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Aléas climatiques

« Nous allons abandonner des variétés de pomme de terre »


TNC le 20/09/2023 à 11:32
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Potatoes Forever Pomme de terre

Si la production de tubercules est prévue en hausse cette année par rapport à celle, impactée par la sécheresse, de 2022 (43,6 t/ha contre 39 t/ha), les agriculteurs doivent s’adapter à des conditions météorologiques toujours atypiques et à la diminution des solutions chimiques.

« Cette année, j’ai une variété qui n’a pas supporté le décalage de 20 jours à la plantation, reportée à cause des fortes pluies. L’année prochaine, je ne la ferai plus, c’est trop risqué. Et à l’avenir, il y a d’autres pommes de terre qui vont être abandonnées à cause du climat, c’est certain », annonce, mardi 19 septembre, Luc Châtelain, producteur de tubercules à Fontaine-lès-Croisilles, en pleine récolte. Il ne donne pas de noms, pour ne fâcher personne, mais les jours de certaines variétés de pommes de terre dans ses champs sont comptés.

Car si la production s’annonce meilleure que celle de l’année dernière, catastrophique, avec une prévision de rendement de 43,6 tonnes par hectare (contre 39 tonnes en 2022), l’année a été marquée par « des conditions météorologiques en dent de scie, oscillant entre froid, pluie abondante et sécheresse éclair », constate le Comite national interprofessionnel de la pomme de terre (CNIPT). « La pomme de terre a un cycle court, 120 jours, donc tout l’impacte et il n’y a pas le temps de rattraper », ajoute Luc Châtelain.

L’agriculteur se remémore son installation en 1987. « Je faisais 100 % de Bintje et la mission, c’était de faire du volume. C’est une pomme de terre magnifique. Mais elle est sensible au mildiou et à la sécheresse. Je n’ai plus aujourd’hui les solutions chimiques pour faire face aux aléas de la météo et aux ravageurs. Les pratiques de l’époque n’ont plus cours. Donc je me suis diversifié », détaille Luc Châtelain, qui plante aujourd’hui « une dizaine de variétés » sur 140 ha.

Lancement de l’opération « Potatoes Forever »

Une diversification nécessaire, avant, un jour peut-être, la « patate ultime ». « La pomme de terre qui résiste à la chaleur, au mildiou, aux ravageurs et aux pluies intenses n’existe pas aujourd’hui. Mais il y en a qui cumulent plusieurs de ces qualités. Ce sont souvent des variétés moins belles, moins attrayantes. Il faut aussi éduquer le consommateur, faire passer le message, de ne pas se focaliser sur l’esthétique », avance Luc Châtelain.

Les aléas climatiques de plus en plus intenses impactent la production de pommes de terre. ( © Terre-net Média)

Pour faire face à la situation, l’agriculteur a aussi fait évoluer ses méthodes : plantation de 4 km de haies en 10 ans pour multiplier les auxiliaires, installation de 4 stations météo dans ses parcelles pour ajuster le traitement contre le mildiou, aide satellite pour localiser les engrais précisément aux endroits nécessaires, rotation des cultures (blé, betteraves, lin…) et couverts (moutarde et phacélie) pour enrichir et structurer les sols…

Ces efforts sont mis en avant par le CNIPT, accompagné par leurs homologues italiens de l’Unapa (Unione nazionale tra le associazioni deu produttori di patate), à l’occasion de la campagne « Potatoes Forever », lancée pour 3 ans et cofinancée à hauteur de 3,2 millions d’euros par l’Union européenne. « En France, 97 % des consommateurs ont confiance dans les pommes de terre qu’ils achètent mais seulement 30 % connaissent les bonnes pratiques mises en place », justifie le Comité.

Un produit toujours populaire

Sur les 6 000 tonnes qu’il espère pour cette année, Luc Châtelain compte en écouler 3 000 vers l’export, 2 000 vers l’industrie et 1 000 tonnes vers les GMS (Grandes et moyennes surfaces). « Les cahiers des charges pour les GMS sont extrêmement exigeants. Si l’aspect ne convient pas, le prix baisse, si la couleur ne convient pas, le prix baisse… Se tourner vers l’industrie, c’est beaucoup moins risqué », confie-t-il. Sans oublier les coûts de production qui ont explosé (jusqu’à 60 % d’augmentation sur les engrais) et la fin de l’avantage fiscal sur le GNR. « Cela va me coûter 40 000 € et il va bien falloir que je les répercute quelque part », assure Luc Châtelain.

La récolte de pommes de terre bat son plein ! ( © Terre-net Média)

Malgré cela, la pomme de terre garde son image populaire. « L’inflation sur la récolte 2022 se situait entre 10 et 12 centimes le kilo. Aujourd’hui, le kilo de pomme de terre s’affiche à 1,24 € en moyenne. Et un kilo, c’est un repas pour 4 personnes. Cela reste un produit abordable et du quotidien ! » clame le CNIPT.