Ambassadeurs de l’installation en bovins lait et viande
TNC le 23/06/2023 à 14:55
Parce qu’ils ont remporté le prix de l’installation 2022 dans leur département des Pays de la Loire, Amélie, Pierre, Helloïse, Adrien et Laure sont les « ambassadeurs » du métier d’éleveur auprès des jeunes. En vidéo sur les réseaux sociaux notamment, ils partagent leurs expériences et leurs conseils. S’installer en vaches laitières ou allaitantes est possible, si l’on prépare bien son projet : tel est le message qu’ils veulent faire passer.
Amélie, Pierre, Helloïse, Adrien et Laure se sont tous installés en bovin lait ou viande en 2021, chacun dans un des cinq départements des Pays de la Loire. Et ont tous gagné le prix départemental de l’installation 2022, organisé par le syndicat Jeunes Agriculteurs de la région.
Remis le 15 juin lors d’une journée d’échange avec les acteurs du territoire, ce titre leur vaut le rôle « d’ambassadeur » du métier d’éleveur auprès des jeunes. Dans ce cadre, entre autres, ils détaillent en vidéo sur les réseaux sociaux leurs parcours, leurs motivations, leurs attentes, et donnent des conseils aux futurs producteurs de vaches laitières et allaitantes.
Origines, formations, expériences diverses
Avant de venir en Loire-Atlantique, Amélie Asselin, originaire du Loir-et-Cher et diplômée de l’école vétérinaire de Nantes, exerce six ans dans l’est de la France en médecine canine et en élevage. Helloïse Beuvin et son mari, eux, ne sont pas non plus originaires de Mayenne, mais de Seine-Maritime. En Vendée, Laure Jacques est une Nima(non issue du milieu agricole).
Dans la Sarthe, Adrien Langot a des parents agriculteurs mais a travaillé dans le bâtiment, une expérience professionnelle utile, précise-t-il, pour la construction de stabulations et autres hangars sur la ferme. Il a aussi été salarié agricole pour découvrir d’autres pratiques et organisations du travail, « un vrai bagage pour la suite », estime-t-il.
Quant à Pierre Desmarres, dans le Maine-et-Loire, il a eu « l’opportunité » en BTS agricole d’aller à l’étranger : trois mois de stage au Canada en production de bovins viande. Et même s’il a eu « le déclic », au retour, de vouloir s’installer en élevage, il a préféré « repartir avant » : un mois en Irlande pendant sa licence « dans un système herbager de grande dimension ».
Embauché ensuite un an et demi dans une coopérative en France, il a côtoyé « plus de 500 exploitations ». Son objectif était, en effet, de « voir un maximum de fermes différentes en viande bovine ». Alors il a passé sept mois en Australie dans une structure produisant des grandes cultures, des bovins et des ovins, avec une ETA à côté.
Reprise familiale ou recherche d’exploitation
Pour rejoindre ses parents sur la ferme familiale, Pierre a repris la structure d’un voisin à son départ en retraite. Amélie a commencé sa recherche en arrivant en Loire-Atlantique, grâce au RDI (répertoire départ installation). Et comme plusieurs fermes l’intéressaient, elle a participé à desjournées d’immersion avec les cédants.
« Ici, ça s’était très bien passé, j’ai donc enchaîné avec une semaine de stage découverte, puis en salariat à mi-temps pendant un an pour voir comment on s’étendait. Tout en restant salariée véto pour garder une sécurité. J’ai terminé par un stage de parrainage d’un mois, avant de m’installer », raconte la jeune femme.
Helloïse et Benjamin souhaitaient « développer l’élevage ». « Difficile en Seine-Maritime avec un départ pour cinq candidats à l’installation », ont-ils constaté. « En Mayenne, le ratio s’inverse et c’est une terre d’élevage », poursuivent-ils pour expliquer leur changement de département. En plus, le territoire bénéficie d’une bonne dynamique agricole avec un réseau professionnel dense et performant, en amont comme en aval.
