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Herbicides

Arrêt du glyphosate en Bretagne ? La chambre d’agriculture dit non à la Région


TNC le 26/10/2023 à 13:00
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La station expérimentale de Kerguéhennec, située dans le Morbihan, travaille sur la réduction d'usage des phyto depuis 25 ans. (© Emmanuelle Bordon)

Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne, a exprimé le souhait de faire de la Bretagne une région pilote pour l’arrêt total du glyphosate. À la suite de cette déclaration, la chambre d’agriculture a opposé un désaccord fondé sur les recherches qu’elle mène depuis 25 ans.

Et si la Bretagne servait de cobaye pour le retrait total du glyphosate ? C’est le sens de la proposition qui a été faite par Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne, dans une lettre adressée aux ministres concernés et à plusieurs députés européens. En plein débat européen sur la réautorisation de la molécule pour 10 ans, le président de région marque le coup et veut prendre les devants.

Une réponse technique de la chambre d’agriculture

Les premiers à réagir ont été les syndicats agricoles. La Confédération paysanne s’en réjouit, même si Soazig Le Bot, sa co-porte-parole régionale, « s’interroge sur les modalités de mise en place et le financement » de l’opération. La FNSEA et la Coordination rurale expriment leur désaccord. Pour Thierry Coué, président de la FRSEA, il y a une incohérence : « D’un côté, on impose aux agriculteurs d’améliorer leur bilan carbone, de l’autre, on supprime le glyphosate qui permet de ne pas labourer et d’économiser plusieurs passages de tracteur. »

La chambre d’agriculture de Bretagne n’a pas tardé non plus à s’exprimer. Et si André Sergent, son président, a qualifié, à chaud, d’« irresponsable » la proposition de Loïg Chesnais-Girard, l’institution en tant que telle a voulu apporter une réponse au regard des recherches qu’elle mène. Au cours d’une conférence de presse tenue à la station expérimentale de Kerguéhennec le 25 octobre, Yannick Le Bars, élu en charge du dossier Ecophyto, et Olivier Manceau, directeur production et innovation, ont « exprimé un désaccord technique face à une décision politique ».

Indispensable pour les TCS

Olivier Manceau rappelle que des travaux de recherche appliquée sur la réduction d’usage des phytos sont menés par la chambre d’agriculture depuis le début des années 2000. Le projet Rasta (Recherche d’alternatives et solutions techniques sans glyphosate en agriculture de conservation des sols), en particulier, a été réalisé à Kerguéhennec et chez des agriculteurs partenaires entre 2019 et 2022. « Mais si nous savons réduire drastiquement les usages du glyphosate, souligne-t-il, nous ne savons pas encore nous en passer ». Il explique que, dans certains cas, le glyphosate reste indispensable : supprimer le datura dans les cultures légumières, détruire efficacement les prairies ou les dérobées, désherber en agriculture de conservation.

S’attardant sur l’intérêt de cet herbicide dans le cadre des techniques qui excluent le labour, il insiste sur le fait qu’il n’est pas, pour l’heure, possible de s’en passer. Et même s’il y a des agriculteurs qui pratiquent les TCS en bio, donc sans glyphosate, à ses yeux la Bretagne n’est pas la meilleure région pour cela : « les précipitations régulières et la rareté des périodes de gel rendent cette pratique particulièrement délicate. Le plus gros problème reste le risque d’invasion d’adventices sur le long terme ».

Faire la balance des gains et des pertes

Yvon Lambert, directeur de la station de Kerguéhennec, exprime également ses réticences. Pour lui, cesser brutalement d’utiliser le glyphosate implique inévitablement un retour au labour. « Si on revient au labour, on revient en arrière, explique-t-il. Des techniques alternatives existent, comme le désherbage mécanique, mais il faut faire la part des choses : si l’arrêt du glyphosate implique une augmentation du temps de travail et de la consommation du carburant, le bilan est discutable ».

Quels financements pour les recherches à venir ?

En guise de conclusion, Olivier Manceau rappelle que la recherche en agronomie prend inévitablement du temps. Pour lui, un arrêt brutal du glyphosate mettrait aussi un coup d’arrêt aux progrès déjà réalisés en recherche. « Alors qu’on y est presque », souligne-t-il.

Dans sa lettre, Loïg Chesnais-Girard indique que « des expérimentations régionales temporaires pourraient permettre de faire la démonstration sur le terrain que des alternatives économiquement et agronomiquement soutenables sont possibles ». Encore faut-il, pour cela, des moyens financiers. Une question qui se révèle brûlante, quand on sait que la Région a refusé de reconduire le financement du projet Rasta.