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Space 2023

Concilier bien-être animal et rentabilité, un casse-tête pour les éleveurs


AFP le 13/09/2023 à 17:05

Comment améliorer le bien-être des porcs, volailles et autres animaux d'élevage ? Cette question relève du casse-tête pour des éleveurs soucieux de répondre à cette préoccupation sociétale croissante, sans mettre à mal la rentabilité de leurs exploitations.

Les ONG demandent de « réduire les densités dans les élevages, interdire les mutilations comme la coupe des queues, l’épointage du bec des volailles, l’écornage des bovins », « un accès au plein air ou a minima à l’air libre » dans des courettes, « que le milieu de vie des animaux soit enrichi pour les stimuler », détaille Ghislain Zuccolo, directeur général de l’association de protection des animaux de la ferme Welfarm.

Les éleveurs s’y sont déjà mis, disent-ils depuis le salon international de l’élevage de Rennes (Space). Les élevages de porcs, veaux, poules pondeuses et poulets sont encadrés dans l’Union européenne par des directives spécifiques, qui pour beaucoup datent des années 1990.

Rien en revanche pour les vaches laitières, les lapins ou les chèvres. La Commission européenne s’est engagée à dépoussiérer cette législation pour tenir compte des attentes sociétales et des avancées scientifiques. « Le premier sujet est le pâturage des animaux », synonyme pour le grand public de bien-être, indique à l’AFP Mickaël Lamy, de l’Anicap (Association nationale interprofessionnelle caprine). Mais il peut entraîner du parasitisme et « le foncier n’est pas extensif », relève l’éleveur.

Les options alternatives pour les chèvres élevées en bâtiment sont « un accès à l’extérieur dans des parcs ou des dispositifs d’enrichissement dans les bâtiments », poursuit M. Lamy, comme des plateformes permettant aux chèvres d’être en hauteur.

Concernant l’élevage en plein air ou en intérieur, « on ne peut pas concevoir les choses comme étant bien d’un côté et mal de l’autre », complète Alain Boissy, directeur de recherche de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). En extérieur, « Il y a des risques sanitaires, la prédation » et « les aléas climatologiques ».

Vision à long terme

Améliorer le bien-être des animaux change le travail des éleveurs, dit Christophe Prodhomme, éleveur laitier en Ille-et-Vilaine, dont les 85 vaches vivent une grande partie de l’année au pré. Après la naissance, ses veaux sont nourris en case individuelle. S’ils devaient être mis ensemble, « ça complique la surveillance de l’éleveur » en cas de maladie.

Dans les filières porcine et de volaille, souvent pointées du doigt, les choses évoluent également. La France interdit la castration à vif et la coupe systématique des queues des porcelets. La Commission européenne envisage d’interdire les cages dans l’UE d’ici 2027.

Pour Bertrand Houzé, président de la coopérative Elpor qui fournit une filiale de Leclerc, le bien-être animal est « le sujet d’actualité ». « La grande distribution est très à cheval là-dessus », constate-t-il. « Il faut devancer la réglementation », estime cet éleveur dans les Côtes-d’Armor, qui modifie son bloc maternité pour que les truies passent moins de temps en cage de mise-bas.

Offrir un accès à l’extérieur aux animaux, modifier les bâtiments ou leurs conditions de vie augmentent les coûts de production, sans que les éleveurs vendent leurs animaux plus chers, soulignent ces derniers.

La question des surcoûts induits par l’amélioration du bien-être animal est essentielle, abonde Hervé Guyomard, directeur adjoint scientifique Agriculture à l’Inrae. Il donne comme exemple la filière porcine où « ça peut aller jusqu’à doubler le prix d’un bâtiment ».

Comment financer ces surcoûts ?

Le consommateur est prêt à payer plus cher, « mais pas à la hauteur des surcoûts » et il est moins disposé à le faire « en période d’inflation », fait savoir l’économiste. Les autres options sont « des innovations technologiques permettant de réduire les surcoûts » et « financer par les politiques publiques ».

« La traduction concrète en faveur du bien-être animal est sans doute aujourd’hui encore insuffisante étant donnée l’ampleur des défis et des attentes », ajoute-t-il.

L’élevage a besoin d’une « politique de long terme de soutien, d’avoir un cap et de le garder » pour améliorer le bien-être des animaux, souligne Alain Boissy de l’Inrae, en profitant de la « phase de renouvellement des générations » dans l’agriculture.