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MHE

Faut-il se méfier de la désinsectisation ?


TNC le 16/01/2024 à 05:24
Vacheavecdesmouches

La désinsectisation permet de limiter les vecteurs de la MHE. (© Christian Décout - AdobeStock)

Seul moyen de lutte actuel contre la propagation de la MHE, la désinsectisation pose toutefois question. Pour Claire Garros, chercheuse en entomologie au Cirad, traiter les bovins, c’est un peu comme mettre de l’antimoustique. Ce n’est pas efficace à 100 %, mais ça permet de se prémunir des maladies.

L’apparition de la maladie hémorragique épizootique sur le territoire français a remis la désinsectisation au goût du jour. Et pour cause, la pratique vise à éliminer les culicoïdes, vecteurs entre autres de la MHE. Si la désinsectisation permet de contenir la propagation de la maladie vectorielle, elle suscite également des interrogations chez les éleveurs. Efficacité, toxicité… Claire Garros, entomologiste au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) nous éclaire sur la pratique.

Le Butox tue jusqu’à 45 % des culicoïdes

Pour la désinsectisation des bovins, les insecticides de synthèse de type pyréthrinoïdes ou organophosphorés sont généralement utilisés. « Les culicoïdes sont sensibles à ces molécules, donc c’est plutôt une bonne chose, mais l’effet n’est pas pour autant radical », explique la chercheuse. Une étude, réalisée sur les ovins en application pour-on (deltaméthrine), montre que le produit entraîne un pic de mortalité des vecteurs au quatrième jour après application, avec 40 à 45 % de mortalité sur la population de culicoïdes. L’effet létal s’atténue ensuite, pour disparaître 10 jours après application.

Les molécules insecticides ont également un effet répulsif, qui protège les animaux. « Si la deltaméthrine n’est létale que pour un peu moins d’un culicoïde sur deux au pic d’efficacité, elle permet d’éviter que l’animal soit une source de repas de sang pour le moucheron ».

En bref, la lutte chimique, c’est un peu comme l’antimoustique : « ça fonctionne, mais ça n’évite pas toutes les piqûres », résume Claire Garros. L’application du produit relève surtout de l’évaluation du rapport risque/bénéfices. Un peu comme lorsqu’un touriste utilise un répulsif pour se protéger de la dengue ou du paludisme sous d’autres latitudes.

La désinsectisation est un moyen de lutte imparfait, mais c’est le seul levier qu’on ait pour contenir la maladie. « En l’absence de vaccin, tout ce qu’on peut faire, c’est essayer d’éviter le contact entre le vecteur et l’animal », résume Claire Garros.

Protéger l’opérateur

Question santé animale, « la désinsectisation n’a pas d’effets secondaires connus », rassure la chercheuse. Attention toutefois à respecter les délais de retour pour le lait et la viande, différents selon la concentration du traitement, et les molécules actives. D’autant que « les animaux ne sont pas traités à l’insecticide tous les jours, on reste sur des utilisations marginales ».

Mais attention à ne pas oublier de protéger l’éleveur durant l’application du traitement. « C’est peut-être lui qui est le plus exposé au final ». Masque, gants ou encore lunettes sont conseillés pour l’application des produits, en fumigation, comme en bain ou pulvérisation.

Veiller également à ne pas jeter les flacons dans les poubelles domestiques.

Pas d’impact sur les abeilles

Si l’Unaf (Union nationale de l’apiculture française) s’inquiétait de l’impact de la désinsectisation des animaux sur les populations d’abeilles, le rapport Basepa, co-construit par la DGAL, l’Inrae et l’Institut de l’abeille ne montre pas de lien entre l’utilisation de produits biocides vétérinaires et les populations de pollinisateurs.

« La question s’était posée, lorsqu’en Ariège par exemple, il y a eu une grosse mortalité d’abeilles conjointement à un épisode de FCO », explique Claire Garros. « Les doses utilisées en élevage sont très faibles en comparaison à ce qui se fait sur les cultures, et les molécules sont vite dégradées. Mais il est logique de se poser la question de l’impact des biocides sur la faune non cible ».

Mobiliser plusieurs leviers

La lutte chimique gagne à être complétée par d’autres leviers. « On sait que les femelles pondent dans les habitats riches en matière organique ». Limiter les lieux de ponte permet indirectement de limiter la population de vecteurs. Mais tout le monde sait qu’il est difficile de se débarrasser des mouches ou des moucherons en élevage, surtout lorsque la saison y est propice. « Il faut essayer de remuer les litières, pailler régulièrement pour avoir le moins de lieux de ponte possible, remuer les lisiers », détaille l’entomologiste.

L’utilisation de barrières mécaniques est un plus, mais la petite taille des culicoïdes les rend particulièrement difficiles à freiner. « Ils ont une taille de 1 à 3 mm. Il faut donc viser des moustiquaires aux mailles suffisamment fines pour les bloquer. Les moustiquaires classiques ne suffisent pas ». Mais l’enjeu est alors de combiner protection et circulation de l’air.