Changer de département, pour s’installer et développer l’élevage.
« Dynamisme et proximité » étaient essentiels à leurs yeux pour « produire de la qualité, pas que de la quantité ». Via le site Agriaffaires.com, ils ont visité plusieurs fermes. « Nous avons eu un gros coup de cœur pour celle-ci », en particulier pour le corps de ferme en pierre, la situation géographique et le village qui dispose de nombreux services de proximité, relate la jeune éleveuse.
Même si elle n’est pas du monde agricole, Laure a toujours été « attirée par l’élevage, pour nourrir les gens ». C’est pourquoi elle tenait à se diversifier dans la transformation laitière. « J’aime la polyvalence de cette activité, le fait de pouvoir tout maîtriser, de la production à la vente. Sans transfo, je ne me serais pas installée », indique-t-elle.
Sans transfo, je ne me serais pas installée.
Elle a rencontré son futur associé, Olivier, deux ans avant de se mettre en Gaec avec lui. « Nous avions de gros points communs », fait-il remarquer, et une vision similaire de l’agriculture. « La transformation à la ferme a de l’avenir. C’était l’occasion de se lancer pour pérenniser la production laitière, il n’y aurait peut-être pas d’autre », ajoute-t-il.
Critères de réussite de l’installation
Pour Amélie, il y en a trois principaux. Le premier : « Avoir un troupeau performant et la possibilité de le faire pâturer au moins quelques mois dans l’année. » Le deuxième : « Équilibrer vie professionnelle et personnelle en prenant des week-ends et des vacances, soit un week-end sur trois et quatre semaines de congé par an dans notre Gaec à trois associés. » Le troisième : « Veiller à l’entente et la convivialité au sein de l’équipe. »
Pierre préconise de regarder le projet sous l’angle « technique, économique et social », en veillant à « la charge de travail ». « S’installer avec ses parents apporte de la souplesse en termes d’organisation. On peut se relayer pour l’astreinte du week-end et partir en vacances deux à trois semaines par an », reconnaît-il. Un point « fondamental », insiste le jeune homme, à l’origine de son choix de ne pas s’installer seul. « Nous pouvons également échanger » sur les perspectives d’évolution de l’exploitation, souligne-t-il par ailleurs.
Quelle vision du métier d’éleveur ?
Amélie apprécie « l’observation et les soins aux animaux, la diversité des tâches effectuées, ainsi que de travailler dehors et d’être son propre patron ». Adrien résume son métier d’éleveur en trois mots : « passion, famille en raison du soutien qu’elle lui apporte et parce que les enfants participent au quotidien à la vie de la ferme, et avenir pour envisager l’installation en élevage sur le long terme ».
Il réfléchit d’ailleurs à s’équiper de panneaux photovoltaïques et prévoit d’améliorer en continu l’outil de travail pour pouvoir rester à 2 UTH. Lui et sa femme reviennent sur l’aspect familial : « S’installer est un projet du couple depuis toujours, et de vie : celui de vivre d’une exploitation agricole et de faire connaître à nos enfants ce qu’on a vécu à leur âge. »
Voir loin, mener des projets, tester.
« Toujours à fond », Laure, comme Amélie, aime « être son propre patron » pour « pouvoir mener des projets ». « Quand j’étais salariée, certains n’aboutissaient pas, regrette-t-elle. Là, je peux tester des choses, qu’elles fonctionnent ou non. » La jeune femme espère « réussir à pérenniser son activité d’élevage et transformation et embaucher un ou deux salariés pour se dégager un peu de temps libre ».
« Être trois jeunes est un atout car on peut se projeter loin, mettre en œuvre plein d’initiatives, investir pour faire évoluer la structure », juge Marie, future associée du Gaec.
Conseils aux futurs installés
Amélie recommande de « bien s’informer auprès de tous les interlocuteurs et de ne surtout pas faire l’impasse sur le conseil juridique et comptable même si cela représente un petit budget ». Même si on se fait aider, il faut « s’approprier les chiffres » en étant acteur de son plan d’entreprise (PE).
