Flambée des coûts des production : mais comment font les Espagnols ?
TNC le 09/02/2023 à 11:34
Malgré la hausse des coûts de production, la filière d’engraissement de veaux laitiers se développe en Espagne. L’intégration et l’hyperspécialisation dans des ateliers de grande taille leur permettent de dégager de la rentabilité.
Toute l’Europe est touchée par la décapitalisation bovine… Toute ? Non ! L’élevage espagnol résiste encore et toujours à la baisse des cheptels. Mieux même, il progresse ! En 2022, les abattages de bovins ont augmenté de 4 % en volume pour atteindre un niveau inédit. La spécificité espagnole ? L’importation de veaux laitiers. Le pays en achète deux fois plus qu’il y a dix ans, et la France est son fournisseur privilégié. Mais face à la flambée des coûts de production, la conjoncture espagnole a de quoi étonner. « Comment font-ils ?! ». Ilona Blanquet, économiste pour l’Institut de l’élevage (Idele) a répondu à cette question en se rendant en Espagne.

Une filière ultraspécialisée
« Pour chaque phase d’élevage intervient un acteur spécifique » remarque l’économiste. Issus de l’importation ou de fermes laitières espagnoles, les veaux laitiers arrivent à trois semaines chez le sevreur. C’est lui qui s’acquitte de la phase lactée de l’animal. « C’est un métier technique. Le sevreur récupère des veaux issus de troupeaux aux microbismes différents, stressés par le transport… ». Mais la spécialisation permet une surveillance accrue. Des vétérinaires attitrés aux exploitations effectuent des contrôles hebdomadaires, et en plus de la vaccination, certains sevreurs vont jusqu’à effectuer des échographies pulmonaires préventives.
À trois mois et demi, les bovins changent de main pour l’engraissement. Ils sont alors élevés sur de grandes structures dans des bâtiments ouverts et peu onéreux. « Avec parfois plus de 1 000 bovins à l’engrais pour 1 UTH, des bâtiments légers et un système intégré, les éleveurs parviennent à écraser les charges fixes » détaille l’économiste.
Le mélange d’aliment complet, fourni par la coopérative, est essentiellement composé de concentrés pour atteindre un GMQ de 1,6 kg. « Les indicateurs de bon fonctionnement ruminal ne sont pas pris en compte » relève Ilona Blanquet. Avec un aliment composé à 42 % d’amidon (alors que les recommandations françaises indiquent de ne pas dépasser les 35 %) et seulement 9 % de cellulose brute, l’engraissement des bovins se rapproche d’un système monogastrique. « Cette ration est possible car les animaux à l’engraissement sont jeunes, souvent de race montbéliarde et donc moins sensibles à l’acidose ». L’ajout de levures et bicarbonate, ainsi que de paille à la ration (1 à 2 kg par jour) permet de maintenir un pH ruminal correct.
?? Direct | #GAViande 2023
Focus #engraissement
? Étude de l’engraissement en Espagne ????
? 2ème cheptel allaitant de l’UE27 ???? -> +15% en 10 ans
? Import de veaux : + 73% en 10 ans
? 2 systèmes d’engraissement en Espagne
?? Avec notre collègue Ilona Blanquet pic.twitter.com/Y3NKjBd2Xo— IDELE (@InstitutElevage) January 18, 2023
L’intégration pour répercuter les coûts
La rigueur du sevreur paye. Dans les exploitations visitées par l’Institut de l’élevage, les éleveurs assurant la phase lactée étaient rémunérés 0,33 € par bovin et par jour. Avec 550 places de sevrage et une rotation permettant d’élever trois lots par an, l’éleveur parvient à dégager un produit de 41 000 € sur son atelier. L’aliment (à l’exception de la paille) est fourni par la coopérative, et la taille des exploitations permet de contenir les charges de structure. Moins technique, la phase d’engraissement est généralement réalisée par des engraisseurs doubles-actifs. L’engraisseur touche 0,27 € par jour et par bovin. Avec 200 bovins finis à l’année, cet atelier permet de dégager un produit avoisinant les 13 000 €/an.
L’éleveur a également la possibilité de prendre part aux bénéfices (ou pertes) de sa coopérative. « L’intégrateur calcule sa marge économique pour chaque lot sorti en comptant le prix d’achat du veau, l’aliment, la prestation versée à l’éleveur et le transport. En amont, l’éleveur choisit quelle part du résultat il souhaite récupérer » (cette dernière doit être comprise entre 20 et 80 %).
Vers un encadrement du transport des veaux
Et surtout, l’engraissement espagnol reste compétitif grâce à la hausse des cours de la viande. « En moyenne sur l’année 2022, le JB U a côté 5 €/kg de carcasse, soit une hausse de 29 % par rapport à 2021 », relève l’Idele dans son Dossier Economie de l’Elevage. Cela couvre la hausse du coût de production, estimée à 30 % sur cette période.
Seule ombre au tableau, l’éventuelle modification de la réglementation sur le transport des jeunes animaux après les élections européennes de 2024. La nouvelle législation pourrait impacter fortement la filière espagnole, avec dans les tiroirs le recul de l’âge minimum pour le transport des veaux laitiers…