Retours d’expériences sur les alternatives aux NNI aujourd’hui disponibles
TNC le 17/03/2023 à 18:55
Quelles sont les alternatives aux néonicotinoïdes aujourd'hui disponibles sur betteraves sucrières ? Telle était la thématique du webinaire organisé le 14 mars dernier par le réseau Dephy Ferme. L'occasion de présenter les solutions éprouvées par les agriculteurs du réseau et de faire le point avec l'Institut technique de la betterave sur les derniers résultats du PNRI.
« L’objectif pour le réseau Dephy Ferme n’est pas de se positionner en tant qu’expert, mais simplement de transmettre les retours du terrain en ce qui concerne les alternatives aux néonicotinoïdes (NNI) sur betteraves sucrières, explique Mathieu Babiar, chargé de mission pour la filière grandes cultures et polyculture-élevage. Parmi les 2 000 agriculteurs du réseau, environ une centaine sont producteurs de betteraves et plusieurs ont fait le choix depuis quelques temps de se passer des semences traitées aux NNI », par choix mais aussi suite aux contraintes imposées pour les rotations.
Retour du réseau Dephy Ferme
Dans son groupe, Sylvain Duthoit, ingénieur réseau Dephy à la chambre d’agriculture de la Marne, recense, par exemple, « la localisation des traitements foliaires ainsi que le retard des interventions. Les agriculteurs ont un degré de tolérance plus important aux pucerons. Ces ravageurs arrivant de plus en plus tôt, on limite la perte d’insecticide au sol en retardant l’intervention ». Pour la localisation des traitements, « des agriculteurs sont équipés du système historique de rampe localisée trace, une solution gourmande en temps mais efficace, souligne l’ingénieur réseau. On peut, par contre, avoir quelques soucis de guidage pour les parcelles en pente. Certaines exploitations sont aussi équipées de systèmes RTK, c’est plus simple mais cela reste gourmand en temps ».
« La pulvérisation localisée permet de traiter sur le rang à 1/3 de dose et à 20 cm de hauteur », complète Marion Mounayar, ingénieure réseau Dephy au Civam de l’Oasis, qui suit également une dizaine d’agriculteurs dans les départements de l’Aube et de la Marne. Un agriculteur de son groupe travaille également à « favoriser la présence des auxiliaires de cultures sur son exploitation. En quantité suffisante, les coccinelles et les syrphes permettent de réguler les faibles à moyennes pressions de pucerons. Mais le fait d’être isolé dans le paysage l’empêche d’avoir assez d’auxiliaires en cas de fortes pression. Il faudrait avoir une réflexion à l’échelle du territoire », relate Marion Mounayar.
Recours aux PNPP
Ingénieur réseau Dephy au CerFrance Normandie Maine, Simon Pesquet était également présent pour témoigner de l’expérience d’Antoine Chedru, agriculteur à Goderville en Seine-Maritime, « tourné vers un système en agriculture de conservation et la préservation de la biodiversité. L’agriculteur a recours, depuis une formation en 2015, aux préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) afin de stimuler les défenses naturelles des plantes. Il utilise notamment les extraits fermentés d’ortie et de consoude, les macérations d’ail… comme biostimulants ou biocontrôle. Ces solutions lui permettent de limiter le recours aux fongicides et de ne plus utiliser d’insecticides en foliaire depuis 10 ans sur blé, colza et lin par exemple. Son IFT hors herbicides est ainsi réduit de moitié par rapport à la référence du secteur ».
« L’agriculteur a alors cherché à transposer ces pratiques sur betteraves sucrières avec notamment l’application de macération d’ail à 8 l/ha lors de la campagne 2019-2020. Cela fonctionne pour les altises sur lin ou colza, mais l’efficacité est quasi-nulle sur les pucerons, selon l’agriculteur. La complexité est de repousser les pucerons qui se trouvent sur la face inférieure des feuilles de betteraves. En 2020-2021, Antoine Chedru a également testé l’huile de paraffine en lien avec l’institut technique de la betterave (ITB). Là encore, il n’y a pas eu d’effets sur les pucerons, voire une diffusion de la jaunisse plus importante sur la partie pulvérisée. Il reste toutefois des choses à creuser ».
Résultats du PNRI
Invitée lors de ce webinaire, Fabienne Maupas, responsable du département de l’ITB, a également rappelé les travaux du PNRI (Plan national de recherche et d’innovation) (2021-2023), composé de 23 projets de recherche sur le sujet. « Ce plan regroupe plus de 40 partenaires et 65 fermes pilotes d’expérimentation en 2022, qui permettent de tester les solutions grandeur nature. Parmi les solutions évaluées : 30 aphicides, 16 répulsifs, 8 stimulateurs de défense des plantes, mais aussi les lâchers d’auxiliaires, les médiateurs chimiques, les solutions variétales ou encore les plantes compagnes.
« Les alternatives aux NNI disponibles sont comparées aux références chimiques, Teppeki et Movento (75-80 % d’efficacité). Les plantes compagnes figurent parmi les meilleures solutions à ce jour (graphique ci-dessous) avec des efficacités plus importantes pour les graminées (avoine rude, orge de printemps…) que pour la féverole, aussi parce qu’on a moins de situations expérimentales », indique Fabienne Maupas.
« Le produit de biocontrôle Mycota (champignon) apporte également des résultats intéressants, on observe toutefois une certaine variabilité. Comme évoqué auparavant, l’huile de paraffine offre des résultats très contrastés… Mais on continue de l’explorer car elle pourrait avoir un intérêt sur la dissémination du virus. Enfin, avec les œufs de chrysope, les intervalles de confiance sont très grands : parfois ça marche et d’autres fois, non. C’est du vivant, observe l’experte. Il faut expérimenter plus largement pour comprendre les conditions d’efficacité de ce genre de leviers ».
Focus sur les plantes compagnes
Concernant les plantes compagnes, « l’intérêt est réel, ajoute Fabienne Maupas. Mais selon les essais, l’impact sur le rendement de la betterave est non négligeable. Il peut aller de 0 à 35 % quand on détruit trop tardivement les plantes compagnes. Ce qu’on recommande aujourd’hui, c’est de ne pas dépasser le stade 4-6 feuilles, sinon le risque de concurrence vis-à-vis de la betterave est trop important, surtout pour les années avec des printemps secs ». « Ce levier a également été testé par Antoine Chedru, avec la fétuque inoculée par un champignon endophyte produisant des composés alcaloïdes pouvant gérer les populations de pucerons, semée après la moisson (20 kg/ha) », indique Simon Pesquet.
« La ligne de semis est préparée en décembre, pour un semis des betteraves en strip-till fin mars-début avril. La fétuque est détruite chimiquement en mai (glyphosate puis Centurion 0,5 l/ha). L’agriculteur a également fait des essais avec de l’orge de printemps (20 kg/ha), semée en mars, juste avant le semis des betteraves en avril. La plante compagne est également détruite en mai avec du Centurion (0,5 l/ha). Lors de ces essais, la fétuque inoculée n’a pas donné grand-chose selon l’agriculteur, l’orge de printemps semble avoir des résultats plus intéressants et elle est plus facilement gérable au niveau de la destruction. La concurrence vis-à-vis de la betterave est de l’ordre de 10 %, comparée à celle de la fétuque plutôt autour de 25-30 %. L’année 2023 va permettre de mieux visualiser les résultats avec une surface d’essais plus importante. »
Fabienne Maupas a également profité de l’occasion pour rappeler la mise en place de la boîte à outils de l’ITB regroupant un ensemble de fiches et de conseils sur la gestion de la jaunisse en 2023.