Accéder au contenu principal

Ce concessionnaire a vendu la première machine Claas en France il y a 100 ans


TNC le 18/07/2024 à 17:57
6_siEge_social_Neuville

Siège social de Dousset Matelin et de Serco France, à Neuville-de-Poitou. (© Dousset Matelin)

Une lieuse à paille est à l’origine du partenariat, qui dure toujours, entre l’entreprise Dousset Matelin, installée dans la Vienne, et le constructeur allemand. Une saga familiale teintée d’amour et d’amitié.

C’est une histoire sinueuse comme le temps, qui démarre dans l’esprit aventureux d’un maréchal-ferrant avant de plonger dans l’enfer des camps de concentration pour mieux refleurir jusqu’à aujourd’hui. Dousset Matelin, concessionnaire emblématique implanté dans la Vienne et l’Indre-et-Loire, fête cette année les 100 ans de son partenariat avec Claas, dont ils ont vendu la première machine en France, « une lieuse révolutionnaire pour nouer la paille à la sortie de la batteuse ».

Tout commence avec Georges Dousset, le fameux maréchal-ferrant en question qui, à l’été 1924, s’en va de son petit village de Neuville-de-Poitou vers Strasbourg, où se déroule une grande foire agricole. Un périple d’Ouest en Est à travers l’Hexagone, pas simple aujourd’hui, encore plus compliqué à l’époque. « Il bricolait du matériel pour les fermiers. Il avait envie de voir ce qu’il se faisait ailleurs », raconte son arrière-petit-fils, Benjamin Dousset.

En Alsace, Georges rencontre August Claas, l’un des quatre frères qui ont fondé, en 1913, le géant du machinisme que l’on connaît aujourd’hui. L’ingénieux maréchal-ferrant saisit vite le potentiel de la lieuse du constructeur allemand. Il en achète une, avec l’espoir de la revendre sur ses terres poitevines. C’est un succès. Le lien entre les deux familles est né. La Seconde guerre mondiale et ses horreurs ne le dénoueront pas. Il s’en sera pourtant fallu de peu.

De gauche à droite sur la photo de gauche, Robert Matelin (2e) et Jean Dousset (5e), et Georges Dousset sur la photo de droite, dans les années 50. (© Dousset Matelin)

« Faire la différence entre les Allemands et les fous »

En 1943, Jean, le fils de Georges, est arrêté, après avoir été dénoncé par un habitant de son village. Son tort : résister à l’envahisseur nazi. Le jeune homme est jeté au cachot à Poitiers. Il fait partie d’un groupe de 10 prisonniers promis au poteau d’exécution. Jean et un autre camarade ne sont finalement pas fusillés – « Il n’a jamais su pourquoi », témoigne l’arrière-petit-fils – et sont déportés au camp de concentration de Buchenwald.

C’est là que le nom de Matelin, aujourd’hui toujours accroché à celui de Dousset sur le fronton des concessions, entre en scène. Jean rencontre Robert Matelin, un gars de Paris, ingénieur chemin de fer. Ensemble, ils font face pendant presque deux ans aux privations, à la maladie, aux coups, à la mort. En 1945, ils profitent de la débâcle des nazis pour s’échapper, à la faveur d’un transfert vers un autre camp.

De retour en France, l’amour s’en mêle : Robert devient le beau-frère de Jean. Ils s’associent aussi en affaires et créent en 1951 les établissements Dousset Matelin, concessionnaires Renault et Claas, une coopération peu évidente après-guerre. « Mon grand-père n’avait pas trop de rancune. