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Label bas-carbone

« L’élevage, c’est la solution pour capter le carbone »


TNC le 11/10/2023 à 04:47
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De nombreux leviers existent pour améliorer l'empreinte carbone d'une exploitation. (© TNC)

Stéphane Joandel, vice-président de la Fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL), milite pour l’engagement des exploitations bovines dans une démarche label bas-carbone. Objectifs : des gains environnementaux et économiques.

« Il n’y a pas 50 solutions pour capter le carbone. Il y a les océans, qu’on ne maîtrise pas, et le foncier. Et pour capter du carbone, une prairie doit être entretenue. C’est là que l’élevage a toute sa place, c’est la solution », clame Stéphane Joandel, vice-président de la Fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL) et trésorier de Dunater, une association fondée par la FRSEA, les Jeunes agriculteurs et la chambre d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes, qui vise à épauler les exploitants dans leurs démarches label bas-carbone. Accompagné d’Édith Bruneau, coordinatrice régionale de Dunater, l’éleveur a animé une conférence sur le sujet lors du Sommet de l’élevage à Clermont-Ferrand.

Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, un quart des exploitations bovines sont engagées dans cette démarche de label bas-carbone. « Avec de l’environnement, on peut faire de l’économie », assure Stéphane Joandel. Et de vrais résultats : les 58 exploitations engagées sur le deuxième appel à projet de France Carbone Agri en 2020/2021, ont totalisé un gain de 18 500 t de CO2, soit une moyenne de 320 t par exploitation, avec toutefois des écarts forts allant de 29 t à 1 229 t. « Certains appliquaient déjà les bonnes pratiques. Un collègue s’est engagé pour un gain de 40 t, surtout pour obtenir le label et le faire savoir et montrer son implication pour l’environnement à ses voisins », raconte Stéphane Joandel.

De nombreux co-bénéfices

Parmi les leviers le plus souvent employés se trouvent la gestion des troupeaux (optimiser l’âge au 1er vêlage…), l’alimentation du troupeau (augmenter l’autonomie protéique…), la gestion des déjections (augmenter la durée du pâturage…), la consommation d’énergie (réduction du carburant…), la conduite des cultures (implantation de légumineuses…), la gestion des infrastructures agroécologiques (implanter des haies…) et la gestion des surfaces cultivées (implanter des prairies temporaires…).

Sur son exploitation en Montbéliardes, Stéphane Joandel a, lui, notamment augmenté le ray-grass et le trèfle « pour se rapprocher de l’autonomie ». « Je suis à 1 000 m d’altitude. Pour moi, et je dis bien pour moi, le réchauffement climatique, c’est positif, ça permet une plus grande diversité de cultures », glisse-t-il au passage. Il a également fait passer son taux de renouvellement des génisses de 40 % à 22 %. « J’ai eu du mal à l’entendre au départ, reconnaît-il. Mais cela m’a permis d’évoluer. Et j’en suis satisfait aujourd’hui ».

Et les co-bénéfices sont nombreux, comme la lutte contre la déforestation avec la substitution du soja par des coproduits locaux ou des fourrages, ou la limitation de l’érosion, du lessivage d’azote, l’amélioration de la fertilité des sols et l’augmentation de stockage carbone grâce à la couverture des sols. « Au bout des 5 années du processus, l’agriculteur va rester sur son nouveau mode de fonctionnement. Ce n’est pas parce qu’il a encaissé son chèque qu’il va revenir en arrière », assure Stéphane Joandel.

« Attention au piège de la décroissance »

La démarche label bas-carbone s’étale en effet sur 5 ans. Elle commence par un audit externe, la construction d’un plan d’action, l’application des mesures, la quantification des gains carbone lors d’un deuxième audit, la vérification et la certification des réductions, la rémunération finale des agriculteurs. Le processus s’étale sur 5 ans. « Ce n’est pas punitif. Une année de sécheresse qui impacte une prairie qu’il faut retourner, cela peut arriver », explique Edith Bruneau.

Le prix de la tonne équivalent CO2 est de 40€ HT. 32 € reviennent à l’agriculteur, 5 € aux développeurs de projets (conseillers techniques…) et 3 € à France Carbone Agri. Le paiement se fait en trois fois, à la signature, à mi-parcours et à la reconnaissance des crédits carbone.

Les objectifs de la filière agricole française sont ambitieux. De 500 Mt de CO2 produites par an en 1990, elle est passée à 400 Mt aujourd’hui et vise moins de 100 Mt par an en 2050, pour répondre à l’objectif de neutralité carbone voulu par l’Union européenne à cette échéance. « Ne tombons toutefois pas dans le piège de la décroissance. Gardons toujours en tête notre souveraineté alimentaire. Le premier but de l’agriculture, c’est de fournir de l’alimentation de qualité », met en garde Stéphane Joandel.