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Agriculture bio

Déni, observation puis acceptation: des lycées agricoles se convertissent au bio


AFP le 26/02/2023 à 10:05
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Le Lycée de Brémontier-Merval possède également des variétés locales de pommiers. (©Pixabay)

« Niveau écologique, c'est une bonne chose, mais niveau économique, ça peut être pénalisant » : au lycée agricole normand de Brémontier-Merval, les élèves apprennent sur une exploitation bio. Mais pour beaucoup, transition rime encore avec complications.

Valentin, en terminale STAV (Sciences et technologies de l’agronomie et du vivant), a vu des agriculteurs être « pénalisés » quand des pesticides ont été interdits, synonyme de baisses de rendements. « Il faut bien nourrir les gens », s’inquiète ce fils d’agriculteur.

Mais l’exploitation du lycée du Pays de Bray lui montre qu’un autre modèle était possible : moins de volumes et plus de bénéfices en s’affranchissant des produits chimiques et en passant les vaches au « tout herbe » pour leur alimentation. « Nous, on devait acheter du tourteau » pour les nourrir, « ici, ils sont autonomes », souligne le lycéen de 17 ans.

« Le modèle de mon père, il marche pour l’instant. A l’avenir, je ne suis pas contre des modifications. Tant qu’on s’en sort. Parce que l’environnement, c’est bien, mais il faut pouvoir se dégager un revenu », insiste l’agriculteur en devenir.

Pour Romain Antoine, responsable du troupeau, les enfants d’agriculteurs conventionnels passent par différentes étapes, « comme pour le deuil : le déni, la colère… Ils cherchent des excuses, ils pensent qu’on a plus de subventions parce qu’on est un lycée. » Mais selon les salariés et la direction, les chiffres finissent par les convaincre. Depuis le passage au bio, l’exploitation est dans le vert, avec 150 000 euros de bénéfices annuels.

Les vaches produisent moins mais le fromage est vendu plus cher. Les bêtes pâturent quasiment toute l’année, entre les pommiers, devant un château normand du XVIIe siècle qui abrite les salles de classe.

« Mais avec le bio, il y a plus de maladies », observe Cévan, 15 ans, élève en CAP Métiers de l’agriculture, tronçonneuse à la main pour défricher une parcelle de forêt empiétant sur une prairie.

Pourtant, grâce à la prévention, les vaches vieillissent mieux ici qu’ailleurs, répond leur professeur d’agronomie et de sciences et techniques des agro-équipements Ludovic Delabriere.

Cévan capitule : « C’est vrai que le produit est de meilleure qualité, je préfère manger bio… mais je ne me vois pas faire du bio. » Ses camarades acquiescent, affirmant que « plus personne n’en achète à cause des prix qui augmentent ». « Vous n’êtes qu’en première année », relativise leur professeur.

Trouver l’équilibre

La notion de « développement durable » a été introduite en 2010 dans les textes régissant l’enseignement agricole. La « diversité des systèmes de production » en 2014 et la « sensibilisation au bien-être animal » en 2018. Depuis 2014, les établissements doivent « enseigner à produire autrement ».

D’ici 2025, leurs exploitations devront être converties au bio (27 % des surfaces le sont actuellement), certifiées « haute valeur environnementale » (36 % actuellement) ou SIQO (pour « signe d’identification de la qualité et de l’origine » – le Label Rouge en fait partie).

A Brémontier-Merval, « ça fonctionne depuis des années parce qu’il y avait des envies et un territoire qui s’y prête. Mais l’esprit est transposable. On donne juste un exemple de ce qui est possible, les élèves se construisent leur avis ensuite », explique Laurence Veillon, proviseure, ajoutant que les bénéfices ont fini par convaincre les enseignants réticents.

« On est en quasi complète autonomie. Il y a une vraie fierté d’en parler aux élèves. Leur montrer qu’il y a des moyens de faire autrement », sourit Fabienne Dutot, responsable de l’atelier transformation fromagère, en regardant deux élèves mouler des fromages.

François Juguet, responsable de la cidrerie, a les yeux qui brillent en montrant les variétés locales de pommiers réintroduites sur l’exploitation. Il se réjouit aussi de voir arriver des élèves « non issus du milieu agricole ». Ces derniers, ainsi que le nombre croissant de filles, « changent la perception des classes. Il y a plus d’ouverture, car ceux qui arrivent du milieu agricole ont souvent le modèle familial en tête », renchérit Laurence Veillon.

Et avec seulement 13 % des fermes converties au bio en 2021, le modèle reste le conventionnel.

« La solution c’est un équilibre entre rendement et protection de l’environnement. Il faut diminuer les produits sans les enlever », conclut Romain, neveu d’agriculteurs, scie à la main. Ou alors, surenchérit Mathéo, qui ne vient pas du milieu, « être 100 % autonome, de la production, à la vente, comme ici… mais c’est dur ».