Savoir calculer et maximiser sa marge alimentaire
TNC le 10/10/2022 à 05:12
Avec un prix du lait qui grimpe et des charges qui en font tout autant : comment s'y retrouver ? Les conseillers du Fidocl (conseil élevage du Sud-Est) recommandent de travailler la marge alimentaire.
« Les prix de vente augmentent, que ce soit pour le lait, la viande, les céréales, mais les intrants aussi et on n’a aucune visibilité de la durée de ces hausses », affirme Jean-Philippe Goron, d’Adice (conseil élevage Ardèche, Drôme et Isère). « Il ne faut pas avoir ce discours pessimiste « tout est cher, mieux vaut arrêter », au contraire : il faut chercher à tirer son épingle du jeu et maximiser sa marge. »
La marge sur coût alimentaire, c’est quoi ?
Marge alimentaire = produit lait – aliments achetés. Elle se calcule en €/1 000 l ou en €/VL/j. Un calcul simple qui donne un cap. Le plus long étant de détailler les charges à couvrir par la marge.
Charges hors alimentation | – Appro surfaces – Frais d’élevage – Mécanisation (charges courantes) – Bâtiment (charges courantes) – Foncier – Frais divers gestion – Annuités | |
+ | Rémunération | – Prélèvement – MSA |
– | Aides | – Pac |
– | Autres produits | – Viande – +/- Cultures |
= | Charges à couvrir via la marge alimentaire | – Volume de lait, nb de vaches – Prix du lait – Achats concentrés et/ou fourrages |
Le conseiller d’élevage cite un exemple pour mieux comprendre. Calcul de marge alimentaire à partir d’un coût de production (ferme laitière, 410 000 l livrés, 60 VL, 85 UGB, 90 ha de SAU dont 85 ha de SFP, 1,7 UTH) :
Charges hors alim (€/1 000 l) | ||
Appro surfaces | Engrais | 46 |
Semence, phyto, div | 18 | |
Frais d’élevage | Frais véto | 16 |
Divers élevage | 43 | |
Méca ch. courantes | Tx 1/3 | 32 |
GNR | 44 | |
Entretien | 36 | |
Bâtiment ch. courantes | Electricité | 10 |
Entretien | 8 | |
Foncier | 24 | |
Frais généraux | 38 | |
Annuités | 84 | |
= | 399 | |
Rémunération | ||
Rému 2 SMIC brut | 175 | |
Aides | ||
Pac | 136 | |
Autres produits | ||
Viande | 88 | |
Reste à couvrir par la marge alimentaire | ||
143 354 € | ||
/vache | 2 389 € | |
/1000 l | 350 € | |
/vache/j | 6,5 € |
Avec 410 000 l de lait livrés à 440 €/1 000 l, le CA lait est de 180 400 €.
La charge alimentaire est estimée à 43 050 €.
La marge alimentaire est donc de 137 350 €. Dans cet exemple, il manque 6 004 € (137 350 – 143 354) !
« L’éleveur devra alors jouer sur son chiffre d’affaires lait (par le nombre de vaches traites, le volume, la ration…) ou ses charges alimentaires (choix de l’aliment, efficacité, renouvellement des génisses…). »
Mettre la technique au service de l’économie
« Savoir se situer est important. On ne maîtrise pas le prix du lait ni des matières premières achetées, mais on peut actionner des leviers pour être plus performant (à condition bien sûr d’être en cohérence avec son système sol/animal/éleveur). » Jean-Philippe Goron d’Adice et Patrice Dubois de Rhône conseil élevage en citent quelques-uns :
– La reproduction. Lorsque l’objectif est de maintenir un volume (et donc un chiffre d’affaires lait), maintenir la repro est primordial.
– La qualité des fourrages. Pour les systèmes pâturants par exemple, cela passe par l’aménagement des chemins pour pouvoir aller chercher l’herbe dès qu’elle est dispo. Pour d’autres, il s’agit d’aller chercher l’azote dans des récoltes d’herbe optimales (prairies multi espèces, luzerne…).
– La nutrition. Avec des objectifs précis de production et d’efficacité alimentaire par lots de vaches (primipares, multipares), sans oublier les vaches taries.
– La rentabilité des vaches et l’élevage des génisses. Faire un tri des animaux selon leur rentabilité pour faire durer les plus productives et n’élever que le compte nécessaire de génisses.
– Le calcul de la marge lait régulier. Un suivi mensuel permettant de se projeter par rapport au volume à produire et des dépenses possibles.
– Jouer sur les postes extérieurs à l’élevage. Comme la fertilisation, l’utilisation des énergies, etc.
Se fixer des objectifs
Patrice Dubois présente un autre exemple. Il s’agit d’un élevage de 37 VL, 320 000 l de lait vendus, 46 ha de SAU, 1 UTH. Le cap sur cette ferme c’est de maintenir la recette laitière. L’éleveur se fixe deux objectifs :
– Marge alimentaire mini = 8 €/VL/j (ou 280 €/1000 l)
– Coût de la ration max = 5,6 €/VL/j (ou 190 €/1000 l)
Quel doit être le prix du lait pour pouvoir se rémunérer 2 Smic ?
2021 | Projection hausse des charges | |
Charges opérationnelles | ||
Engrais | 15 | 33 |
Semences | 10 | 11 |
Produits phyto | 9 | 10 |
Aliments achetés | 108 | 140 |
Frais vétérinaires | 20 | 20 |
Frais divers d’élevage | 48 | 50 |
Achat fourrage exceptionnel | 0 | 15 |
Charges de structure | ||
Main d’oeuvre | 17 | 17 |
Carburants | 16 | 32 |
Entretiens | 18 | 19,8 |
Travaux/tiers | 24 | 26,4 |
Autres charges méca | 8 | 8 |
Fermage | 7 | 7 |
Charges bâtiments | 24 | 24 |
Frais généraux | 48 | 50 |
Charges opé + structure | 372 | 464 |
Rémunération 2 Smic nets | 93 | 101 |
Annuités | 95 | 95 |
Charges totales | 560 | 661 |
Produits viande | 71 | 85 |
Produits végétaux | 3 | 5 |
Aides globales | 73 | 80 |
Produits divers | 0 | 0 |
Produits totaux | 147 | 170 |
Prix d’équilibre pour 2 Smic | 413 | 491 |
Sur 2021, son prix d’équilibre (permettant de dégager un revenu équivalent à 2 Smic) s’établissait à 413 €/1 000 l. La projection prenant en compte la hausse des charges fait grimper ce prix à 491 €/1 000 l.
Pour le conseiller, le constat est clair : « Le prix du lait doit être de 500 €/1 000 l pour tous les éleveurs. Et ce, pour leur permettre de se rémunérer et couvrir les risques climatiques auxquels ils sont de plus en plus confrontés. »