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Enquête CapsAgri

Salariés vs employeurs : plutôt en phase sur le travail, moins sur le salaire…


TNC le 16/11/2023 à 05:16
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Conditions et organisation du travail, salaire... Les attentes des éleveurs et de leurs salariés correspondent-elles ? (© Iakov Filimonov, JackF, Adobe Stock)

Conditions et organisation du travail, relations humaines, rémunération… Les éleveurs et leurs salariés sont-ils sur la même longueur d’onde ? C’est ce qu’a voulu savoir, via des enquêtes terrain, le RMT Travail en élevage. L’objectif derrière : mieux identifier les freins et facteurs d’attractivité du salariat en élevage bovin lait pour mieux répondre aux attentes des éleveurs et de leurs employés.

Face au manque de main-d’œuvre en élevage bovin lait, le RMT (réseau mixte technologique) Travail en élevage a lancé le projet CapsAgri (1) afin de rendre plus attractif le salariat en exploitations de vaches laitières via des actions concrètes.

(1) en partenariat avec l’idele, les chambres d’agriculture, la MSA, Vivéa, le réseau des Cuma, les services de remplacement, Trame, AgroSup Dijon, la Bergerie nationale.

Quatre profils d’éleveurs employeurs

L’une des enquêtes, réalisées dans le cadre de ce travail, porte sur la perception du salariat agricole afin de mieux cerner les facteurs d’attractivité et les freins pour les producteurs comme leurs employés. Elle a permis, tout d’abord, de définir quatre profils d’éleveurs employeurs de main-d’œuvre, des plus expérimentés en la matière, qui aiment manager, adoptent des méthodes et un fonctionnement spécifiques et veillent aux conditions de travail, à ceux qui ont moins l’habitude et sont moins à l’aise sur certains points, tout en faisant preuve malgré tout d’une certaine implication.

En passant par les éleveurs pour lesquels la gestion du personnel n’est pas une priorité par manque de temps, d’organisation, d’intérêt ou parce qu’ils privilégient les résultats technico-économiques. Conséquence : les salariés sont plus ou moins autonomes, polyvalents, responsables et libres de prendre des initiatives.

 

Côté salariés : l’entente plus que le salaire

Quant aux aspects pouvant attirer dans le métier de salarié d’élevage, ils divergent entre les employeurs et employés. Pour les premiers, le salaire et les conditions de travail seraient prépondérants, devant l’entente dans l’équipe, le système de production étant jugé mineur alors que pour les seconds, c’est l’entente qui prédomine, puis les conditions de travail et le système de production, le salaire n’étant pas cité.

 

Conditions/organisation du travail : en accord

Intéressons-nous de plus près aux conditions et à l’organisation du travail, au système de production et à la rémunération. Pour les conditions de travail, les attentes des salariés et les pratiques des éleveurs sont plutôt en adéquation : les premiers souhaitent une réflexion sur la ferme pour une amélioration continue, afin de réduire notamment la pénibilité physique, et les seconds y répondent via la simplification des tâches et la réalisation d’une seule traite par jour par les salariés.

À noter : ces derniers demandent la mise à disposition d’une salle de pause, les employeurs aménageant généralement un bureau pour échanger au sein du collectif. Enfin, ils mettent l’accent sur l’ambiance de travail contrairement aux employeurs.

 

Situation similaire au niveau de l’organisation du travail : aux demandes d’horaires souples, de tâches variées et à responsabilité des employés, les producteurs répondent en pratiquant la semaine de quatre jours, une alternance entre commencer tôt et finir tard, et en tenant compte autant que possible des domaines de prédilection de chacun. Sur les week-ends d’astreinte, une distinction s’opère cependant entre les souhaits des agriculteurs et des salariés.

Un salarié heureux réalise un travail de qualité, source de rentabilité.

