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Innoval interroge les éleveurs

« Aurons-nous du lait français en 2035 ? »


TNC le 27/06/2023 à 10:30
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Des mutations sont à l’œuvre dans la ruralité. Aurons-nous encore du lait français en 2035 ? Eleveurs et experts témoignent.

Souveraineté alimentaire, adaptation au changement climatique, contraintes environnementales, attentes sociétales… La charge qui pèse sur les éleveurs laitiers est colossale. Quelle sera la production laitière nationale dans un futur proche ? Innoval a interrogé ses adhérents et des experts afin de prendre la mesure des défis de demain.

À l’occasion de ses 75 ans d’existence, Innoval édite un livre intitulé « Anticipons l’élevage de demain (à l’horizon 2035) ». La coopérative y a interrogé des spécialistes sur l’évolution de la filière laitière et plus de 1 000 éleveurs du Grand Ouest sur leurs motivations et leurs intentions. Alors, y aura-t-il encore du lait français dans une dizaine d’années ?

Des éleveurs optimistes

D’après les réponses d’éleveurs, 60 % se disent optimistes sur l’avenir de leur métier, c’est d’autant plus vrai chez les 18-29 ans (87 %). Bien que leur principale aspiration soit de concilier leur métier avec leur vie personnelle, la passion est bien enracinée. Près de la moitié des éleveurs envisagent un scénario d’avenir comprenant un même nombre d’animaux mais une production par vache en augmentation pour une meilleure marge par litre de lait.

Plus d’un tiers des éleveurs interrogés se disent préoccupés par le manque de visibilité sur le prix du lait. Vient au même niveau la pénurie de main-d’œuvre, puis la lourdeur des tâches administratives. D’ailleurs pour la plupart, des compétences sur les stratégies d’entreprise seront de plus en plus nécessaires pour être éleveur et s’adapter au contexte d’ici 2035. « Pour avoir une meilleure prise sur les nombreuses contraintes dont les éleveurs font face, ils attendent beaucoup de la transformation de leurs exploitations, dont ils veulent devenir de vrais pilotes », analyse Innoval au travers de réponses données.

Une production en baisse mais une demande mondiale qui augmente

Pour compléter les dires d’éleveurs et poser un regard lucide et objectif quant à l’avenir de la filière laitière française, Innoval a fait appel à trois spécialistes : le politologue Jérôme Fourquet, le sociologue François Purseigle et l’économiste Olivier Mevel. Pour eux, la situation est claire : le nombre d’exploitations est en baisse, la production diminue (- 20 % prévu à horizon 2035 et même – 30 % dans le Grand Ouest) et le renouvellement des générations est un véritable problème pour le maintien des fermes. Pour autant, la demande mondiale continue de croître.

Olivier Mevel se veut franc : face à la baisse de production de lait français, il dénonce une « absence de politique menée par le ministère de l’agriculture » et un « manque de créativité de la part des industriels pour que notre pays gagne en compétitivité ». Pour lui, il faut reconstruire l’offre produit pour reconnecter le consommateur avec son territoire. « Le local a supplanté la bio », affirme même le chercheur. Sans se passer des industriels ou des GMS, les éleveurs doivent pouvoir intégrer des négociations tripartites et se rassembler en OP pour devenir acteurs et « ne plus être le seul segment de la filière qui ne sait pas ce qu’il va gagner ». Il a donc de l’espoir pour la production laitière française d’après Olivier Mevel !

Plus que de l’optimisme, de la lucidité et du pragmatisme chez les éleveurs

François Purseigle identifie les mutations en cours dans le milieu, menant à de nouveaux profils d’éleveurs et de nouvelles entreprises agricoles, portés notamment via le renouvellement des actifs. Les installations hors cadre familial, l’arrivée de néoruraux, la création de nouveaux collectifs… La profession pourrait bien se transformer d’après le sociologue, à condition d’être accompagnée.

Jérôme Fourquet rejoint un peu François Purseigle dans son analyse. Il voit une évolution du modèle d’exploitation familiale : plus autonome et résiliente demain, capable d’encaisser les coups durs comme les retournements de marchés ou les sécheresses qu’on a pu constater ces dernières années. Autre phénomène mis en lumière par l’analyste : la volonté de maintenir des exploitations à taille identique dans les années à venir tout en investissant dans d’autres productions comme les énergies renouvelables afin de ne plus mettre tous ses œufs dans le même panier.