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Témoignage

Salariée et « fière » de diriger un élevage porcin à 26 ans


AFP le 20/02/2024 à 14:05

Marion Fortin, 26 ans, dirige un élevage normand de porcs en tant que salariée, un modèle qui se développe à mesure que les fermes grandissent et deviennent des entreprises comme les autres.

Chef de culture, responsable d’élevage… Dans les fermes françaises, les salariés montent en grade. Les patrons, de moins en moins nombreux et à la tête d’exploitations élargies, doivent déléguer.

Particularité du porc, la quantité de travail fournie par des salariés (permanents ou embauchés par des prestataires) devance même désormais celle des non-salariés (actifs dirigeants et leur famille).

Plus globalement, au sein de la population des salariés permanents, la part des femmes progresse (de 25,7 % en 2010 à 30,6 % en 2020, selon le dernier recensement agricole).

A son démarrage dans le métier, Marion Fortin s’imagine « simple porchère », sans « toutes ces responsabilités », explique-t-elle par téléphone à l’AFP. Elle se retrouve à remplacer son maître d’apprentissage après un souci de santé.

La nouvelle responsable d’élevage reste quelques années dans cette ferme – une « petite structure » – avant de rejoindre une vaste exploitation de Seine-Maritime, son département d’origine.

Le site compte plusieurs associés et une trentaine de salariés pour les travaux des champs, l’élevage mais aussi la production d’énergie grâce à la méthanisation des rejets.

Avec neuf salariés sous sa responsabilité, Marion Fortin gère la partie porcine, qui comprend 980 truies reproductrices (contre environ 230 en moyenne en France) et 9 000 places d’engraissement pour les porcs auxquels elles donnent naissance.

Là, elle s’assure que les performances techniques sont au rendez-vous (survie des porcelets, prise de poids des animaux engraissés…) ou que les germes indésirables ne rentrent pas dans les bâtiments, et elle gère les achats de céréales… pour un salaire « entre 1 700 et 2 100 euros nets par mois selon les primes ».

« Si je devais recommencer, je ferais la même chose », assure-t-elle, « pas fermée » à l’idée d’être un jour la patronne de sa propre exploitation ni de rester salariée « toute (sa) vie ».

« Avoir une vie de famille »

Dans un monde agricole où le terme « agriculteurs » est souvent réservé aux chefs d’exploitation, « la vision du salariat » change, estime la vingtenaire, dont le compagnon est aussi salarié, dans une autre ferme.

Pour elle, cela peut même « sauver des élevages français » : quand les enfants des propriétaires ne veulent pas prendre la suite, le recrutement d’un responsable permet de maintenir l’activité. Encore faut-il le dénicher, dans un secteur qui peine à satisfaire ses besoins de main-d’oeuvre.

Marion Fortin vient « de la ville ». Ni ses parents, ni ses grands-parents n’étaient agriculteurs. Mais elle voulait être « toute la journée avec des animaux ».

« Je me suis demandée si j’allais trouver ma place dans ce milieu » encore masculin. « Ça faisait un peu la citadine avec ses faux ongles et ses cheveux blonds qui vient voir les cochons… Ma confiance en moi a levé mes doutes, j’ai mon petit caractère et ça a été comme ça. » Elle apprécie la rigueur (« on est au gramme près avec les cochons ») et la régularité du travail. « Aujourd’hui je vais mettre en chaleur un lot de truies, dans 15 jours encore un autre, et ainsi de suite. Vous avez des mises bas tous les 15 jours toute l’année. » « Je sais dire dans cinq ans ce que je ferai à la même date. On peut s’organiser, avoir une vie de famille », poursuit la salariée, qui travaille un week-end sur huit.

L’adhérente du syndicat Jeunes agriculteurs (JA) se dit « fière » d’expliquer son métier, invoque la nécessité de rester « compétitifs par rapport au prix » face aux critiques régulières, jusque dans son entourage, sur les conditions de vie des porcs (pas d’accès à l’extérieur, truies en cage au moment de la mise bas, castration des porcelets…).

Les grandes exploitations d’élevage, qui font l’objet d’une autorisation des services de l’Etat en raison de leur potentiel impact environnemental, sont aussi réprouvées par des ONG comme Greenpeace.

« Un atelier de production, ce n’est pas une ferme pédagogique. Cela doit rester réalisable et intéressant pour une entreprise », relève Marion Fortin.