Chasseurs, éleveurs, naturalistes réunis pour mieux connaître le loup
AFP le 27/06/2022 à 15:05
Comment reconnaître des traces de loups ? Distinguer un loup gris d'un chien-loup ? Pendant deux jours, chasseurs, éleveurs, agriculteurs, accompagnateurs en montagne, naturalistes, aux opinions parfois opposées, ont appris ensemble à mieux connaître l'animal pour intégrer son réseau de surveillance en France.
Ils sont une vingtaine, essentiellement des hommes, à écouter attentivement deux experts de l’Office français de la biodiversité (OFB) dans le salon d’honneur de la sous-préfecture de Draguignan utilisé pour l’occasion, sous les regards d’un loup gris et d’un lynx boréal empaillés.
Au terme de la formation, faite au printemps, ils ont rejoint les 4 500 membres du réseau loup-lynx. Ces espèces sont protégées après avoir été éradiquées par l’homme en France mais critiquées pour leurs attaques de troupeaux ou de gibier.
« Le réseau, c’est un système participatif avec des correspondants », explique Nicolas Jean, responsable à l’OFB du suivi des grands prédateurs.
Composé à 55 % d’agents de l’Etat, environ un sixième de chasseurs, un autre sixième de particuliers, mais moins de 5 % d’agriculteurs, il doit passer à 5 000 membres d’ici à la fin de l’année avec l’objectif d’intégrer plus de chasseurs et d’éleveurs.
La formation, dense, porte principalement sur le loup, seul prédateur présent dans le Sud-Est : morphologie, composition des meutes, reproduction, dispersion géographique…
Nicolas Jean pose des règles dès le début : il ne s’agit pas de savoir qui est pour ou contre le carnivore mais de former de nouveaux volontaires à repérer des traces – observations visuelles, crottes, poils, hurlements, traces, carcasses de proies sauvages – pour savoir où il vit et estimer in fine sa population.
Gaël Cauvin, louvetier, a voulu suivre cette formation car « le loup est hyper intelligent, on n’en connaît rien ». « Le loup est là, il ne va pas partir », dit, avec un brin de fatalisme, cet éleveur d’ovins qui a connu des attaques contre son troupeau.
« Un loup, c’est magnifique », lâche Michel Rivagio, lieutenant-louvetier et chasseur. Pas question de les éradiquer, mais il faut « en tirer un peu plus » dans le Var pour protéger les troupeaux, estime-t-il.
Delphine, accompagnatrice en montagne, est venue pour « participer à la protection de l’espèce ». « J’interagis avec des éleveurs et des chasseurs sur le terrain, ce n’est pas toujours facile quand on est dans des camps opposés », explique-t-elle. La formation, en mélangeant des personnes de différents horizons pendant deux jours, constitue « une ouverture », apprécie-t-elle.
Au cours des derniers mois, l’OFB a vu sa méthodologie remise en cause par des fédérations d’agriculteurs, d’éleveurs, jusqu’à l’ex-ministre de l’agriculture Julien Denormandie qui parlait de « revoir le sujet du comptage ».
L’établissement public « n’a pas de statut associatif ni militant », rappelle Nicolas Jean. L’objectif du réseau « est de faire dans le factuel »: pas de dire « j’ai l’impression qu’il y a une meute de loups de plus (dans une zone), mais d’apporter des données », insiste-t-il.
Kit de prélèvement
Les loups étant des animaux sauvages, furtifs, vivants sur de larges territoires et capables de parcourir des dizaines de kilomètres par jour, il n’est pas question de les compter un à un, mais d’estimer leur population.
« L’OFB n’a pas mis en place une méthode fumeuse mais est parti de la méthode capture-marquage-recapture » utilisée depuis la fin du XIXe siècle pour estimer des populations animales, décrit-il. Dans le cas du loup, c’est l’ADN des individus, et non les animaux, qui est capturé.
Armé de billes de différentes couleurs, l’agent de l’OFB détaille patiemment cette méthode statistique. Elle « permet d’avoir une estimation avec un indice de confiance associé », poursuit-il.
Avec la dispersion des loups sur un territoire toujours plus large en France, le modèle devient moins précis car le taux de recapture diminue. « On en rate, on le sait », dit Nicolas Jean. La population de loups gris est estimée à 921 individus à la sortie de l’hiver 2021-2022 et le chiffre 2020-2021 a été revu en hausse à 783 loups, selon le bilan officiel publié lundi.
Les deux formateurs de l’OFB expliquent aussi quel type d’indices peuvent êtres trouvés – poil, sang, crotte, hurlement – à quelle saison, comment les relever. Chaque participant repart avec son kit de prélèvement.