La Confédération paysanne dénonce un projet de décret délétère pour la démocratie
TNC le 22/11/2023 à 15:22
Pour encadrer les prochaines élections professionnelles agricoles, qui se tiendront en janvier 2025, le ministre de l’agriculture prépare un décret instaurant des changements concernant la répartition du financement des syndicats agricoles. La Confédération paysanne dénonce une modification qui favoriserait le syndicat majoritaire et affaiblirait la démocratie, en donnant plus de poids au nombre d’élus qu’au nombre de voix.
« Un recul, qui fragilise l’exercice de la représentativité » : Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, décrit ainsi le projet de décret proposé par le ministre de l’agriculture pour encadrer les prochaines élections professionnelles agricoles – les « élections chambres d’agriculture » — qui auront lieu en janvier 2025.
Le texte doit fixer, entre autres, les conditions de la proportionnelle dans les chambres d’agriculture, la représentativité des syndicats agricoles, et la clé de répartition des financements alloués au fonctionnement de ces syndicats. Aujourd’hui, pour être représentatif, il faut atteindre un seuil de 10 % au niveau des chambres départementales, et les règles de la proportionnelle donnent à la liste arrivée en tête 50 % des sièges du collège des exploitants agricoles à la chambre d’agriculture, soit 9 places sur 18. La clé de répartition prévoit aujourd’hui 75 % des montants en fonction du nombre de voix, et 25 % sur le nombre de sièges.
Une perte potentielle de 500 000 € par an
Or, le futur décret doit, en l’état, modifier deux leviers : « baisser le seuil de représentativité à 5 %, en le reliant à une clé de répartition des financements qui serait de 50 % sur le nombre de voix, et 50 % sur le nombre d’élus », déplore Laurence Marandola. Cette décision constituerait un réel recul par rapport à la loi de 2001, qui reconnaît la pluralité des syndicats, en fixant le financement public des organisations syndicales à partir de leur audience à un scrutin, explique la Confédération paysanne.
La Conf’, qui touche actuellement 2,3 M€ par an sur les 14 M€ du fonds alloué au financement des syndicats, perdrait environ 500 000 € par an avec cette nouvelle clé de répartition. « Cela fragilise l’exercice de la représentativité. La répartition, pour nous, doit se faire en lien avec cette représentation acquise, c’est-à-dire par le nombre de voix », insiste la porte-parole de la Confédération paysanne. Le syndicat a recueilli 20 % des voix lors des précédentes élections, en 2019, derrière la Coordination rurale (21 %) et la FNSEA/Jeunes agriculteurs (autour de 55 %).
Une mobilisation face à un « recul démocratique »
Devant cette situation, la Confédération paysanne a alerté les parlementaires, et compte se tourner vers le reste du gouvernement, car « on se demande si le ministre peut décider seul d’une telle évolution », explique Laurence Marandola. Les retours des élus vont dans le sens du syndicat. « On voit que c’est un vrai sujet, agricole, et surtout de respect des corps intermédiaires, qui est un des fondements de notre Constitution », ajoute-t-elle.
La Confédération paysanne demande « un mode de scrutin qui garantisse une participation forte des électeurs », ainsi que la possibilité pour les cotisants solidaires (Atexa) de pouvoir être reconnus et de participer à ces élections professionnelles. Ces points n’ont pas eu l’occasion d’être débattus.
Si le ministère de l’agriculture souhaitait une promulgation du décret fin 2023-début 2024, le texte n’a, pour le moment, pas été proposé.