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Flambée des cours du cacao

Pour les filières bio et équitable, envol des prix du cacao à double tranchant


AFP le 25/06/2024 à 12:11

L'envolée des prix des fèves permet une meilleure rémunération des planteurs de cacao, un des objectifs majeurs des coopératives bio et équitable, mais elle met aussi en danger leur fonctionnement à court terme.

Si un intermédiaire « s’arrête au bout du champ et propose au producteur de prendre ses sacs de cacao tout de suite, en cash, au-dessus des prix de la coopérative, cela crée des effets d’aubaine qui déstabilisent la construction de long terme », déplore Blaise Desbordes, directeur de l’ONG du commerce équitable Max Havelaar France.

Les organisations qui s’engagent à améliorer les conditions de vie des producteurs à respecter les conditions de l’agriculture biologique versent habituellement une prime à leurs producteurs, de quelques dizaines à plusieurs centaines de dollars en fonction de leurs exigences. Elles paient aussi des techniciens pour assurer la traçabilité, la qualité de la production bio, etc. Leurs produits sont donc habituellement vendus plus cher que le cacao conventionnel.

Mais avec la récente flambée des cours sur le marché mondial, ces coopératives n’ont pas forcément assez d’argent à disposition pour acheter les fèves au prix fort et attendre plusieurs semaines avant de pouvoir les commercialiser, le temps de la fermentation, du conditionnement, de la documentation à remplir pour assurer la traçabilité et des tests dans des laboratoires accrédités pour la production bio.

Il est aussi plus difficile de répercuter auprès de leurs clients le surcoût habituel de leur travail. Résultat : elles collectent moins de cacao, ne pourront parfois pas honorer leurs contrats, et leurs marges diminuent.

Retour au marché conventionnel

Certaines coopératives « sont en stand-by en attendant que les prix rebaissent », affirme Christophe Eberhart, codirecteur d’Ethiquable, une entreprise française spécialisée dans la vente de produits biologiques issus du commerce équitable. D’autres « se retrouvent à vendre sur le marché conventionnel », où les exigences sont moindres et le temps plus réduit entre l’achat des fèves aux producteurs et la revente aux chocolatiers, ajoute-t-il.

C’est ce qui arrive à la Conacado, une grosse coopérative de cacao équitable et bio en République dominicaine, selon son responsable commercial Abel Fernandez. Même si elle a noué des relations de longue date avec ses fournisseurs, elle est obligée de s’aligner sur le marché conventionnel : « les producteurs nous envoient eux-mêmes une capture d’écran des prix sur le marché boursier », explique-t-il.

Il se réjouit de l’amélioration, au moins temporaire, du revenu pour les planteurs mais « les extrêmes ne sont bons pour aucun acteur, ni pour la stabilité du marché ». Puisque le cacao conventionnel rémunère correctement actuellement, des producteurs pourraient être tentés d’abandonner les pratiques de l’agriculture bio, plus contraignantes et plus coûteuses, craint Christophe Eberhart.

Tomas Landazuri, qui importe en France du cacao bio et équitable d’Equateur via sa société Sol Alter, ne sait pas à quoi s’attendre pour la récolte à venir, qui débute normalement en juin. « Il est possible que la coopérative ne puisse pas fournir le cacao en quantités suffisantes, il va falloir peut-être batailler, comme pour le café il y a deux ans », dit-il.