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Prix des céréales

Sécheresse et protectionnisme déboussolent les marchés des grains


AFP le 25/05/2022 à 16:47
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« Le marché se détend un peu, notamment après la clarification de l'Inde », a déclaré Gautier Le Molgat, du cabinet Agritel. (©Pixabay)

Vagues de chaleur de l'Inde à l'Éthiopie, enlisement du conflit en Ukraine : dans une planète en crise où les réflexes protectionnistes se multiplient, les prix des céréales, toujours très hauts, oscillent au gré des turbulences.

La moindre nouvelle d’une petite chance d’exporter plus de grains d’Ukraine ou la promesse d’averses sur les plaines à blé françaises sont accueillies avec soulagement par des marchés mondiaux minés par l’absence de certitudes, constatent des analystes.

Après des séances en dents de scie, le cours du blé se repliait mercredi, se rapprochant de la barre des 400 euros la tonne – franchie il y a onze jours – après un record en séance plus de 444 euros le 17 mai sur Euronext.

Clarification indienne

L’Inde, deuxième producteur mondial frappé par une canicule exceptionnelle, avait annoncé le 14 mai une interdiction totale de ses exportations de blé (estimées à environ 8 millions de tonnes en 2021-22). Mais le pays va finalement exporter des stocks qui avaient déjà été vendus.

« Le marché se détend un peu, notamment après la clarification de l’Inde », a déclaré à l’AFP Gautier Le Molgat, du cabinet Agritel. Mais, prévient-il, « la tendance générale reste haussière : on assiste plus à des petites corrections liées au contexte géopolitique et à la météo qu’à un reflux durable des prix ».

Au rang des nouvelles rassurantes, des prévisions météorologiques plus favorables aux États-Unis, notamment sur la « corn belt ». « On a planté davantage que ce que le marché attendait, surtout pour le maïs », a indiqué Jason Roose d’US Commodities. Autre élément baissier pour le grain jaune, selon Dan Cekander de DC Analysis, la conclusion d’un accord entre Brésil et Chine, qui va autoriser l’importation de maïs brésilien.

Du côté du blé -même si les inquiétudes demeurent après des vagues de chaleur en Europe- les semis en Ukraine sont moins catastrophiques que redouté : 60 à 80 % des surfaces de céréales ont pu être semées, selon Jason Roose.

Mais l’Ukraine pourra-t-elle exporter ? En attendant un hypothétique accord diplomatique en faveur de corridors maritimes pour les produits agricoles coincés dans les ports ukrainiens, pour Gautier Le Molgat, il manque toujours 20 millions de tonnes de céréales sur le marché.

Réflexe protectionniste

Dans ce contexte tourmenté où l’inflation explose -l’Onu estime qu’en mai, « plus de 200 millions de personnes sont confrontées à une faim aiguë »- les réflexes protectionnistes se multiplient.

Après l’invasion russe en Ukraine, une vingtaine de pays avaient décidé de restrictions sur certaines denrées de base (farine, huile). La crise durant, d’autres mesures plus radicales ont été prises : après la décision indonésienne d’interdire l’exportation de l’huile de palme, l’Inde a ainsi décidé de l’embargo sur son blé, puis de restrictions sur son sucre, et la Malaisie vient de suspendre ses exportations de poulets.

« Il n’y a pas un seul gouvernement qui résiste à la faim dans sa capitale. En 2007, les émeutes de la faim se sont propagées à 37 pays. En 2010, la flambée du blé a été une cause directe des printemps arabes », rappelle Bruno Parmentier, économiste et auteur de « Nourrir l’humanité ».

« Face à la menace, une des premières mesures des Etats est d’acheter du stock : mais là, il y a très peu de stock disponible et à des prix inabordables pour de nombreux pays. Ce que fait l’Inde, qui a 1,3 milliard d’habitants à nourrir, c’est simplement, se protéger contre ce « tsunami de famines » annoncé par l’Onu », poursuit-il.

Mais, souligne Gautier Le Molgat, « ces réflexes protectionnistes alimentent la peur et créent de la rareté », ce qui accentue tension et volatilité sur les marchés.

Pour suivre les évolutions des cours des matières premières agricoles, rendez-vous sur les cotations Agri Mutuel.