À Agen, les irréductibles de la Coordination rurale mettent la pression
AFP le 25/01/2024 à 13:59
Autoroute bloquée depuis lundi, préfecture et hypermarchés recouverts de lisier : à Agen, les agriculteurs en colère multiplient les actions chocs, sous la houlette de l'omniprésente Coordination rurale, coutumière des coups d'éclat.
Jeudi matin, « les troupes » du syndicat ont déversé du purin, des pneus et de la paille aux entrées d’une centrale d’achat du groupe Système U pour empêcher les camions de circuler. Arrivés avec une soixantaine de tracteurs, les agriculteurs ont ensuite pénétré dans l’entrepôt pour vérifier la provenance des produits et dénoncer les marges de la grande distribution.
« Le prix du kilo de pommes est à 35 centimes. Le travail de toute une année est payé 35 centimes le kilo », a souligné Aurélie Armand, membre de la CR47. « La part laissée à l’agriculteur est toujours la plus faible », celle « prise par les intermédiaires et les grandes surfaces est beaucoup plus importante, ce qui est scandaleux. » « Je comprends bien sûr, ils ne peuvent pas vivre dans ces conditions-là », a réagi Michael Favreau, directeur d’exploitation du site. « On est un acteur de la distribution, une base logistique, je comprends le principe de venir ici », a-t-il ajouté.
Compréhensifs
Comme lui, beaucoup se montrent compréhensifs dans le Lot-et-Garonne face au syndicat qui contrôle depuis deux décennies la Chambre d’agriculture départementale. Des élus au préfet, qui avait convié ses dirigeants à une visioconférence, mercredi, avec le cabinet du ministère de l’Agriculture. Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre, avait prévenu : « S’il n’en sort rien de positif, il va y avoir le feu ».
Cette figure historique de la CR47 a tenu parole : après la réunion, un gros feu de pneus et de déchets a été allumé devant les grilles de la préfecture, tandis qu’une citerne arrosait sa façade de lisier.
Un symbole de l’Etat dégradé ? « Pardon, le lisier, c’est de la merde, donc un coup de karcher et c’est fini », a rétorqué Karine Duc, coprésidente du syndicat, à un journaliste qui l’interrogeait sur BFMTV. D’autres bâtiments (Direction départementale des territoires, Mutualité sociale agricole, banques) ont été ciblés par la suite.
La CR47 est connue de longue date pour ses actions – opération commando chez un négociant, occupation des locaux de la Mutualité sociale agricole, saccages de supermarchés et centrales d’achat, blocages d’Agen – qui ont souvent fini devant la justice.
« Incontournables »
Serge Bousquet-Cassagne, qui revendique 18 procès en 30 ans, a été condamné notamment pour avoir fait construire la retenue d’eau illégale de Caussade durant l’hiver 2018-2019, toujours exploitée depuis. La Cour des comptes l’a rappelé la semaine dernière dans un rapport très critique sur la Chambre départementale.
« Que les autres prennent exemple sur nous : nous sommes incontournables dans le Lot-et-Garonne alors que partout ailleurs, elles sont inaudibles et invisibles », a répondu M. Bousquet-Cassagne à la Cour.
En juin, la CR47 avait perturbé un déplacement de la secrétaire nationale d’EELV, Marine Tondelier, qui a porté plainte. Une information judiciaire est en cours. La dirigeante écologiste avait alors fustigé un « syndicat d’extrême droite ».
Serge Bousquet-Cassagne assume sa proximité « avec toutes les droites » et l’un de ses fils a été secrétaire départemental du Front national (devenu Rassemblement national) et plusieurs fois candidat à des élections avec l’étiquette du parti lepéniste.
Jeudi à Agen, la députée RN du Lot-et-Garonne, Hélène Laporte, est venue soutenir les agriculteurs mobilisés.
« Vous avez complètement raison et nous, on vous soutiendra. Vous pouvez compter sur nous, c’est pour ça qu’aujourd’hui je suis là », a dit la vice-présidente de l’Assemblée nationale aux dirigeants de la CR47.
Interrogée sur d’éventuelles accointances, Karine Duc avait assuré la veille que ce n’est « pas du tout » le cas.
« On est une organisation syndicale, on ne fait pas de politique (…) Tous ceux qui se soucient de nous, s’ils veulent travailler pour l’agriculture, qu’ils le fassent », avait-elle balayé en appelant à ne « pas faire de sensationnel » entre RN et agriculteurs.