la présence au gouvernement de Nicolas Hulot, est aussi bousculé par un discours fleuve en 2017. « Nous devons repenser collectivement une nouvelle France agricole », lance Emmanuel Macron devant les professionnels réunis sur le marché de gros de Rungis. Il suggère d’« arrêter des productions, qu’il s’agisse de la volaille ou du porc, qui ne correspondent plus à nos goûts, à nos besoins ».

La présidente de la FNSEA Christiane Lambert, éleveuse de porcs, explique alors avoir du mal à encaisser les « leçons » du président.

Les agriculteurs lui reprochent une forme de double discours alors qu’ils font face à la concurrence de produits issus de pays moins regardants en termes sanitaires et environnementaux et que les députés ratifient en 2019 le traité de libre-échange entre l’Europe et le Canada (Ceta).

« Parler verdissement, recevoir (à l’Assemblée l’égérie de la lutte climatique) Greta Thunberg le jour où on signe le Ceta. On était dans l’incohérence politique majeure », soutient Bruno Dufayet.

Selon Eddy Fougier, « on commence à ne plus se regarder en chiens de faïence » courant 2019, quand l’exécutif reprend le terme d’« agribashing » qui sert aux agriculteurs aussi bien à dénoncer les intrusions de militants anti-viande dans les élevages que la remise en question des pesticides.

Le gouvernement décide même de créer une cellule spécifique au sein de la gendarmerie, nommée Demeter, dont les activités de prévention des « actions de nature idéologique » ont récemment été jugées illégales par la justice administrative. Les ministres de l’intérieur et de l’agriculture viennent de faire appel.

Les agriculteurs sont globalement reconnaissants envers le gouvernement d’avoir tenté d’améliorer leurs revenus via les lois Égalim et Égalim 2. Ainsi que d’avoir permis aux planteurs de betteraves à sucre de réutiliser des insecticides néfastes pour les abeilles contre un puceron menaçant la production. Ou encore d’avoir défendu, surtout depuis la crise sanitaire, la « qualité du modèle français » et la nécessité de « reconquête » face aux importations.

La Confédération paysanne dresse à l’inverse un bilan « complètement négatif ». « Le discours qu’Emmanuel Macron a fait à Rungis semblait poser les bases d’une remise en question du modèle agricole. Cinq ans après, on a l’impression d’avoir été roulés dans la farine », dit Nicolas Girod, porte-parole du syndicat opposé à l’agriculture intensive. « On va continuer à utiliser des produits chimiques pour produire plus à moins cher et être concurrentiel par rapport à d’autres pays du monde », déplore l’éleveur du Jura.