Huiles et céréales au plus haut, au rythme de la guerre en Ukraine
AFP le 27/04/2022 à 17:25
Blé, maïs et huiles s'échangent à des prix record, dans un marché secoué par les conséquences en cascade de la crise ukrainienne et, dans une moindre mesure, les inquiétudes sur les risques météorologiques aux États-Unis pour les prochaines récoltes.
Comment sortir des grains d’Ukraine ? De la mise en garde russe d’un danger « réel » d’une guerre mondiale aux bombardements du pont permettant de relier la zone d’Odessa à la frontière roumaine, « les perspectives d’un règlement rapide du conflit s’assombrissent et les marchés l’intègrent », relève le courtier Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage.
Le pont routier et ferroviaire qui traverse l’estuaire du Dniestr, endommagé mardi et qui a de nouveau été visé par des frappes mercredi matin selon le directeur des chemins de fer ukrainiens, est ciblé par les forces russes pour ralentir les livraisons d’armes occidentales à Kiev. Mais il offrait aussi une voie de sortie des céréales en stock en Ukraine, permettant de rejoindre le Danube et le port roumain de Constanta.
« En mars, environ 160 000 tonnes de grains ont pu sortir d’Ukraine – loin du million de tonnes par semaine d’avant la guerre -, mais ces flux inhabituels ont saturé la frontière polonaise. D’autres voies étaient recherchées pour accélérer les exportations » et ce pont sur le Dniestr offrait une voie sud pour rejoindre le Danube, ce qui laissait « espérer une augmentation » des volumes exportés, selon M. Vercambre.
Si ce pont est fermé, les deux routes encore ouvertes, mais qui rallongent le trajet de plusieurs centaines de kilomètres, passent par la Moldavie – en évitant la région séparatiste pro-russe de Transdniestrie – ou par l’Ouest de l’Ukraine, vers le nord de la Roumanie en contournant totalement la Moldavie.
Alors qu’avant la guerre, l’Ukraine exportait 12 % du blé, 15 % du maïs et 50 % de l’huile de tournesol au niveau mondial, son absence durable de la scène internationale pèse notamment sur le cours des huiles, dont les prix ont atteint de nouveaux sommets cette semaine.
Après le tournesol, la palme affole
La menace d’une pénurie d’huile de tournesol – sans les exportations ukrainiennes et alors que la Russie a introduit des quotas et augmenté ses taxes à l’export – avait déjà gonflé les prix la semaine dernière.
L’annonce de l’Indonésie d’une interdiction des exportations d’huile de palme à partir de ce jeudi a de nouveau affolé les marchés.
« L’Indonésie veut contenir la hausse des prix de l’huile alimentaire de cuisson sur son marché intérieur, mais cette annonce d’interdiction n’est pas claire : les autorités ont d’abord parlé d’huile de palme sans distinction, avant de préciser que seule l’oléine (huile raffinée) était visée, puis en évoquant aussi les autres huiles. Tout cela a contribué à la grande volatilité des cours », explique Gautier Le Molgat, du cabinet Agritel.
En conséquence, l’huile de palme était très haut à la Bourse de Kuala Lumpur et le colza a battu vendredi dernier son record absolu à 1.081,25 euros la tonne pour une livraison rapprochée sur Euronext.
Cette interdiction du premier producteur mondial d’huile de palme résonne comme « un rappel supplémentaire de la vulnérabilité présente dans les chaînes d’approvisionnement agricoles dans un environnement de stocks déjà serrés, aggravé par la perte indéfinie des volumes d’exportation ukrainiens et des coûts de production historiquement élevés », a résumé Tracey Allen, expert de JP Morgan Commodities Research.
Dans ce contexte extrêmement tendu, les regards se tournent vers la nouvelle campagne et l’inquiétude grandit quant aux conditions des semis sur le continent américain. Aux États-Unis, l’attention se porte essentiellement sur les blés, « en raison de la persistance de la sécheresse sur les plaines du Sud », et sur les retards de plantation de maïs – avec des semis ayant atteint « 7 % contre 15 % en moyenne » – cette fois en raison du froid et de sols humides au nord de la Corn Belt, a expliqué Dan Cekander de DC Analysis.
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