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Lait : besoin d’éleveuses/salariées pour produire 24 Mds de litres


TNC le 17/07/2024 à 08:38
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Un métier passion, un investissement sur le long terme. (© Parilov, Adobe Stock)

Pyramide des âges vieillissante et vague de départs : impossible de garder un même niveau de production laitière en France, sans faciliter l’accès au métier aux éleveuses et salariées, pointe Marie-Andrée Luherne, vice-présidente de la FNPL et présidente déléguée du Cniel depuis peu. Pour l'exploitation, et plus largement, « la mixité est toujours gagnante ». Elle le prouve au sein du Gaec, où elle est associée avec son mari et ses trois fils, et sa fille salariée. Ici, le lait étant la première ressource de la ferme, tout le monde « passe à la traite ».

Pour renouveler les générations en élevage bovin laitier, et « garder le cap des 24 milliards de litres de lait produits en France », il faudra des éleveuses et des salariées agricoles, en plus de la relève masculine et féminine actuelle.

« Il ne devrait pas y avoir de frein…

Si la « place des femmes en production laitière est naturelle – il y en a toujours eu aux côtés des éleveurs, historiquement pour la traite et les soins aux veaux » mais bien d’autres choses en réalité, et de plus en plus, rappelle Marie-Andrée Luherne – des freins subsistent à l’accès au métier d’agricultrice : professionnels (liés principalement au foncier, auxquels s’ajoute parfois la réticence des propriétaires, aux prêts, aux investissements), privés (manque de soutien de l’entourage, volonté d’avoir du temps pour les enfants…) et aussi psychologiques, elles-mêmes se mettant des barrières.

… tant les femmes s’investissent »

« Il faut les identifier pour pouvoir les lever collectivement, exhorte la vice-présidente en charge de ce sujet à la FNPL. Même s’il ne devrait pas y en avoir, tant l’élevage est une passion, qui prend du temps, un investissement sur le long terme, au niveau des animaux et de leur descendance notamment, qui doit être choisi, pas subi ». « Nous devons faire en sorte que toutes celles, qui en ont envie, puissent exercer cette profession. Aucune ne doit se dire que c’est impossible. »

Très bien formées mais pas dans l’agricole

Marie-Andrée Luherne évoque une autre difficulté : beaucoup d’éleveuses (ou salariées) sont très bien formées, mais dans d’autres secteurs que l’agriculture. « Il faut adapter la formation pour devenir agricultrice avec des passerelles, des modules spécifiques, techniques, de compta gestion, etc., mais aussi le parcours d’installation agricole », estime-t-elle car « la mixité, on est toujours gagnante », sur les exploitations et au-delà, source de « complémentarité, de diversité d’approches et d’enrichissement mutuel ».

Des collectifs mixtes plus efficaces

« Les femmes n’apportent que du plus. Les prises de décision et le collectif de travail dans son ensemble n’en sont que plus efficaces », appuie la responsable professionnelle, qui incite à « communiquer positivement », à partir de « modèles inspirants d’éleveuses ayant réussi – il y en a plein – même si chaque situation, contexte, est différent ». Il faut, certes, dénoncer les choses qui ne vont pas, mais également montrer que « notre métier est beau, et qu’on peut y trouver du sens et s’y épanouir ».

Engagées dans la ferme et en dehors

Agricultrice impliquée dans diverses OPA (présidente de la FDSEA du Morbihan et du Cirbeef, secrétaire générale de la chambre d’agriculture, et présidente déléguée du Cniel depuis peu), Marie-Andrée sait de quoi elle parle en matière d’engagement. Elle est aussi à la tête d’une exploitation de 210 ha et 135 vaches, produisant 1,365 Ml de lait. Un Gaec très familial puisqu’il rassemble son mari, ses trois fils, et sa fille salariée. Contrairement à la Bretagne, confrontée toujours plus au défi de la main-d’œuvre en bovins lait, celle-ci n’est pas ici limitante.

Traire : une astreinte, pas une contrainte

Même si les producteurs sont obligés de traire à deux, parce que la salle de traite par l’arrière, allongée de 2×8 à 2×13 postes, ne dispose que d’une sortie par quai. Mais modifier le système et/ou bâtiment aurait représenté un coût trop important. « On tourne par équipe de trois, avec un qui s’occupe des veaux », indique l’exploitante. Tout le monde trait, même ceux qui sont plus spécialisés en cultures !

Et cette tâche ne rebute personne. « Le lait est notre principale ressource et l’aboutissement de tout notre travail sur la ferme », justifie la productrice. C’est, en outre, un moment d’échange entre associés. « Une astreinte mais pas une contrainte » donc, à laquelle on peut se soustraire si besoin.

Le témoignage vidéo de Marie-Andrée Luherne, diffusé sur la chaîne youtube de la FNPL suite à la journée laitière de la FDSEA 56 en juin :

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S’installer avec des projets ambitieux

Cet événement, organisé au Gaec Tremelin à Camors, a mis à l’honneur une autre éleveuse, toute jeune et installée depuis peu. En février dernier, à seulement 22 ans, Océane Cadoret a rejoint l’élevage familial (140 et 90 VL sur deux sites ; 330 ha), avec un beau projet : mettre en place un atelier de transformation laitière avec vente directe. Un outil de travail de 220 m2, moderne, fonctionnel, « avec de la place pour travailler », qui la « satisfait » pleinement et qui a coûté 500 000 € malgré la réutilisation d’une charpente et d’une toiture.

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Bottes et charlotte enfilées, mains lavées : la jeune éleveuse nous fait découvrir les différentes parties qui le composent : celle dédiée à la fabrication de fromages, où elle a transformé le matin 300 l de lait en 30 kg de tomme nature (il y en a aussi à l’andouille de Guéméné !), avec la cave d’affinage où ils passent un à deux mois ; le local de transformation de produits frais, équipé d’une cuve de 300 l pour pasteuriser le lait, qui arrive de la traite du matin directement au-dessus, d’une conditionneuse à yaourts… ; le stockage des emballages, étiquettes, produits secs, etc. ; la chambre froide pour les produits finis ; le quai d’expédition…

Développement raisonné

Objectif : transformer 50 000 l la première année en yaourts et riz au lait (pasteurisés), beurre, crème et fromages (au lait cru) – sont aussi vendus des bouteilles de lait et du fromage blanc depuis la saison des fraises – ; puis augmenter de 50 000 l par an, pour atteindre progressivement 300 000 l. En plus de leur magasin en centre bourg, des livraisons sont effectuées dans les fromageries, crémeries, collectivités.

Le lait est ainsi valorisé à un peu plus de 1,20 €/l. Vu les sommes investies, « il faudra deux à trois ans pour être rentable », précise la jeune femme. Le développement progressif de l’activité apporte une certaine sécurité. Quel « bonheur et fierté » pour elle de « voir l’évolution de ce qu’elle produit de la terre, à la vache, dans le laboratoire de transformation, jusqu’au consommateur, et d’avoir leurs retours directs, essentiellement positifs ».