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Fret maritime

Climat et géopolitique perturbent le commerce maritime mondial


TNC le 24/01/2024 à 17:50
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Trafic quotidien dans le canal de Panama (© © TNC)

Le contexte climatique et géopolitique dans plusieurs zones du monde provoque des tensions sur le transport maritime de produits agricoles.

Le trafic maritime mondial est actuellement perturbé en différents points névralgiques du globe.

Au nord de la mer Noire, le détroit du Bosphore reste notamment « une voie maritime très sensible avec la sortie des céréales russes et ukrainiennes de la mer Noire », rappelle Marc Zribi, responsable de l’unité Grains et sucre de FranceAgriMer, au détour d’un point presse.

Rappelons qu’à l’été 2023, la Russie a dénoncé l’accord sur les exportations négocié un an plus tôt avec les Nations unies, qui avait permis d’exporter quelque 33 Mt de produits agricoles ukrainiens depuis la mer Noire via un corridor maritime sécurisé, malgré la guerre.

Depuis, l’Ukraine a mis en place des stratégies d’exportation alternatives : fluviales, terrestres, et, depuis août, un nouveau corridor maritime qui longe les côtes bulgares et roumaines avant d’atteindre la Turquie via le détroit du Bosphore, et qui a permis « une forte reprise » des exportations de blé et de maïs ukrainiens depuis octobre 2023.

En plus des risques liés à la géopolitique, le commerce mondial de matières premières agricoles doit aussi compter avec le dérèglement climatique.

Fin 2023, les intempéries qui ont touché l’Europe ont ainsi causé des épisodes de très hautes eaux sur le Rhin, axe d’exportation européen majeur, stoppant la navigation sur le fleuve pendant plusieurs semaines, illustre Marc Zribi.

Moins de trafic dans le canal de Panama

C’est à l’inverse un phénomène de basses eaux qui touche depuis plusieurs mois le canal de Panama, qui relie l’Atlantique au Pacifique et voit d’ordinaire passer 5 à 6 % du commerce maritime mondial.

De fait, ce pays habituellement très humide est touché par une sécheresse historique, surtout liée à El Niño et probablement amplifiée par le changement climatique. « Les niveaux d’eau du canal se sont stabilisés en décembre » mais « les indices de sécheresse montrent que la situation hydrologique reste défavorable à long terme », souligne FranceAgriMer.

Face au manque d’eau, les autorités ont progressivement réduit les quotas de transit des navires. Seulement 18 seront autorisés à traverser le canal à partir du 1er février, soit une baisse de 50 % par rapport à 2023.

Dans le canal de Panama, le trafic quotidien est en forte baisse depuis un an, à la fois en navires et en volumes. (© Portwatch, CIC, Reuters)

En réponse à la hausse des temps d’attente au canal de Panama, on assiste alors à des reports de trafic sur des itinéraires alternatifs, ce qui engendre des trajets plus longs et plus coûteux.

Certains navires qui doivent rallier San Francisco à New York contournent le continent américain par le sud, en passant par le Cap Horn, parcourant 21 000 km au lieu de 8 370 via le canal de Panama. On note aussi des reroutages des États-Unis vers l’Asie, soit au moins une semaine de voyage supplémentaire, pour ensuite atteindre l’Europe via le canal de Suez.

Fortes tensions en mer Rouge

Mais dans cette zone aussi, la situation est très tendue : depuis un peu plus d’un mois, les rebelles yéménites houthis s’attaquent aux navires commerciaux à l’entrée de la mer Rouge.

Le groupe armé vise les navires qu’il juge « liés à Israël », en riposte aux attaques israéliennes dans la bande de Gaza. La navigation maritime est menacée « d’abord sur le détroit d’Hormouz, à la sortie du Golfe persique, puis sur le détroit de Bab-al-Mandeb, porte d’entrée dans la mer Rouge et qui impacte ensuite directement les mouvements sur le canal de Suez ».

Malgré la formation d’une coalition multinationale pour protéger le trafic en mer Rouge, plusieurs compagnies maritimes ont décidé de rerouter leurs navires allant d’Asie en Europe, en leur faisant contourner l’Afrique par le Cap de Bonne-Espérance, ce qui « double quasiment le temps de trajet » et augmente encore les coûts logistiques.

Cela peut « se traduire par des tensions sur certaines importations de l’Asie vers l’Europe », note Marc Zribi. L’usine berlinoise du géant Tesla a par exemple annoncé suspendre une partie de sa production pendant deux semaines, faute de composants.

D’après les données du FMI, le trafic du canal de Suez a baissé de 40 % à 50 % depuis fin décembre, lui qui représentait 1 550 navires par mois dont 30 % de vraquiers et 8,6 milliards de dollars de recettes de passage pour l’Égypte en 2022, soit 10 % du budget du pays.

Depuis le début des attaques houthies, les volumes transitant par le canal de Suez diminuent, tandis que ceux qui passent par le Cap de Bonne-Espérance montent en flèche. (© Portwatch, CIC, Reuters)

« Très instable et volatile », la situation en mer Rouge pourrait pénaliser nos importations de pétrole ou de matières premières venues d’Asie. Mais, pour le moment, pas les exportations françaises vers ce continent, juge Marc Zribi, puisqu’elles franchissent la mer Rouge « dans le sens contraire de celui qui est menacé ».