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Effluents d’élevage

Liquéfier le méthane à la ferme pour le collecter « comme le lait »


TNC le 05/06/2024 à 04:56
SublimeEnergie

La commercialisation est prévue par Sublime Énergie pour la fin d’année 2026. (© Sublime Energie)

La startup française Sublime Énergie a mis au point une technologie qui rend la méthanisation accessible même aux exploitations isolées. Un essai grandeur nature sera réalisé en 2025 dans les Côtes-d’Armor.

« L’idée, c’est de récolter le méthane comme le lait, en faisant la tournée des fermes. Et pour cela, il fallait trouver une solution sur place pour en recueillir le plus possible car le gaz prend de la place. C’est ce que nous avons réussi. » Bruno Adhémar est le président et le fondateur de Sublime Énergie. Cette startup, issue de l’École des Mines de Paris, a dévoilé, fin mai, une technologie unique au monde : la liquéfaction du biogaz. Son objectif est de rendre la méthanisation accessible aux exploitations trop petites ou isolées pour accueillir une grande structure.

« Les solutions actuelles ont leurs limites », constate Bruno Adhémar. La cogénération, à la rentabilité limitée, semble avoir fait son temps. Le raccordement aux réseaux est, lui, cher et nécessite des phases coûteuses d’épuration et des débits importants. « Notre technologie représente un potentiel aujourd’hui inexploité estimé à 26 TWh d’énergie renouvelable d’ici 2050 », met en avant Sublime Énergie.

Des opérations « simples » à la ferme

La science étant pleine de joies spontanées, ce procédé a été découvert par hasard. Le gaz est liquéfié dans un « agent de portage », directement dans la citerne qui servira au transport. Auparavant, le gaz a fait l’objet d’étapes « simples », notamment de séchage, pour enlever l’eau. Pour filer la métaphore lactée, « on ne fait pas compliqué à la ferme : on récolte le lait cru, pas demi-écrémé ». Le biogaz, composé à 50 % de méthane et 50 % de CO2, est ensuite collecté, regroupé, transformé en BioGNV et BioCO2 et commercialisé. L’« agent de portage » est recyclé puis renvoyé dans sa citerne à la ferme, et le cycle redémarre. 

Le BioGNV a aujourd’hui fait ses preuves dans le transport routier (autonomie des poids lourds jusqu’à 1 500 km, réduction de 85 % de gaz à effet de serre par rapport au diesel) et est également adapté aux machines agricoles. Le BioCO2 est utilisé dans les serres agricoles, l’industrie agro-alimentaire, la fabrication de carburants de synthèse… « Le digestat produit en même temps que le biogaz permet, lui, de remplacer jusqu’à 95 % des engrais chimiques », explique Sublime Énergie.

Un investissement entre 1 et 1,5 millions d’euros

Le ferme cible de la startup est une exploitation de 100 vaches, 85 hectares, 90 000 tonnes d’effluents. Une taille raisonnable qui facilite également « l’installation et l’acceptation » par les riverains. L’investissement pour l’éleveur est estimé « entre 1 et 1,5 millions d’euros ». « L’agriculteur est propriétaire de l’outil de production. Cela ajoute de la valeur à la ferme, pour un temps de travail supplémentaire limité. Et le digestat du méthaniseur reste sa propriété », détaille Bruno Adhémar.

La rémunération de l’agriculteur est « encore à affiner ». « Tout dépendra des coûts d’exploitation, c’est ce qu’il reste encore à étudier », poursuit le président de Sublime Énergie. Pour cela, un démonstrateur sera installé en 2025 sur l’exploitation de méthanisation Gazéa dans les Côtes-d’Armor, d’où le gaz sera transféré vers une station-service adaptée, à Châtelaudren-Plouagat.

« Des solutions locales, c’est l’avenir »

Alain Guillaume, éleveur fondateur en 2009 de Gazéa et pionnier de la méthanisation – il est le premier en France à arriver à la fin de son contrat de cogénération de 15 ans avec EDF – se réjouit. « La cogénération était la seule solution à mon époque. Sa valorisation n’est aujourd’hui pas satisfaisante à mes yeux. Il y a une mutation qui se fera vers la liquéfaction », pronostique-t-il.

Son méthaniseur ingère jusqu’à 13 000 tonnes d’effluents par an. « Des solutions locales, c’est l’avenir. Il y a parfois jusqu’à 15 jours avant le transfert vers le méthaniseur des matières, qui perdent alors 50 % de leur pouvoir méthanogène, analyse-t-il. Au niveau financier, cela consolide une exploitation. Et aussi, avantage non négligeable de nos jours, le digestat de méthaniseur n’a pas d’odeur à l’épandage ! »

La commercialisation est prévue par Sublime Énergie pour la fin d’année 2026.