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Porteurs de projets en agriculture

Installation : prendre le temps de construire et mûrir son projet


TNC le 12/04/2023 à 11:06
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L'une des interrogations que tout futur installé doit avoir : « Mon projet est-il viable, vivable et pérenne tel que je l'ai construit ? » (©Adobe Stock)

S'installer prend souvent plus de temps que les porteurs de projet ne le pensaient. Du temps nécessaire pour se poser les bonnes questions, suivre les différentes étapes et se servir des outils à disposition.

À savoir dès le début : « s’installer prend du temps »

« 12 à 24 mois en moyenne, des fois plus selon les problématiques rencontrées, lorsqu’il faut trouver des terres notamment », prévient Christophe Isai, chargé de mission installation/transmission à la chambre d’agriculture d’Occitanie. « Pour les futurs installés, c’est souvent trop long mais pourtant indispensable au mûrissement du projet », poursuit-il.

Car il y a plusieurs « temps » dans cette période, celui de :

1. l’information

2. la formation pour acquérir les compétences requises

3. la réflexion autour de ses aspirations et attentes

3. la recherche d’exploitation (bâtiments + foncier)

4. le chiffrage du dossier

5. le financement.

Sans oublier celui, parfois incompressible, des démarches administratives. « S’installer ne sera possible qu’après seulement », alerte l’expert. En plus, en agriculture, vie professionnelle et personnelle sont intimement liées, avec des impacts sur la temporalité. « Si le calendrier prévisionnel a été bien établi, en tenant compte de tout cela et avec des objectifs réalistes, vos plans pourront se concrétiser dans les délais prévus », met-il en avant.

Avant de se lancer : les questions à se poser

Vous avez envie de devenir agriculteur ? Demandez-vous, au préalable, conseille Christophe Isai :

1. « Quelles sont vos motivations et objectifs ? »

Autrement dit : que voulez-vous produire, comment, pour qui ?

2. « Le secteur agricole vous correspond-il ? »

3. « Êtes-vous fait pour être chef d’entreprise ? »

4. « Vos proches (conjoint(e), enfants) partagent-ils votre projet  » ?

Par rapport à la qualité de vie, à la charge de travail, aux contraintes, aux astreintes…  Ils doivent être conscients que les exploitants font beaucoup d’heures, avec des pics de travail saisonniers.

5. « De quelles compétences devez-vous disposer ? »

À la fois techniques et économiques pour produire, transformer, vendre ; administratives vu la charge dans ce domaine ; humaines et managériales pour l’organisation du travail et les relation avec les associés, salariés, voisins agriculteurs, etc.

6. « De quels moyens de production avez-vous besoin ? »

Il s’agit de définir votre outil de travail : SAU, bâtiments, matériel, cheptel.

7. « Quelle structure juridique, fiscale, comptable, sociale choisir ? »

Cela revient à se renseigner sur les réglementations à respecter. Citons, par exemple, le statut de la main d’œuvre.

De toutes ces interrogations, en découlent d’autres plus globales :

→ « Votre projet est-il cohérent par rapport à toutes les réponses formulées précédemment ? »

Tant d’un point de vue technique, économique (mode de commercialisation), qu’en termes de travail, vie de famille, ou encore vis-à-vis de la réalité du terrain.

→ Et par conséquent : « Est-il viable, vivable et pérenne tel que vous l’avez construit ? »

« Vous devrez regarder s’il permet de financer l’investissement, de payer toutes vos charges, de dégager un revenu en adéquation avec vos besoins, tout en gardant une marge de sécurité », détaille le conseiller.

→ Pour finir, ces éléments suffiront-ils à convaincre vos partenaires financiers de vous accompagner ?

Les aides : « un gage de réussite »

Au-delà du « coup de pouce financier » qu’elles apportent, elles ont un rôle « structurant et sécurisant » grâce à « l’accompagnement » qui existe autour. « Le parcours à l’installation avec toutes ses étapes », s’il peut paraître fastidieux, amène « à s’interroger sur les diverses composantes de son projet, à le mûrir et à le faire évoluer si nécessaire, notamment parce qu’il est soumis au regard des spécialistes de l’installation, mais aussi d’agriculteurs et futurs agriculteurs comme vous ». Pour preuve : le taux de maintien dans l’activité de 85-90 % à 5-10 ans pour ceux qui bénéficient de la DJA (dotation jeune agriculteur) et/ou d’aides régionales (avec suivi). Et les résultats de l’étude Dino, menée en 2021 par les partenaires du Crit Occitanie auprès des installés depuis moins de 10 ans.

Les phases clés du parcours

1. L’émergence du projet, pour passer des idées, floues pour beaucoup au départ, à un cadre plus clair et précis.

2. La formation théorique et/ou pratique, plus ou moins longue, en fonction des profils et du vécu des porteurs de projet. Selon les cas, la validation d’acquis de l’expérience (VAE) est possible et seules certaines notions sont à acquérir ou renforcer. Quant aux Nima (personnes non issues du milieu agricole), il importe déjà qu’ils découvrent la réalité du métier d’agriculteur, en visitant des fermes et en testant différentes productions via des stages.

3. La recherche d’une exploitation (installation hors cadre familial) : foncier/bâtiments, en individuel ou en société, etc.

