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Quelle sera la ferme résiliente de 2030 ? Des éleveurs européens répondent


TNC le 17/07/2024 à 05:04
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Parmi les points communs entre les exploitations résilientes de divers pays européens figurent l'ouverture d'esprit et la capacité de remise en question de l'éleveur. (© TNC)

Les éleveurs laitiers européens, confrontés à divers enjeux selon leur région, voient l’avenir à travers des prismes différents. Le projet Resilience4Dairy, qui rassemble 121 fermes pilotes issues de 15 pays, propose des pistes pour aller vers des systèmes plus durables, économiquement rentables, avec une charge de travail maîtrisée à horizon 2030.

Prenez des éleveurs laitiers européens et demandez-leur leur vision de la résilience. Interrogez un Flamand et il vous parlera de rentabilité. Débattez avec un Néerlandais, vous discuterez productivité. Temps de travail avec un Français, agrandissement avec un Hongrois, achat de fourrage en Espagne, pâturage en Irlande… À chaque pays ses spécificités, et sa diversité de systèmes. Telle est la richesse du projet européen Resilience4Dairy, qui a réuni 15 pays pour identifier les clés de la résilience en élevage laitier.

La résilience, c’est d’abord un état d’esprit

À l’aube du projet, les participants ont identifié quelques pistes ! Face à la multiplicité des modèles agricoles, il ne peut y avoir une voie unique vers la résilience. Parmi elles figurent : « l’état d’esprit de l’éleveur », insiste Valérie Brocard, coordinatrice du projet. Et si la résilience était une question de posture ? « Flexible », « ouvert d’esprit », « avec des objectifs clairs » ou encore la « maîtrise des données économiques » font parties des qualificatifs énoncés. Autant de qualités qui permettent de s’adapter et faire face aux aléas. En bref, en finir avec le « on a toujours fait comme ça ».

L’objectif : avoir des exploitations rentables, avec une charge de travail acceptable, tout en respectant l’environnement. Mais également un système flexible, avec des risques identifiés et mesurés pour s’adapter facilement.

Prendre en compte les attentes sociétales

Mais tout cela peut sembler un peu conceptuel. Pour y répondre concrètement, les éleveurs européens ont été interrogés afin d’identifier les principaux challenges des années à venir. À l’exception de l’Europe de l’Est, friande d’informations techniques du fait de l’agrandissement constant des structures, la plupart des éleveurs recherchent plutôt un accompagnement technico-économique, voire sociétal. L’enjeu : s’adapter aux nouvelles réglementations, et surtout redorer l’image d’une agriculture parfois entachée.

Lors du séminaire final du projet, nombreux sont les éleveurs à déplorer le manque de dialogue et de compréhension entre consommateurs et agriculteurs. Et le constat est partagé partout en Europe. 

En 2022, pour 13 % des éleveurs européens du projet, le premier challenge était de « répondre aux attentes sociétales et à la nouvelle réglementation sur le bien-être animal ». Sur la seconde marche du podium venait l’adaptation à la volatilité des marchés (11,7 %), suivi de près par l’adaptation au changement climatique, ainsi qu’aux nouvelles normes environnementales. Enfin, pour 8,5 % des éleveurs, le recrutement de main-d’œuvre était en tête de leurs préoccupations.

Pour y répondre, 18 organisations issues de 15 pays participant ont planché sur la question. Le résultat ? Une grande diversité de fiches d’information, inspirées des pratiques les plus innovantes de chaque pays. Bilan travail, production d’électricité, bilan carbone, travail sur l’attractivité des métiers… Autant de réflexion disponible sur le site www.resilience4dairy.eu qui centralise les livrables : de quoi construire la ferme laitière résiliente de 2030.

Quel modèle espérer d’ici 5 ans ? Pour les éleveurs présents à la restitution, le deal sera réussi « si nous parvenons à embarquer nos concitoyens pour co-construire un modèle agricole qui nous convient », lancent les Néerlandais. Irlandais, Flamands, Allemands… la question de la compréhension entre gens des villes et gens des champs est sur toutes les bouches. Reste à savoir comment l’atteindre. « Communication dans les écoles », « vulgarisation pour les citoyens », « rencontre avec les consommateurs » font partie des souhaits des éleveurs.

La fracture entre agriculteurs et consommateurs relève-t-elle d’un problème de communication, ou de pratiques agricoles ? Un Wallon note la nécessité de construire des systèmes durables, respectueux de l’environnement. Côté Français, l’accent est mis sur le renouvellement des générations. « Je serai heureux si j’arrive à transmettre ma ferme », lance un éleveur en fin de carrière. « Pour donner le goût de l’élevage, il faut des systèmes rentables, avec un équilibre entre vie pro et perso acceptable », ajoute un autre. Et si la ferme résiliente était aussi celle qui donne envie, aux repreneurs comme aux consommateurs ?

Sans oublier l’aspect économique, qui conclura la rencontre. « Quel que soit le système, il faut des prix en face pour le soutenir. La rentabilité des systèmes, c’est aussi ce qui donne envie, et oriente les pratiques ».