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Manifestations agricoles

Pourquoi les agriculteurs protestent dans plusieurs pays européens


AFP le 22/01/2024 à 16:11
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Début janvier, les agriculteurs allemands ont manifesté pendant une semaine dans tout le pays. Ici, à Nuremberg. (© DBV)

Leurs motivations divergent mais leur colère enfle un peu partout en Europe : des Pays-Bas à la Roumanie, en passant par l'Allemagne et la France, les agriculteurs sont en ébullition face au prix du carburant, à la concurrence ukrainienne et aux contraintes européennes.

À quelques mois des élections européennes de juin 2024, la Commission de Bruxelles lancera jeudi un « dialogue stratégique » réunissant organisations agricoles, mais aussi secteur agroalimentaire, ONG et experts, destiné à désamorcer la colère du monde rural.

Une initiative confirmée seulement en fin de semaine dernière, mais que la présidente de l’exécutif européen Ursula von der Leyen avait promise dès septembre, appelant à « moins de polarisation » et assurant qu’« agriculture et protection de la nature peuvent aller de pair ».

Au programme : les revenus des agriculteurs, la durabilité des pratiques, l’innovation technologique, la compétitivité – des thèmes dont discuteront en amont les ministres de l’agriculture mardi à Bruxelles.

Pays-Bas

La fronde du monde agricole était partie en juin 2022 de ce petit pays de près de 18 millions d’habitants, deuxième exportateur mondial de produits alimentaires derrière les États-Unis. Un projet gouvernemental de faire baisser les émissions d’azote en réduisant le cheptel pousse des milliers d’agriculteurs néerlandais dans la rue. Au volant de leurs tracteurs, ils bloquent les autoroutes et protestent devant les domiciles de responsables politiques.

Des drapeaux néerlandais à l’envers deviennent le symbole de leur fronde, qui récolte le soutien de populistes du monde entier, dont l’ancien président américain Donald Trump. Après des mois de contestation, la révolte contre l’exécutif se traduit par un raz-de-marée électoral d’un jeune parti rassemblant des agriculteurs, le « Mouvement agriculteur-citoyen » (BBB), qui fait une entrée en force au Sénat en mars 2023, mais remporte finalement moins que prévu aux élections générales de novembre.

Pologne et Roumanie

L’« exaspération » a aussi gagné ces derniers mois la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Hongrie ou la Bulgarie, où les producteurs dénoncent essentiellement la « concurrence déloyale » de l’Ukraine, accusée de brader le prix de ses céréales. Dans la foulée de l’offensive russe, l’UE a suspendu en mai 2022 les droits de douane sur tous les produits importés d’Ukraine, et créé des « corridors de solidarité » pour permettre à Kiev de faire transiter ses stocks de céréales.

Sauf que beaucoup de denrées ont fini par s’accumuler chez ses voisins européens. Vent debout contre cet afflux de blé ou de maïs, les agriculteurs bulgares et roumains ont sorti leurs tracteurs pour bloquer les postes-frontières avec l’Ukraine. En Pologne, les manifestations ont poussé à la démission en avril 2023 le ministre de l’agriculture.

Cela n’a pas éteint leur colère : les exploitants polonais ont commencé à bloquer en novembre, avec les routiers, les points de passage avec l’Ukraine. Les agriculteurs ont suspendu leur blocus le 6 janvier après un accord avec le gouvernement polonais, qui prévoit des subventions. En Roumanie, les agriculteurs ne lâchent pas non plus la pression sur le gouvernement, manifestant de nouveau le 14 janvier contre des taxes jugées exorbitantes.

La Commission européenne doit dévoiler prochainement ses intentions sur la reconduction de l’exemption douanière, qui expire en juin.

Allemagne

En Allemagne, les agriculteurs ont fait entendre massivement leur hostilité à un projet du gouvernement Scholz d’augmenter les taxes sur le diesel agricole, annoncée en décembre. Début janvier, ils ont lancé une semaine de manifestations avec des convois de tracteurs bloquant les routes dans tout le pays.

La coalition gouvernementale au pouvoir, qui réunit sociaux-démocrates, écologistes et libéraux, a accepté d’échelonner la suppression de l’exonération jusqu’en 2026 et promet moins de bureaucratie. Mais il lui sera difficile de faire davantage au moment où elle doit économiser plusieurs milliards de dépenses budgétaires pour se conformer à un rappel à l’ordre des juges constitutionnels.

France

Le malaise couve et prend de l’ampleur également dans les campagnes françaises, où les agriculteurs protestent comme leurs voisins allemands contre la hausse des coûts de production et les obligations environnementales croissantes.

Pour dénoncer un « monde à l’envers », les agriculteurs ont commencé, à l’automne, à retourner les panneaux d’entrée des communes. Depuis jeudi soir, ils bloquent des autoroutes dans le sud-ouest et se rassemblent aussi sur des ronds-points, avec d’autres actions prévues à l’appel du premier syndicat agricole, la FNSEA.

Ailleurs

La contagion pourrait toucher d’autres pays en Europe. « Les (syndicats agricoles) italien et espagnol parlent aussi de manifestations », affirme la présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne, Christiane Lambert.

Au Royaume-Uni, des producteurs de fruits et légumes manifestent lundi devant le Parlement à Londres pour protester contre les contrats d’achats « injustes » qui les lient à la grande distribution.