La maîtrise des adventices, un enjeu prioritaire pour le réseau Syppre Berry

Après 8 années d’essais, le réseau Syppre Berry livre ses premiers enseignements. Malgré plusieurs leviers mis en oeuvre, la gestion des adventices reste une problématique centrale pour la plateforme. En 2022, les équipes ont d’ailleurs revu les règles de décision en ce qui concerne l’assolement. L’idée : adapter au mieux les solutions en fonction de la situation de chaque parcelle.

Lancé en 2015, Syppre est un dispositif expérimental piloté de concert par Arvalis, Terres Inovia et l’Institut technique de la betterave. Son objectif ? « Associer l’expertise des trois instituts techniques aux compétences des partenaires locaux pour mettre au point dans cinq grands bassins de production de l’Hexagone (Béarn, Berry, Champagne, Laurageais et Picardie) les systèmes de cultures de demain. Chaque plateforme vise la multiperformance : économique, environnementale et de productivité ».

Le 16 mai dernier, le réseau Syppre Berrya ouvert le bal pour la présentation de ses principaux résultats après 8 années d’essais. « Si la gestion des ravageurs, des maladies, de la verse et de la nutrition des plantes est relativement bien maîtrisée depuis le début, la maîtrise des adventices reste, en revanche, une problématique centrale du réseau », expliquent ses représentants.

Des levées de vulpins et ray-grass plus échelonnées

Située à Villedieu-sur-Indre, sur des sols argilo-calcaires superficiels, la plateforme est notamment concernée par une forte pression des graminées automnales, ray-grass et vulpin. « L’évolution de leur biologie et celle du contexte climatique expliquent en partie l’état de la plaine aujourd’hui : les levées de graminées s’étendent de plus en plus sur la sortie d’hiver et même au printemps, fait remarquer Fanny Vuillemin, chargée d’études adventices et techniques alternatives de désherbage chez Terres Inovia. Les suivis dynamiques de levées enregistrent jusqu’à 200 pieds/m² de vulpins pour les mois de novembre et de décembre, mais également entre 20 et 40 pieds/m² jusqu’à la mi-avril. »

Pour un désherbage chimique réalisé en octobre, « la rémanence de 20 à 30 jours maximum ne permet pas de « faire la soudure » jusqu’à un désherbage de rattrapage au printemps », indique Julien Charbonnaud de Terres Inovia. « D’où l’intérêt de décaler la date de semis en cultures d’automne, quand cela est possible bien sûr… », faisant référence au contexte météo compliqué de l’automne dernier. « Le report permet de réduire la pression adventice et de réaliser des faux-semis. »

Faire les bons choix pour un véritable effet de rupture

S’étendant sur 9 ha, la plateforme Syppre Berry met en comparaison « un système témoin, qui correspond à un système de culture existant optimisé, à un système innovant prometteur. Chacune des cultures des deux systèmes est présente chaque année. Le dispositif compte 12 modalités, avec 3 répétitions pour chaque terme de la rotation, soit 36 parcelles ».

Impliqués dès le début dans Syppre, une dizaine d’agriculteurs du Berry ont contribué à concevoir le système de culture innovant. Cela a permis à la fois d’y intégrer des innovations éprouvées par les agriculteurs dans leur ferme mais aussi des stratégies plus risquées que les agriculteurs voulaient d’abord voir tester en expérimentation.

Comme on peut le voir au-dessus, l’un des leviers mis en œuvre est l’allongement de la rotation (9 ans au lieu de 3) avec l’introduction de cultures de diversification adaptées au contexte local et le maintien d’une part de cultures majeures. Ludovic Bonin, responsable du pôle Flores adventices – Lutte contre la verse chez Arvalis, met en garde toutefois sur le choix des cultures de printemps « pour obtenir un véritable effet de rupture. Introduire l’orge de printemps représente un levier moins puissant, puisqu’on a encore des levées de graminées à la période de semis, comparé à l’insertion de cultures d’été (en particulier du millet qui peut être semé mi-mai) ».

« L’orge suivant la succession millet — tournesol (deux cultures de printemps à la suite) a ainsi été très propre en 2023. On remarque, par contre, une dégradation du salissement (graminées) pour les parcelles concernées par l’enchaînement de 3 cultures d’hiver (blé, après blé et pois, et blé, après blé améliorant et colza) ».

En lien avec l’introduction de cultures de printemps, les équipes Syppre ont aussi constaté une explosion des populations de dicotylédones, datura et ambroisies, ainsi que la présence de chardons.

La maîtrise des adventices est devenue au fil des années un axe prioritaire pour la plateforme Syppre Berry. En 2022, le réseau a d’ailleurs choisi de faire évoluer, en lien avec ses agriculteurs partenaires, les règles de décisions concernant la rotation en ce sens : « si le colza est « propre », un blé tendre peut suivre à la place du millet, par contre si le blé de pois d’hiver est « sale », on placera un millet à la place de l’orge d’hiver, et dans ce cas, on mettra une orge d’hiver après tournesol. Un tournesol peut également être introduit dans le système témoin à la place du colza, du fait de la dégradation de gestion des graminées ».

Le désherbage mécanique, notamment le binage, est aussi un des leviers mis à l’épreuve pour réduire la pression adventices, quand les conditions météo le permettent.

« Pas de recette miracle »

Des essais sur le travail du sol ont également été réalisés, notamment en orge d’hiver, mettant en avant « une réduction de la pression ray-grass avec le labour (note de salissement : 0,5) et le semis direct (note : 4), par rapport aux TCS (note : 8), sachant que la note de salissement varie de 1 à 9 (de très bon à très mauvais). Pour la plateforme, le choix du travail est ainsi adapté chaque année en fonction de l’état de salissement de la culture précédent et de l’état structural après la récolte. La gestion de l’interculture et de l’implantation des couverts végétaux varie aussi en fonction de la pression adventices et des interventions de travail du sol ».

« L’objectif de Syppre Berry en ce qui concerne la gestion des adventices n’est pas de trouver la recette miracle pour tous, mais de tester différents leviers en situation réelle », précise Ludovic Bonin. Dans un contexte de plus en plus restreint, l’idée est « d’adapter la combinaison de solutions en fonction de chaque système ». Julien Charbonnaud souligne notamment l’inquiétude des producteurs vis-à-vis du flufenacet : la matière active montre une très bonne efficacité sur vulpins, mais devrait disparaître d’ici deux campagnes de l’éventail des solutions… ». Pour préserver l’efficacité des solutions herbicides disponibles, l’agronomie reste un levier à ne pas négliger et à adapter.