Le « siège » de Paris se prépare, les mobilisations en régions recommencent
AFP le 29/01/2024 à 10:35
Le blocage des axes majeurs menant à Paris et d'autres grandes agglomérations par les agriculteurs en colère démarre doucement lundi, une journée sous tension où 15 000 membres des forces de l'ordre sont mobilisés.
Au total, huit « points de blocage » sur de grandes autoroutes à quelques kilomètres ou dizaines de kilomètres du périphérique parisien sont prévus par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) à partir de 14h00, mais avec pour mot d’ordre un « siège » de Paris, sans limite de temps. A 08h30, le blocage de la capitale n’avait pas encore commencé, les perturbations en cours sur l’A13 étant surtout liées à une opération escargot des taxis, à leur tour mobilisés sur une revendication propre à leur secteur : obtenir de l’Assurance maladie une renégociation du transport de patients.
Côté agriculteurs, dans l’Oise, au Nord de Paris, ils sont en train de mettre en place un barrage à hauteur de l’aire de repos de Chennevières pour bloquer dans les deux sens, selon Régis Desrumeaux, président de la FDSEA. Du côté de Lyon, l’opération escargot prévue au départ des Monts du Lyonnais n’a pas non plus débuté, en revanche 80 tracteurs sont en place pour bloquer l’A450, à l’entrée sud de la ville. « Ça commence doucement » ce matin, confirme Michel Joux, patron de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, une « réintensification » est prévue « cet après-midi ».
Dans la Meuse, les JA évoquent eux plutôt un départ pour Paris « mardi à 06h00 ». « N’oubliez pas de faire le plein de vos tracteurs avant le départ pour éviter la panne sèche ! », indiquent-ils sur leur page Facebook. « On ne veut pas mettre la pagaille tout de suite », car des annonces du gouvernement sont encore attendues, a expliqué Régis Desrumeaux. Le ministre de l’agriculture Marc Fesneau a confirmé lundi sur France 2 que de nouvelles mesures seraient annoncées « dans les 48 heures » pour « compléter et montrer la globalité » de la réponse du gouvernement face à une crise « multiple ». Il est lui-même ce matin à la préfecture du Val-de-Marne, avec une prise de parole prévue à midi.
« Mobilisations territorialisées »
« On est en train d’essayer d’organiser » le départ à Paris, a de son côté souligné à l’AFP Florent Point, président des JA de Bourgogne-Franche-Comté afin de « garder des mobilisations territorialisées » « L’idée c’est quand même que le territoire complet de la France puisse « s’allumer » au ministère de l’Intérieur », a-t-il ajouté. La Bretagne connaissait par exemple de nombreux blocages sur des nationales lundi matin, notamment près de Quimper ou à hauteur de Ploërmel, important nœud routier au centre de la péninsule, selon un communiqué de Bison futé.
Sur l’A11, qui relie Nantes à l’Île-de-France, « la circulation est impossible entre Seiches-sur-le-Loir et Durtal en direction du Mans », peut-on lire sur le compte X de l’autoroute. « On va essayer d’être organisés, de faire monter la pression (…) le mot d’ordre général reste de mettre en avant la sécurité des agriculteurs sur toutes les opérations de blocage pour qu’on puisse continuer à avoir des mobilisations « propres » », a ajouté Florent Point, alors que la mobilisation a été frappée par les Décès d’une éleveuse et de sa fille, tuées accidentellement sur un barrage d’agriculteurs lundi dernier.
Le gouvernement a de son côté annoncé que 15 000 membres des forces de l’ordre seraient mobilisés lundi pour empêcher que les tracteurs n’entrent dans « Paris et les grandes villes ». Toutefois, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin leur a demandé de faire part de « modération », ne devant pas « intervenir sur les points de blocage » mais les « sécuriser ».
« Pas de violence »
La capitale « va être entourée par un certain nombre de convois de tracteurs mais à bonne distance parce qu’on ne souhaite pas de violence », a précisé sur RTL le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, précisant qu’ils se trouveront « entre 30 et 40 kilomètres de la capitale sur les principaux axes autoroutiers à partir de 14h00 ». Il a par ailleurs dit qu’il était « prévu » qu’il parle avec le Premier ministre Gabriel Attal dans la journée pour évoquer les possibles solutions à la crise agricole.
Ce dernier avait dévoilé vendredi des mesures d’urgence, dont l’abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique, des sanctions lourdes contre trois industriels de l’agro-alimentaire ne respectant pas les lois Égalim sur les prix. Le Premier ministre a cependant concédé dimanche qu’il « n’a pas répondu encore » à « ce qui constitue le malaise et le mal-être de nos agriculteurs aujourd’hui ».
À l’appel du syndicat Coordination rurale, une trentaine de tracteurs ont pris la route depuis le marché aux bestiaux d’Agen en direction du marché de Rungis (Val-de-Marne), qu’il compte « investir ». Ils rejoignent d’abord des collègues à Cancon (Lot-et-Garonne) puis Bergerac (Dordogne), Périgueux, avant une étape dans un « camp de base » en soirée près de Limoges. Après un passage par Tours, l’arrivée à Rungis est prévue « mardi soir ou mercredi matin », a déclaré à l’AFP Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne.
« Mais on ne vous donnera pas l’heure à laquelle on va investir Rungis », a ajouté cette figure historique de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne (CR47), qui n’a « aucune idée » des effectifs qui seront au rendez-vous au final : « L’idée c’est de rassembler autour de nous, en montant à Paris, toute la France profonde. »
Le convoi est accompagné d’un camion pour assurer la logistique durant le parcours. « On a du ravitaillement pour ne pas mourir de faim, y compris les tracteurs », a expliqué à l’AFP son chauffeur, Patrick Jouy, 70 ans, maraîcher à Sainte-Livrade-sur-Lot dans le département, tandis que des viennoiseries et des drapeaux étaient distribués avant le départ. À l’intérieur, une cuve de carburant pour réalimenter les plus petits tracteurs, de la nourriture, des tables, quelques matelas et un brasero « pour cuire la viande ». Des réapprovisionnements sont prévus sur la route et sur place à Rungis.
Pour tenir combien de temps ? « Huit jours, 15 jours s’il le faut, on se débrouillera, pas de souci », assure l’agriculteur. « On est déterminés mais la durée est indéterminée (…) On reviendra sûrement sans avoir tout ce qu’on veut mais on va tenir aussi longtemps qu’on pourra. » Selon les autorités, les forces de l’ordre devront agir avec « modération » pour « sécuriser » les points de blocage annoncés autour de Paris et faire en sorte que le marché international de Rungis « puisse fonctionner ».