4. La construction du projet sur le plan technique (choix des productions en particulier), économique (établissement d’un prévisionnel, d’un business plan), de l’organisation du travail…

5. Le financement (personnel, bancaire, familial, participatif au vu de l’importance des capitaux à investir).

Zoom sur quelques outils disponibles :

  • Le PAIT

« C’est la porte d’entrée, le guichet unique, pour tout porteur de projet en agriculture. Il a pour mission de les accueillir, les informer et surtout les orienter vers les structures adaptées », rappelle Christophe Isai. Labellisés par l’État et gratuits, ils sont présents dans chaque département, et peuvent être gérés par différentes structures : chambre d’agriculture, Jeunes Agriculteurs, Adasea… «  Les candidats à l’installation doivent les contacter avant la Safer, recommande Nathalie Poudou, conseillère foncière au service départemental de l’Hérault à la Safer Occitanie. Nous pourrons ainsi mieux cibler les exploitations (secteur géographique, achat/location, budget, bâtiments/équipements souhaités…) qui leur conviendraient parce que leur projet aura un peu maturé, et leurs attentes seront un peu plus précises. »

  • Le RDI (répertoire départ installation)

Par téléphone, internet et/ou rendez-vous physique, il met en relation dans chaque département les personnes qui cherchent une ferme et celles en quête de successeur ou d’associé. « Il faut que le projet soit suffisamment avancé côté repreneur comme cédant pour que la mise en relation ait le plus de chances d’aboutir », met en garde Christophe Isai. Ces rencontres et visites accompagnées peuvent être complétées par un stage de parrainage.

En Occitanie, on parle de stage du Sefi (Service de l’emploi, de la formation et de l’insertion professionnelle), financé par Pôle emploi (indemnisation via les droits chômage pour les demandeurs d’emploi) ou la Région (rémunération selon une grille en fonction du profil et de la situation familiale ; celle-ci peut atteindre 1 000 €/mois, mais mener une activité professionnelle en parallèle n’est pas autorisé, « une piste d’amélioration à l’avenir notamment pour les personnes en reconversion », pointe Christophe).

Pendant un an, le stagiaire se teste, découvre et s’approprie sa future exploitation. « Une période d’essai pour que le porteur de projet vérifie que c’est la bonne ferme et pour le cédant, que c’est le bon repreneur ou associé, quitte à conclure que ce n’est pas le cas et abandonner avant d’investir plus de temps et de gros capitaux », explique le conseiller de la chambre d’agriculture.

  • Les dispositifs pour faciliter l’accès au foncier

« Ils sont issus d’un travail conduit en Occitanie (certains existent aussi ailleurs) en partenariat avec les collectivités locales et les coopératives », indique Nathalie Poudou, avant de les présenter.

– la foncière régionale : la Région propose, à tout porteur de projet de moins de 45 ans, de porter le foncier pendant 4 à 9 ans pour un montant maximal de 150 000 €. Les terres sont mises à disposition en location au jeune installé via un bail Safer, avec achat à échéance.

– le portage foncier sur 5 ans via des conventions avec des collectivités (département de l’Hérault), des coopératives ou des groupements fonciers (investisseurs extérieurs).

– les aides financières Safer, avec des barèmes avantageux pour les bénéficiaires de la DJA.

– le fonds d’aide à l’installation de la Safer, créé en 2019 et qui prend en charge les frais de notaire pour les jeunes percevant la DJA. Il est plafonné à 2 000 € et a déjà été utilisé par 230 futurs installés.

« La Safer de l’Hérault travaille également sur un label installation. Objectif : réserver certaines parcelles à cette destination dans l’attente d’un repreneur ou afin de conforter un lot foncier pour faciliter la reprise. »

S’adapter aux nouveaux profils

Sur 4 500 rendez-vous par an au PAIT en Occitanie, 60 % concernent des Nima, et 1 sur 2 n’ont aucune formation ni expériences agricoles. D’où l’importance, au-delà des aides financières spécifiques dans certaines régions, d’un accompagnement adapté pour « qu’ils découvrent les différentes facettes du métier d’agriculteur et les  aider à exprimer de manière plus concrète leur envie d’agriculture », souligne Christophe Isai. Car ils ont besoin d’être davantage soutenus pour l’émergence, le mûrissement et l’adaptation de leurs projets aux réalités du terrain. « Il faut plus accompagner la montée en compétence », ajoute-t-il, évoquant la possibilité de solliciter des financements de Pôle emploi pour des formations soit diplômantes soit de passerelles via la VAE ou d’autres dispositifs.

Il insiste sur l’intérêt d’être encadré par des conseillers en évolution professionnelle. De tels postes ont d’ailleurs été créés dans plusieurs chambres d’agriculture. Ces accompagnateurs « savent mobiliser les dispositifs d’accès à la formation et aiguiller sur des projets plus atypiques en termes de production, de commercialisation… », fait-il remarquer. Pour lui, l’enjeu derrière est de faire connaître les PAIT et le parcours d’installation aidé pour que ces publics puissent en bénéficier. Le risque sinon : qu’ils contactent des structures généralistes connaissant peu l’agriculture et ses spécificités. « La connaissance qu’elles ont du secteur doit impérativement être améliorée », insiste le spécialiste. Et de conclure : « L’agriculture est très encadrée, parfois trop selon certains, mais c’est une chance pour la réussite des installations ».

Source : webinaire « Parlons foncier − Le direct » (le rendez-vous mensuel de la Safer Occitanie) #21 du 28 mars 2023.