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Congrès de l’UNPT à Dunkerque

Avec trois projets industriels en vue, les patatiers ont la frite


TNC le 17/01/2024 à 12:01
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Geoffroy d'Evry président de l'UNPT (© © TNC)

L’implantation de trois géants belges de la frite dans les Hauts-de-France offrira un débouché pour 40 000 ha supplémentaires de pommes de terre. De quoi assurer un bel avenir aux producteurs, pour peu que la filière toute entière conserve ses équilibres, de la production de plants au maintien des autres débouchés.

Sous un beau soleil d’hiver face à la mer, les producteurs de pommes de terre ont la frite ! Certes, l’expression semble éculée, mais elle résume la situation d’une production qui se porte plutôt bien. Réunis les 15 et 16 janvier 2024 au Kursaal de Dunkerque, là où s’enchaînent chaque week-end hivernal des bals carnavalesques, les adhérents de l’UNPT et les représentants des différentes filières du secteur – primeur, frais, fécule et industrie – ont pu en témoigner.

La campagne 2023 s’est terminée « avec un rendement de près de 44 t/ha, dans la moyenne quinquennale », a résumé Geoffroy d’Evry, le président du syndicat. « Il faut toujours rester nuancé, tempère Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Car certains ont souffert des affres du climat. » « À date, 1 500 ha de pommes de terre n’ont pu être arrachés dans les secteurs des Hauts-de-France touchés par les inondations », complète le numéro un de l’UNPT.

Les barons belges de la frite investissent en France

Les leaders syndicaux du secteur voient surtout l’avenir en rose grâce à trois projets industriels belges sur les terres de la région. À Saint-Georges-sur-l’Aa, dans la zone d’extension du grand port maritime de Dunkerque, Clarebout Potatoes n’a mis qu’un an pour construire sa troisième unité de transformation de pommes de terre, sa première en France. L’usine a démarré la production à l’automne dernier. En régime de croisière, le roi belge de la frite surgelée veut y transformer 500 000 t de pommes de terre par an.

Agristo, un autre baron de la patate, va investir 350 M€ et embaucher 350 personnes à Escaudoeuvres, pour convertir en friterie géante le site que le sucrier Tereos a fermé en mars 2023. Dans ce qui sera son cinquième site de production, Agristo compte valoriser 500 000 t de tubercules chaque année.

Dans le monde, l’avenir de la pomme de terre se joue dans une seule région : les Hauts-de-France. 

Enfin, à Péronne dans la Somme, Ecofrost vient de racheter à la ville le site que Flodor, l’ancienne marque française de chips, avait abandonné il y a 17 ans. D’ici 2030, cet autre champion de la friture, belge lui aussi, veut y produire 200 000 t de frites surgelées et de purée par an.

Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, ne peut que se féliciter de voir ces gros projets arriver sur ses terres. « Dans le monde, il n’y a qu’un seul endroit où la production de pommes de terre se développe et peut se développer significativement. Et cette région, c’est la vôtre », a-t-il expliqué fièrement en visio devant les producteurs.

Un équilibre de la filière pourtant précaire

Pour alimenter ces nouvelles usines, « il faudra produire autour de 40 000 ha supplémentaire », se réjouit Geoffroy d’Evry. Il s’agira aussi de développer ou moderniser les équipements dans les exploitations. « Pour un investissement de 300 M€ dans un outil industriel, il faut investir autant chez les producteurs pour construire de nouveaux bâtiments de stockage, moderniser ceux qui peuvent l’être, acheter des équipements et des intrants », réagit Alain Dequeker, secrétaire général de l’UNPT.

Geoffroy d’Evry, producteur de pommes de terre dans l’Oise, et président de l’UNPT. (© UNPT)

« L’État doit vous accompagner financièrement et doit bosser les volets fiscaux et sociaux. Et la filière sa structuration, voire sa concentration », renchérit Philippe Goetzmann, spécialiste de la consommation et de la grande distribution. Car le bel avenir promis au débouché industriel risque de déséquilibrer l’ensemble de la filière pommes de terre. Si la hausse des surfaces n’est pas à la hauteur du développement du débouché industriel, ce sont les autres secteurs – frais et fécule – qui en pâtiront.

« Aujourd’hui déjà, ce n’est pas la production française qui répond le mieux aux nouvelles demandes de consommation », prévient-il. L’équilibre de la filière pour satisfaire pleinement tous les débouchés, avec des prix rémunérateurs pour chacun d’eux, reste donc assez précaire.

Pas de plants, pas de frites

Et cet équilibre risque d’être un peu plus fragilisé encore par les difficultés rencontrées par les producteurs de plants certifiés. La FN3PT, qui les fédère, réclament depuis longtemps de meilleurs prix pour endiguer la baisse. « À quoi jouent les acteurs du plant ? », s’interroge Geoffroy d’Evry. « Nous avions accepté de payer nos plants bien plus chers à condition que cette hausse soit répercutée aux producteurs de plants. Ce n’est pas le cas. »

Et les affres du climat, conjugués et à une pression virale forte et au retrait de molécules, découragent les multiplicateurs. Selon la Fedepom, la surface de plants certifiés a baissé de près de 11 %, passant de 23 500 ha en 2022 à 21 000 ha en 2023. « Cette situation pourrait anéantir tous nos projets de développement », prévient le patatier.