Quotas, tarifs progressifs de l’eau, irrigation raisonnée
AFP le 07/08/2022 à 10:05
Instaurer un tarif progressif de l'eau, voire des quotas, ne pas trop encourager l'irrigation agricole... Des pistes existent pour préserver l'eau, ressource vitale mise à mal par le changement climatique, explique à l'AFP Agnès Ducharne, chercheuse au CNRS.
« La principale source d’eau dont nous disposons en France, ce sont les précipitations », rappelle cette spécialiste du cycle de l’eau et des impacts du changement climatique en France.
Pendant l’hiver, ces précipitations rechargent les nappes phréatiques et alimentent les rivières. Cette année, « tout l’hiver et le printemps, hormis juin, nous avons eu des déficits de pluie sur une bonne partie du territoire, ce qui fait qu’à la fois les nappes et les débits sont plus bas que la moyenne », constate la chercheuse.
Les canicules successives renforcent le phénomène, les sols perdant l’eau par évaporation, tandis que « les nappes phréatiques se vident en alimentant les rivières et en étant pompées par les activités humaines », poursuit-elle.
L’agriculture est l’activité la plus gourmande en eau. « On prélève environ 40 milliards de m3 d’eau par an en France dont 5 milliards sont consommés, c’est-à-dire non restitués aux milieux. L’agriculture représente 45 % de la consommation pour seulement 9 % des prélèvements, devant le refroidissement des centrales électriques (31 % de la consommation), l’eau potable (21 %) et l’industrie (3 %) », selon le gouvernement.
Les impacts de l’agriculture « sont importants, car ils sont concentrés sur une seule période de l’année – les trois mois d’été -, où l’agriculture peut représenter jusqu’à 80 % de l’eau consommée », toujours selon le gouvernement.
Aujourd’hui, en cas de sécheresse, des restrictions plus ou moins sévères des usages de l’eau sont mises en place suivant le niveau d’alerte. Si ce système est « un bon principe », comment aller plus loin, alors que le réchauffement climatique va intensifier la durée et l’intensité des sécheresses ? Depuis 2001, la France métropolitaine a perdu 14 % de ses ressources en eau renouvelable par rapport à la période 1990-2001.
« Pas de miracle »
« Une tarification progressive de l’eau peut être mise en œuvre : le premier m3 serait gratuit et ensuite l’eau serait de plus en plus chère », par palier, suggère la chercheuse. « Les gens qui utilisent beaucoup d’eau la payeraient au prix fort », argumente-t-elle. Cette piste a été mise en avant par le gouvernement en 2019 lors des Assises de l’eau.
Une solution plus radicale serait l’instauration de « quotas » en eau par utilisateur, poursuit Agnès Ducharne. Ces mesures « inciteraient à des comportements plus sobres en eau », fait-elle valoir.
Le principal syndicat agricole, la FNSEA, défend la construction de retenues d’eau qui se remplissent en hiver, pour irriguer l’été car ces retenues ne sont pas concernées par les restrictions. « Ce serait idiot de dire qu’il n’en faut pas, ce serait idiot d’en faire trop », avertit la chercheuse.
« On a constaté par le passé qu’avec le développement de retenues d’eau, la surface irriguée augmente » et que les agriculteurs « restent tout aussi vulnérables aux sécheresses », indique-t-elle en citant comme contre-exemple l’Espagne. « Il faut éviter ce type de mal-adaptation au changement climatique », insiste-t-elle.
« La meilleure place pour stocker l’eau est dans les nappes, à l’abri de l’évaporation et de la pollution », contrairement aux retenues d’eau où « elle s’évapore et est perdue », souligne encore la spécialiste en hydrologie.
Autres pistes, « des cultures plus adaptées à la sécheresse estivale », manger moins de viande pour réduire les besoins en aliments pour les animaux ou encore irriguer à la surface du sol plutôt que par dispersion où de l’eau se perd par évaporation, suggère Agnès Ducharne.
La réutilisation des eaux usées fait aussi partie des pistes, pour des usages agricoles ou autres (golfs, jardins…) tout comme des économies faites par les particuliers.
Le choix du nucléaire est aussi soulevé par la chercheuse. « Je ne suis pas sûre que vouloir développer la production électrique en France via le nucléaire principalement soit, face aux futurs problèmes de sécheresse, la solution la plus évidente », commente-t-elle.
« Quand il n’y a plus d’eau du tout, on ne peut pas en fabriquer, on peut juste en amener. Il n’y a pas de miracle à attendre », prévient la chercheuse.