MHE : Les éleveurs bovins face à une nouvelle menace sanitaire
AFP le 28/09/2023 à 09:00
L'apparition de premiers cas de maladie hémorragique épizootique (MHE) dans des élevages bovins du sud de la France préoccupe les acteurs du secteur qui peinent encore à en déterminer l'impact, en particulier sur les exportations.
« Le gouvernement a bien pris conscience de la gravité de la situation et nous a réunis à quatre reprises en une semaine », expliquait mardi à l’AFP Pierre Veyssi, référent sanitaire pour la Fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL) et éleveur en Dordogne.
Trois premiers cas de maladie hémorragique épizootique ont été détectés dans les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. Mais de fortes suspicions existent sur d’autres bêtes, indique Stéphan Zientara, directeur du laboratoire de santé animale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).
« On sait qu’il y a des zones très touchées en Gipuzkoa (province basque côté espagnol, NDLR), tant au niveau de la mortalité des bêtes que de la présence de la maladie », rapporte Enguerrand Knecht, vacher dans les Pyrénées-Atlantiques et membre du syndicat basque ELB-Confédération paysanne.
Des laboratoires formés à la détection
Un réseau de laboratoires formés plus spécifiquement à la détection de la MHE, qui ne se transmet pas à l’humain, est en train d’être mis en place en France.
Transmise par des moucherons piqueurs, la maladie affecte principalement les cervidés et les bovins. Elle provoque fièvre, amaigrissement, lésions buccales, difficultés respiratoires, boiteries. Chez les cervidés, elle peut déclencher un syndrome hémorragique, d’où son nom, précise Stéphan Zientara. Chez les bovins, elle est mortelle dans moins de 1 % des cas.
Les moutons et les chèvres peuvent être affectés par le virus, pour lequel il n’existe pas de vaccin, mais présentent peu ou pas de symptômes.
Interdiction d’exporter
« Les conséquences ne vont pas forcément être très importantes pour la santé du cheptel, mais plutôt en termes de contraintes sur les transports d’animaux », indique Stéphan Zientara. Conformément aux règles européennes, les autorités françaises ont rapidement mis en place des mesures pour ralentir la propagation de la MHE.
Selon un arrêté publié dimanche, les vaches, chèvres et moutons situés dans un rayon de 150 kilomètres autour d’un élevage infecté par le virus ne peuvent pas en sortir. Mais plusieurs exemptions sont prévues : pour les animaux en retour d’estive, allant à l’abattoir ou ayant reçu une désinsectisation.
Il reste en revanche interdit d’exporter des bovins vivants depuis une douzaine de départements (en totalité ou en partie). Des discussions pour un allègement des restrictions à l’export sont toutefois en cours, notamment avec l’Espagne et l’Italie, ont indiqué à l’AFP plusieurs acteurs du secteur.
Vers une baisse des prix
« On se trouve dans un bassin avec beaucoup de broutards (jeunes bovins destinés à la production de viande, NDLR) qui partent pour l’engraissement ou la vente vers l’Espagne ou l’Italie, donc si l’interdiction d’exporter dure jusqu’en décembre, ça va être très compliqué pour nous financièrement », explique Enguerrand Knecht.
« Beaucoup d’éleveurs n’ont ni les infrastructures ni la nourriture adaptées pour engraisser leurs bêtes sur leur exploitation », ajoute-t-il. « Il risque d’y avoir de grosses répercussions sur le marché français car il ne pourra pas absorber autant de bovins d’un coup, donc le prix d’achat des bovins va automatiquement baisser. » Les syndicats Confédération paysanne et Modef demandent à l’Etat des aides d’urgence, et à plus long terme, une relocalisation de l’engraissement des bovins pour moins dépendre de l’export.
Selon FranceAgriMer, la France exporte environ 1,1 million de broutards par an, principalement à destination de l’Italie, l’Espagne et l’Algérie.
Conséquence du changement climatique
Identifiée pour la première fois aux Etats-Unis en 1955, la MHE est présente au Maghreb et, depuis fin 2022, en Espagne et en Italie (Sardaigne et Sicile).
La maladie est remontée très rapidement jusqu’en France, observe Stéphan Zientara. Le réchauffement climatique a probablement un rôle dans la mesure où l’élévation des températures permet aux moucherons de vivre plus longtemps, dit-il.
La maladie fait son apparition à la veille d’un important salon international, le Sommet de l’élevage du 3 au 6 octobre près de Clermont-Ferrand. Environ 2 000 vaches, chèvres, moutons et chevaux y sont généralement présentés.
Les organisateurs se disent plutôt « sereins ». « Nous appliquons les recommandations nationales des services vétérinaires comme la désinsectisation des animaux. Oui, il manquera peut-être des bêtes mais il y a des suppléants », a déclaré Fabrice Berthon, commissaire général du sommet.