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Ressource en eau

La gestion de l’eau, chantier prioritaire pour l’agriculture


AFP le 26/02/2023 à 19:25
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7 % des surfaces cultivées sont irriguées en France. (©Pixabay)

Faut-il stocker davantage d'eau, en consommer moins, renoncer à certaines cultures ? Le « plan de sobriété sur l'eau » évoqué samedi par le président Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture résonne comme une évidence douloureuse pour le monde agricole.

La sécheresse historique de l’été 2022 et, pire, l’hiver sec qui a suivi, a fait de l’eau, denrée longtemps abondante dans le climat tempéré de la France, un bien plus rare qu’il convient d’économiser et de partager.

« La situation est plus grave que l’an dernier à la même époque et on a deux mois de retard sur la recharge des nappes phréatiques », a rappelé le ministre de la transition écologique Christophe Béchu dans un entretien au Journal du Dimanche. Déjà quatre départements connaissent des restrictions d’eau, contraignant les agriculteurs à réduire de moitié leurs prélèvements, et « on aura entre 10 et 40 % d’eau disponible en moins dans les années qui viennent », souligne le ministre.

Sur une moyenne de 200 milliards de m3 d’eau disponibles par an dans la nature en France métropolitaine, environ 30 milliards sont prélevés dont 3,2 milliards par l’agriculture, essentiellement pour l’irrigation, loin derrière le refroidissement des centrales électriques (plus de 15 milliards) ou la production d’eau potable (5 milliards).

La part de l’agriculture irriguée – environ 7 % des surfaces cultivées – est relativement limitée en France mais « 70 à 80 % des prélèvements d’eau se font l’été, quand la disponibilité est la plus faible », relève Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

Le gouvernement, qui travaille sur le « plan eau » attendu en mars, étudie plusieurs pistes : un stockage accru, la réutilisation des eaux usées- de moins de 1 % en France contre 8 % en Italie, 14 % en Espagne et même 85 % en Israël-, mais aussi le développement de variétés de cultures plus résistantes au stress hydrique.

« Aujourd’hui, les pouvoirs publics se rendent compte qu’il faut gérer la ressource. Quand le président parle de retenues collinaires (qui retiennent des eaux de surface via l’endiguement de cours d’eau, NDLR), c’est un bon signal pour nous », estime Céline Imart, porte-parole d’Intercéréales, qui regroupe les producteurs français de grains.

« Cela fait des années qu’on alerte sur le fait qu’il faut retenir l’eau qui tombe de manière assez condensée l’hiver pour pouvoir l’utiliser l’été, au lieu de la voir partir à la mer », explique-t-elle.

Si Intercéréales se dit plutôt favorable aux retenues collinaires, le syndicat agricole majoritaire, la FNSEA, prône aussi la construction de réserves ou « bassines », remplies par pompage dans les nappes phréatiques.

« Partir de l’offre »

Pour Thierry Caquet, « le raisonnement qui consiste à dire qu’on va prélever de l’eau l’hiver » se heurte toutefois « au problème de la réduction des débits des cours d’eau et du faible niveau des nappes phréatiques », phénomène amené à s’aggraver sous l’effet du réchauffement climatique.

L’eau qui s’en va vers la mer n’est « pas perdue », selon lui : dans les rivières, le haut débit de l’hiver sert au dragage naturel des cours d’eau, empêchant un envasement qui priverait d’oxygène tout un écosystème. Et l’eau chargée d’alluvions qui arrive à la mer est « vitale pour des espèces du littoral, notamment en conchyliculture ».

Quant aux « bassines », le ministre de l’agriculture Marc Fesneau, qui y est pourtant favorable, reconnaît que lors d’hivers secs comme cette année « les retenues d’eau ne peuvent pas se remplir ».

L’Espagne, qui en a construit beaucoup, « ne parvient plus à les remplir que six années sur dix », affirme Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, syndicat agricole minoritaire totalement opposé à ce procédé.

Pour ce syndicat, qui n’est pas en soi opposé au stockage, notamment pour le maraîchage, la vrai question est celle de la répartition d’un « bien commun ». « On partage l’eau pour produire quoi, pour installer combien de paysans ? », s’interroge-t-il.

Selon l’Inrae, « l’irrigation doit viser à sécuriser la production et pas à la maximiser ». Pour avancer, estime Thierry Caquet, « il faut partir de l’offre (en eau) et voir ce que l’on peut faire comme agriculture, en tenant compte du climat et pas des pratiques passées ».

C’est là que les innovations peuvent aider : tant dans les champs – pour installer du goutte-à-goutte pour les cultures ou mesurer précisément l’humidité du sol – qu’en amont, dans la sélection variétale.