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En engraissement

Éviter les cas de Mortellaro, « une maladie qu’on achète »


TNC le 20/10/2022 à 05:51

On connaît l'expression « pas de pied, pas de cheval », là c'est plutôt « pas de pied, pas de JB » ! En effet, les cas de dermatite digitée se multiplient en ateliers d'engraissement. Hygiène, conception des bâtiments et surtout provenance des animaux : les éleveurs prennent le taureau par les cornes !

Après plusieurs cas de Mortellaro détectés sur des taurillons dans les Hauts-de-France, un groupe d’éleveurs de l’Aisne s’est penché sur les facteurs de risques et les mesures de maîtrise à appliquer. « On avait de plus en plus de taurillons qui partaient en abattage d’urgence à 600 ou 650 kg de poids vif, ce qui faisait décrocher les éleveurs en résultats économiques », explique Christian Guibier de la chambre d’agriculture de l’Aisne.

« Neuf fois sur dix, c’est une maladie qu’on achète, affirme le conseiller d’élevage. La contamination provient très souvent du naisseur ou du négoce. Et plus les animaux viennent de cheptels différents, plus on multiplie les risques. » L’idéal pour lui serait d’engraisser des bovins provenant de cinq élevages différents au maximum. Une idée qui plaît aux éleveurs mais qui fait tiquer les négoces. Christian Guibier insiste : « Mieux vaut avoir 50 kg d’écart entre les animaux d’un même lot, tant qu’ils proviennent du même élevage. »

Une conception des bâtiments à revoir

Plusieurs éléments favorisant le développement de la dermatite digitée ont été relevés dans la conception des bâtiments d’engraissement :

– la surdensité : dans certaines cases, la zone de couchage est réduite et les animaux passent trop de temps debout ;

– les bâtiments avec pente avant : parmi les 242 animaux suivis sur 8 élevages, les conceptions de stabulation avec pente avant présentaient plus de cas de dermatite qu’en aire paillée intégrale ;

– le raclage : lorsque l’aire de raclage communique entre les cases, le racleur ensemence le sol de chacune d’entre elles ;

– faire avancer les lot de case en case : trop souvent, la litière est inchangée ;

– le curage : les températures mesurées dans beaucoup de litières dépassaient les 40°C. Cette température est favorable aux développement des germes. D’où l’importance de curer régulièrement ;

– la localisation de l’infirmerie : régulièrement, elle est placée au centre du bâtiment, c’est une erreur car elle est en contact avec les cases voisines et les contamine par la raclage ;

– l’accès à l’eau et à l’auge : trop souvent insuffisant, il augmente le temps debout pour les animaux.

Miser sur l’hygiène et la prévention

En cas de suspicion de Mortellaro, il faut vite identifier animaux touchés et les prendre en charge. « Bien sûr, on ne peut pas manipuler un jeune bovin comme une vache laitière, il faudra donc être équipé de contention pour pouvoir lever les pattes et parer », fait remarquer Christian Guibier. « En général, les boiteries sont assez légères, mais les lésions sont plus profondes et agressives qu’en élevage laitier. Et dans certains cas, on a même identifié des lésions sur la face dorsale des pieds, chose qu’on n’observe pas en lait. »

La colonisation des bactéries se fait principalement sur une peau esquintée. Et l’humidité est la meilleure amie des germes : la peau macérée les laisse plus facilement passer. L’ambiance et la ventilation du bâtiment ont donc un grand rôle à jouer.

Les éleveurs des Hauts-de-France ont testé deux solutions de prévention :

– le traitement de litière : qui a donné satisfaction, mais reste très coûteux,

– le pédiluve : avec un passage à l’arrivé des animaux, un second trois semaines plus tard lors de la vaccination, suivi d’un troisième. Une solution qui demande une certaine rigueur mais qui s’avère efficace.

« À chacun de trouver ce qui lui convient le mieux, mais l’idéal reste de miser sur la prévention, avec la provenance des bovins, la densité des lots, la conception du bâtiment, et l’hygiène en général », conclut l’expert.