La période de floraison est « cruciale sur le marché du maïs »
TNC le 18/07/2024 à 04:44
Importance des périodes de semis et de floraison, impact de La Niña et El Niño, poids croissant du changement climatique : Nicolas Pinchon, expert des marchés agricoles, revient sur le « weather market » du maïs. Autrement dit, l’impact des conditions climatiques sur l’évolution des prix de la céréale.
Terre-net : Quelles périodes du cycle cultural du maïs sont les plus susceptibles de faire grimper ou baisser les prix ?
Nicolas Pinchon : Il y a en effet des périodes cruciales sur le marché du maïs, comme sur les autres cultures. J’en citerais deux. La période majeure est la période de floraison, qui se situe par exemple aux États-Unis au mois d’août, où il faut absolument avoir des pluies régulières pour augmenter les chances de fécondité des cultures et donc le rendement potentiel. La période de semis est aussi très importante et très scrutée par l’ensemble des opérateurs, sur la capacité à semer rapidement. C’est vrai dans toutes les régions du monde. On peut prendre l’exemple de l’Europe, qui a eu énormément de difficultés à semer son maïs en 2024, sous des conditions très pluvieuses.
Récemment, des événements climatiques ont-ils fortement perturbé le marché du maïs ?
À l’échelle mondiale, on a eu des événements climatiques comme El Niño, qui a handicapé la récolte brésilienne de plusieurs millions de tonnes. Le Brésil est devenu le premier exportateur mondial de maïs : on a donc perdu un peu de volume disponible, mais compensé par les États-Unis. Quand on regarde à plus long terme, on a aussi La Niña en face, qui peut impacter la récolte argentine. Et puis en Europe, ce sont les étés de plus en plus chauds qui pénalisent le potentiel des récoltes.
Justement, le poids du changement climatique va-t-il s’amplifier dans l’évolution des prix du maïs ?
Le réchauffement climatique va forcément avoir un impact sur le maïs. C’est une culture qui a besoin de beaucoup d’eau : des périodes prolongées sans eau lui sont forcément préjudiciables. C’est un peu ça, le réchauffement climatique : des températures qui, certes, augmentent un peu mais auxquelles la plante est capable de s’adapter, mais surtout des périodes de plus en plus longues de sécheresses à répétition ou au contraire de pluies à répétition. Et ce qu’on aime bien dans le monde agricole, c’est un climat qui change : passer du soleil à la pluie en permanence, c’est beaucoup plus sain que ces grandes périodes de sec ou de pluies qu’on observe à répétition depuis des années.
Il y en France des velléités politiques pour restreindre l’usage de l’eau et peut-être réduire la production de maïs pour la remplacer par d’autres cultures. Cela peut-il influencer le marché en France ou en Europe ?
On observe en effet depuis quelques années une production de maïs qui a tendance à diminuer, un phénomène lié éventuellement à un climat de plus en plus sec, avec des possibilités d’arroser qui sont assez réduites à l’échelle de la France. C’est ce qui, à l’échelle européenne, nous rend de plus en plus dépendants des importations et notamment des sources ukrainiennes.
Au-delà du weather market, quels sont les éléments qui « drivent » le marché du maïs ?
Il faut d’abord constater qu’il y a deux marchés du maïs mondial. Il y a d’un côté un maïs européen, ukrainien, qui est non-OGM. Et de l’autre, un marché du maïs mondial : on parle des grands pays exportateurs comme les États-Unis, le Brésil, l’Argentine, qui produisent du maïs OGM principalement pour l’alimentation animale, à destination de la Chine, et aussi de plus en plus pour la production d’éthanol aux États-Unis.
Dans ce contexte, on parle en France et en Europe d’un marché plutôt fermé sur lui-même avec le marché ukrainien comme source d’importations de maïs, donc le principal « driver » sera la quantité de maïs disponible sur le marché ukrainien, et puis la quantité d’orge et de blé fourragers éventuellement disponible. Sur le marché US et plus mondial, ça va clairement être la dynamique de consommation de la Chine et aussi, en face, la dynamique de consommation d’éthanol.