Les propos de Christian Hascoet, éleveur à la retraite depuis janvier 2023, habitué à la main-d’œuvre salariale, viennent appuyer ces observations. Pour cet ancien producteur laitier dans le Finistère (Gaec à trois associés en agriculture biologique), interrogé au Space 2023 après la présentation de l’étude CapsAgri, il importe en effet de « simplifier le travail au maximum pour faciliter la circulation de l’information » entre employeurs et salariés. Un fonctionnement complexe alourdit la charge de travail et complique son exécution, estime-t-il.

Prévoir « un endroit et/ou moment pour échanger » est aussi crucial, explique Christian, insistant : « L’essentiel, c’est l’échange pas la technique. » Sur la ferme, « on a une tradition, certes peut-être un peu à l’ancienne : tous les jours à 16 h, on arrête de travailler pendant une demi-heure et on discute de tout, de rien, de ce qui va et de ce qui ne va pas, autour d’un café ».

L’essentiel, c’est l’échange pas la technique.

Autre lieu de partage à ne pas négliger selon lui : la salle de traite. C’est pourquoi la traite, c’est toujours en binôme chez les Hascoet ! Ce qui l’amène à parler des astreintes, en particulier des week-ends, qui nécessitent « beaucoup d’anticipation ». « Nos salariés (le fils, qui a repris l’exploitation, en a trois) ont deux week-ends sur trois de libres », précise l’agriculteur retraité avant de conclure : « Un salarié heureux réalise un travail de qualité, source de rentabilité pour l’élevage. »

Rémunération : + 0,03 à 0,23 Smic demandé

Question rémunération en revanche, le décalage est plus grand. Près de 40 % des salariés interrogés escomptent 1,3 Smic minimum, 30 % 1,2 Smic et 25 % 1,1 Smic. Les exploitants, eux, versent en moyenne 1,07 Smic mais donnent d’autres avantages économiques comme des primes, un 13e mois, etc.

Signalons que, concernant le système de production, les salariés recherchent des exploitations à taille humaine tournées vers le pâturage. Christian Hascoet l’a observé : « Les salariés s’intéressent fortement à sa gestion, moteur de la rentabilité. » « Prendre des décisions concertées sur le pâturage favorise les échanges. C’est un lien très important entre tous les actifs de l’exploitation », complète-t-il.

Si l’on se penche, plus précisément, sur l’accès au salariat en élevage, sur les problèmes rencontrés et les inconvénients mentionnés, la plupart des salariés jugent assez facile d’accéder au métier, évoquant surtout la difficulté à « trouver le bon employeur », mais un peu moins les femmes toutefois qui parlent d’une certaine discrimination, .

Le « sens de l’observation à avoir » et la « quantité d’informations à retenir » apparaissent comme les éléments les plus complexes à maîtriser. Pour les salariées, le plus discriminatoire semble la pénibilité et la conduite d’engins. Cette même pénibilité physique, l’amplitude horaire, les week-ends d’astreinte, la traite, les conditions météo sont les principales contraintes abordées.

Quelques conseils pour recruter et fidéliser

De toutes ces données, ressortent plusieurs préconisations pour les éleveurs embauchant de la main-d’œuvre. En termes de conditions de travail, l’idéal serait de proposer des postes permettant polyvalence et prise de responsabilité, avec des horaires flexibles, des rotations pour l’astreinte (week-ends en particulier), des formations régulières.

Sur le plan économique, outre le salaire alloué, d’autres avantages peuvent être appréciés tels que les primes, le 13e mois, les plans d’épargne salariale, les tickets-restaurants, la fourniture de produits alimentaires, la prise en charge des pleins d’essence ou la mise à disposition d’une voiture de fonction.

Les relations humaines sont tout aussi cruciales. Encourager et féliciter ses salariés est en effet essentiel. Sans oublier la convivialité : les repas d’équipe, de Noël, pour les anniversaires par exemple, avec éventuellement des cadeaux pour ces occasions.