Le prix du blé atteint un record en clôture après l’embargo indien
AFP le 16/05/2022 à 20:34
Jusqu'où ira-t-il ? Au plus haut depuis la guerre en Ukraine, le cours du blé a battu un record lundi à la clôture sur le marché européen, après l'annonce par l'Inde d'un embargo sur ses exportations de la céréale.
Le cours du blé a atteint 438,25 euros la tonne à la clôture, un nouveau plus haut pour la céréale qui s’échange déjà à prix d’or sur un marché mondial tendu. « C’est un record absolu toutes échéances confondues sur Euronext. Le précédent record remonte au 7 mars 2022 avec un blé à 422,50 euros la tonne en clôture », a déclaré à l’AFP Damien Vercambre, courtier au cabinet Inter-Courtage.
Déjà en ouverture, les prix s’étaient envolés à 435 euros la tonne sur le marché européen.
Deuxième producteur de blé au monde, l’Inde a annoncé samedi interdire les exportations de cette denrée, sauf autorisation spéciale du gouvernement, face à la baisse de sa production due notamment à des vagues extrêmes de chaleur.
New Delhi, qui s’était auparavant engagé à fournir du blé aux pays fragiles autrefois dépendants des exportations d’Ukraine, veut assurer la « sécurité alimentaire » des 1,4 milliard d’habitants de l’Inde. Une décision qui va « aggraver la crise » d’approvisionnement en céréales au niveau mondial, s’est alarmé samedi le G7.
En tournée en Europe début mai, le Premier ministre indien Narendra Modi s’était pourtant dit, aux côtés du président français Emmanuel Macron, déterminé « à répondre de manière coordonnée et multilatérale au risque d’aggravation de la crise alimentaire dû au conflit en Ukraine ».
Protéger les stocks
La flambée des cours reflète aussi l’incertitude quant aux intentions de New Delhin: « Les contrats déjà signés devraient être respectés mais on ne sait pas ce qu’il va advenir d’une livraison de 500 000 tonnes de blé à l’Égypte en cours de négociation », a indiquait Damien Vercambre à l’ouverture du marché sur Euronext.
Cette décision d’interdiction s’explique notamment par des estimations de récolte moins bonnes qu’escomptées – en baisse de 5 % par rapport aux 109 millions de tonnes de blé récoltées en 2021 – mais pas uniquement.
« Contrairement à la Russie qui a depuis des années mis en place un système de quotas et de taxes à l’exportation, l’Inde a sans doute plus de mal à contrôler les volumes exportés », de nombreux producteurs délaissant les opérateurs publics au profit d’acheteurs privés payant les céréales au prix fort, explique Damien Vercambre, qui voit dans cette décision une façon pour l’Inde de protéger ses stocks et de limiter une inflation galopante des prix alimentaires.
Sur les marchés mondiaux, le choc est d’autant plus rude que l’Inde, petit poucet du blé, montait en puissance : elle avait exporté 7 millions de tonnes en 2021 et tablait sur 10 millions cette année, apparaissant désormais comme une des alternatives possibles au blé ukrainien.
Crise ukrainienne
La crise de croissance du sous-continent tombe très mal : l’Ukraine, qui était en passe de devenir le 3e exportateur mondial de blé, devrait voir sa production amputée d’un bon tiers cette année, selon les prévisions du ministère américain de l’agriculture (USDA), qui n’estime plus qu’à 10 millions de tonnes la capacité d’exportation de Kiev en 2022, contre 19 millions de tonnes un an plus tôt.
Déjà à un niveau inédit, le prix du blé a augmenté de 40 % depuis le début de la guerre et restait soutenu du fait des risques actuels de sécheresse dans le sud des États-Unis et en Europe de l’Ouest.
Alors que le conflit s’enlisait en Ukraine et en attendant les nouvelles récoltes australiennes et canadiennes, la promesse du blé indien, en cours de récolte, avait un peu soulagé des marchés sous tension, notamment au Moyen-Orient et en Asie, clients traditionnels de l’Inde.
L’interdiction indienne sur le blé, qui fait écho à celle de l’Indonésie sur l’huile de palme au nom de la souveraineté alimentaire, promet de maintenir la pression dans les pays importateurs, comme le Maroc, dont la production de céréales va baisser de plus de 60 %, ou l’Irak, où le manque d’eau a conduit à réduire de moitié les surfaces cultivées.
Pour des observateurs du marché, les prix vont rester soutenus car « la demande est toujours là ».
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