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Le bio, angle mort de la loi d’orientation agricole


TNC le 07/07/2023 à 16:23
Philippe-Camburet-president-de-la-Fnab

Le président de la Fnab, Philippe Camburet estime que l'environnement des porteurs de projet agricole doit être revu afin de tenir l'objectif des 18 % des fermes bio d'ici 2027

En amont de la présentation des grandes orientations de la loi d’orientation, la Fnab (Fédération nationale de l’agriculture biologique) a soumis ses préconisations pour le développement de la bio. Selon la fédération, les contours de la politique en faveur de la filière restent mal définis au vu des synthèses de la LOA. Pourtant la prise en compte des problématiques d’installation, de formation et d’accompagnement des nouveaux agriculteurs est primordiale pour le développement de cette composante essentielle de l’agriculture durable.

La Fnab (Fédération nationale de l’agriculture biologique) a présenté ses propositions relatives au développement de l’agroécologie, avant la prochaine communication gouvernementale sur la déclinaison de la LOA. Conscient de l’importance du développement de la filière en perte de vitesse malgré son attrait auprès des nouveaux publics, l’organisation entend rappeler l’importance de la formation des jeunes, la facilitation de la transmission des exploitations bio, et la mise en lumière des apports du secteur pour l’adaptation au changement climatique.

L’importance d’un enseignement bio adapté

« La seule obligation ministérielle est que l’enseignement de l’agroécologie soit dispensé sans précision sur la durée, la manière de l’aborder ni même la définition précise des pratiques. Aujourd’hui, il existe 81 formations à orientation bio représentant seulement 5 % des 1 614 formations dédiées à la production au niveau de l’enseignement agricole », explique Thomas Montagne, référent enseignant à la Fnab.

L’organisation s’inquiète des lacunes des formations initiales incompatibles avec une véritable professionnalisation dans le domaine de l’agriculture biologique. « Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’un jeune qui voudrait s’installer en bio trouve la formation dont il a besoin dans l’enseignement agricole », selon Thomas Montagne. Face à ce constat, la Fnab préconise de rendre obligatoire un module de 3 heures propre à l’agriculture biologique afin que les étudiants aient la capacité de se former aux spécificités du secteur.

« L’agriculture biologique doit être reconnue comme la pratique la plus aboutie de l’agroécologie et nécessite pour les enseignants un haut degré de compétence technique et de formation, ce qui ne peut pas continuer à se traduire par un module court et optionnel », renchérit Laurence Dautraix, co-secrétaire générale du SNETAP – FSU (Syndicat National de l’Enseignement Technique Agricole Public Fédération Syndicale Unitaire).

Modifier le parcours d’accompagnement à l’installation

« Pour assurer le renouvellement des générations, on doit pouvoir compter sur les non issus du milieu agricole (Nima). Depuis quelques années, un plus grand nombre d’entre eux s’intéressent à l’agriculture. Ils représentent presque 60 % des appels pour des demandes d’information sur l’agriculture au point accueil et installation. En outre, 30 à 50 % des installations aidées se font par des Nima, dont une grande partie se tourne vers l’agriculture biologique », constate Alain Testard, secrétaire national Futurs Bio à la Fnab.

Néanmoins, la fédération déplore un manque de représentation de l’agriculture biologique dans le parcours officiel à l’installation. En effet, le Plan de Professionnalisation personnalisé dédié aux porteurs de projet agricole n’intègre pas de structures spécialisées en agriculture biologique. « Il est primordial de faire intervenir les techniciens du réseau dans le cadre du stage de 21 heures afin de parler de l’agriculture biologique et mieux accompagner les porteurs de projet extérieur au monde agricole, dont le besoin en formation est plus important », d’après le maraîcher de l’Ille-et-Vilaine. Selon lui, le développement de l’agriculture bio et la réalisation de l’objectif de 20 % des fermes en bio nécessitent un accompagnement systématique de la filière pendant ce parcours d’installation en vue de la transmission de l’expertise du réseau.

Aménager le code rural pour faciliter la transmission

Le sujet de l’accès au foncier serait également un frein majeur pour le développement de la bio dans le cadre de la transmission, notamment du fait de la problématique du changement de vocation des terres. La fédération dénonce le phénomène de déconversion des fermes biologiques, fréquemment reprises dans le cadre d’exploitations conventionnelles. En effet, la préemption de terres en bio du ressort de la Safer ne s’applique pas à 60 % des terres, destinées au fermage.

« La loi d’Avenir de 2014 prévoyait déjà de favoriser la transmission des terres bio grâce à la préemption des terres. Le problème est que les transactions des Safer représentent à peine 30 % ou 40 %, la part restante étant dédiée au fermage. Nous demandons à ce qu’il y ait une modification du code rural afin d’étendre la possibilité de prioriser l’installation en bio pour les terres en fermage, dans le cadre des schémas directeurs nationaux et régionaux d’exploitation agricole », déclare Alan Testard. La Fnab souhaite que cette préemption s’applique à l’ensemble des terres agricoles en vue du maintien des exploitations agricoles bio lors des transmissions.

Mieux valoriser les bénéfices du bio face au changement climatique

Enfin, l’institution déplore le manque de mise en valeur des bénéfices de l’agriculture biologique face au défi du changement climatique, en dépit des nombreux avantages de ce type d’exploitations. « Notre modèle agricole est particulièrement plébiscité par un certain nombre d’études et de scénarios prospectifs comme étant un modèle particulièrement résilient en termes d’adaptation au changement climatique. On pense notamment à l’aspect du stockage de carbone, à la gestion quantitative et qualitative de l’eau. Cependant, les recherches existantes de l’Inrae et de l’Itab ne mentionnent pas l’agriculture biologique ou présentent une vision parcellaire des atouts du bio », explique Christophe Cottereau, référent climat Fnab.

Afin d’y remédier les membres de la Fnab suggèrent que les pouvoirs publics incitent les instituts de recherche à favoriser l’étude des apports de la bio dans la résilience face aux bouleversements climatiques. En outre, la fédération réclame l’allocation de fonds supplémentaires pour soutenir le développement de la filière. « Les outils destinés au diagnostic climat sont aujourd’hui centrés sur le prisme des GES. Il faudrait que des outils adaptés soient développés en fonction des spécificités de la bio, un modèle d’agriculture adapté pour la résilience de demain, et portés par des techniciens spécialisés dans ce domaine », conclut Alan Testard.