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Du grain d’orge au single malt

En pleine Beauce, l’héritage céréalier de Faronville se distille avec passion


TNC le 05/07/2024 à 18:00
PaulineLeluc

Pauline Leluc vérifie la qualité du whisky Lagomorphe, qui vieillit en fûts de chêne pendant 3 à 5 ans. (© TNC)

Céréaliers dans l’âme et passionnés de spiriteux, Pauline et Paul-Henry Leluc élaborent du gin, de la vodka et du whisky à partir de leurs propres récoltes de pommes de terre et d’orge. Bien plus qu’une diversification, la distillation leur permet de mieux valoriser leur terroir beauceron. L’objectif du couple est à la hauteur de leur ambition et de leur perfectionnisme : faire de leurs spiritueux des références françaises auprès des plus fins connaisseurs.

Des cuves en inox, des centaines de fûts de chêne entreposés sous les poutres apparentes de la grange, un alambic trônant comme une œuvre d’art et dégageant ses agréables effluves d’alcool. Juste à côté, à l’entrée de la vaste cour carrée de la ferme, est aménagé un espace de dégustation et de vente. Faronville a tout du domaine viticole. Excepté les vignes. Et pour cause : le domaine, qui jouxte une petite église du XVIIe siècle, constitue l’essentiel du hameau homonyme situé au beau milieu de la plaine beauceronne.

 À sa tête, Paul-Henri Leluc est la cinquième génération à cultiver ce morceau de terroir beauceron. Après avoir repris l’exploitation céréalière de son grand-père il y a 15 ans, il est rejoint par son épouse Pauline pour l’aider à développer une production d’oignons en bottes et gérer des chambres d’hôtes. Car, dès son installation, le couple ne compte pas résumer Faronville à la production de blé, maïs, orge et colza.

Mais les Leluc sont lentement lassés par une gestion de la main-d’œuvre toujours plus complexe. Paul-Henri a surtout une autre idée en tête. Ou plutôt un rêve. Celui de conjuguer la vocation céréalière de la ferme et sa passion des spiritueux qu’il entretient depuis qu’il est étudiant. « Au point de multiplier les voyages en Écosse », se souvient Pauline, à qui Paul-Henri transmet son goût pour les bourbons, les single malts et autres whisky tourbés.

L’intégralité de la récolte d’orge de la ferme de Faronville est brassée sur place. (© Terre-net Média)

Le couple concrétise son projet en 2018 et investit dans tous les équipements nécessaires pour brasser, distiller et faire vieillir des eaux-de-vie. « Nous avons commencé par la production de vodka car personne ne valorisait la pomme de terre en distillation ». Et, parce que les apprentis distillateurs veulent avant tout valoriser leur terroir, le nom du breuvage est pour eux évident : Faronville. Le logo de la marque apposé sur chaque bouteille rappelle l’autre maître du domaine : le lièvre, qu’il n’est pas rare de voir galoper à travers champs.

Expliquer les étapes de production depuis les semis, une vraie force !

Cinq ans plus tard, les Leluc proposent une gamme de vodka et de gin à partir de leurs pommes de terre. Et depuis 2020, ils valorisent l’intégralité de l’orge cultivée sur la ferme pour produire du whisky. La marque qu’ils ont lancé spécifiquement – Lagomorphe – fait elle aussi référence aux lièvres du domaine.

Pièce maîtresse du domaine de Faronville, l’alambic a été fabriqué par l’un des plus grands spécialistes français. (© Terre-net Média)

Face aux visiteurs de passage, Pauline est intarissable sur leur projet, les techniques de production, et les choix avisés qu’ils ont fait. « L’alambic, c’est vraiment la pièce maîtresse. Nous l’avons commandé sur mesure au fabricant français le plus renommé. » Le couple a réussi à convaincre ce dernier, « non sans difficulté », de le construire selon les plans qu’ils ont eux-mêmes dessinés. « Des alambics comme celui-là, il n’y en a qu’une quinzaine en France. »

Pauline enchaîne au milieu des fûts de vieillissement, de 200 à 250 litres chacun. « Comme toutes les autres étapes de production, le choix des fûts est crucial pour apporter les notes gustatives de nos whiskys. » Au fond de la cave sont regroupées les fiches d’identité de chacun des tonneaux. Date de fabrication, origine, ce qu’il contient… tout y est minutieusement noté, jusqu’à la méthode de chauffe employée pour le fabriquer. « Ici, ce sont des fûts de chêne américain. Là-bas, au fond, c’est du chêne français, plus dense. Certains sont neufs, d’autres ont déjà servi en Écosse ou aux États-Unis. »

Chaque fût de whisky est minutieusement répertorié. Certains sont neuf, d’autres ont déjà vieilli du bourbon américain ou du single malt écossais. (© Terre-net Média)

« Hormis le maltage de nos grains, seule étape que nous sous-traitons, tout est fait à la ferme, du semis des orges jusqu’au vieillissement des whisky. » Pouvoir parler de la qualité des terres de la ferme, de l’itinéraire technique de l’orge brassicole et des variétés choisies, c’est ce qui fait leur différence par rapport à la centaine de marques françaises de whisky déjà sur le marché.

Du haut-de-gamme pour cotoyer les étoiles

Autre atout de différenciation : la quête de produits haut-de-gamme appréciés des plus fins connaisseurs. Les bouteilles Faronville et Lagomorphe sont proposées dans des restaurants gastronomiques, des hôtels haut-de-gamme, et chez près de 400 cavistes indépendants et épiceries fines. En termes de développement, le couple préfère « y aller doucement, sans brûler les étapes ». « Nous ne sommes pas devenus de simples commerciaux pour vendre des spiritueux, on reste d’abord des agriculteurs », insiste-t-elle. « Et gérer le temps long, on a l’habitude ».

À l’instar d’un sportif de haut-niveau en quête de l’or olympique, le domaine de Faronville a son graal à lui : placer ses whisky Lagomorphe dans les 15 meilleures références françaises. En attendant, Pauline a déjà cotoyé les étoiles : celles des plus grands chefs cuisiniers rassemblés le 18 mars dernier à Tours pour la cérémonie du guide Michelin. « Nous étions les seuls invités pour faire déguster nos produits. Une épreuve qualificative réussie, en quelque sorte, pour s’assurer une place dans l’élite.