Elle encourage à « prévoir quelques jours de repos la première année d’installation, car il est important de prendre du recul », comme suffisamment de temps de réflexion avant de s’installer afin d’être sûr de bien s’entendre au sein de la société, met-elle particulièrement en avant.
Laure confirme : « Il faut bien préparer son projet, bien en amont, car c’est loin d’être simple. » « Prenez le temps de voir plein de systèmes différents, d’y faire des stages, d’y travailler, exhorte-t-elle. Puis de peaufiner les choses : faites une étude éco approfondie pour dégager de la rentabilité, calez-vous suffisamment avec vos futurs associés pour avoir les mêmes objectifs. C’est indispensable pour que tout se passe bien après. »
« Réussir à foncer tout en s’assurant un revenu et ce que soit vivable », conclut-elle. Marie, qui devrait rejoindre le Gaec d’ici quelque temps, insiste sur la motivation nécessaire pour y arriver, « vu les amplitudes horaires et les gros investissements ». « Cette profession n’est pas facile mais passionnante et très variée », met-elle en avant.
Malgré les difficultés, persévérez et restez optimistes !
Pierre conseille également « d’aller découvrir plein de systèmes et de se faire son propre avis pour faire évoluer son exploitation car ce qui marche aujourd’hui ne fonctionnera peut-être pas demain ». « Persévérez malgré les difficultés, restez optimistes, gardez vos rêves en tête et foncez, vous y arriverez », lancent Helloïse et Benjamin.
Adrien enchaîne « On entend dire qu’il ne faut pas s’installer en vaches allaitantes, que ça ne gagne pas mais faut pas se décourager. » La preuve : il y est parvenu. Le tout est « d’analyser les résultats économiques et les pratiques pour voir si c’est viable ou non. » Sa femme met aussi en garde sur le volet administratif : « On n’y est pas préparé dans nos études et dans le parcours d’installation. Il ne faut pas hésiter à s’informer et se former là-dessus car c’est important. »
Les fermes en quelques chiffres
Nom |
Lieu |
Age |
Date d’installation |
Type de reprise |
Main-d’œuvre |
Production |
Cheptel |
SAU |
Autres |
Amélie Asselin |
Pornic (Loire-Atlantique) |
32 ans |
1er juillet 2021 |
Hors cadre familiale |
Gaec à 3 associés + 1 salarié + 1 apprenti |
Bovins lait + viande + polyculture |
1,3 Ml55 VA limousines label rouge |
265 ha (céréales : 75 ha ; marais : 35 ha) |
Vente lait : 50 % à Agrial + fromagerie Les curés nantais (fromage emblématique au lait cru de Pornic) |
Pierre Desmarres |
Durtal (Maine-et-Loire) |
25 ans |
1er février 2021 |
Familiale |
Bovins viande + polyculture |
310 ha (prairies naturelles : 130 ha ; cultures de vente : 170 ha) |
Vente : coops/négoces + en direct ; Changement climatique : pâturage tournant dynamique + assolement diversifié | ||
Helloïse et Benjamin Beuvain |
Saint-Pierre des Landes (Mayenne) |
26 et 27 ans |
depuis 2 ans |
Hors cadre familiale |
Bovins viande + volailles chair standard (1 200 m2). |
VA limousines + taurillons | |||
Adrien et Adeline Langot |
Jauzé (Sarthe |
32 ans (Adrien) |
Début 2021 |
Familiale |
Bovins viande + volailles chair standard plein air (2 200 m2) |
110 VA charolaises |
100 % herbe (foin + enrubannage) pour limiter les achats d’aliment | ||
Laure Jacques |
Vendée |
28 ans |
1er juin 2021 |
Hors cadre familial |
Gaec à 2 associés (exploitation familiale d’Olivier, installé depuis 2010) + 1 salariée (Marie) en projet d’installation |
bovins lait + transformation + cultures de vente |
150 ha |
¼ lait transformé |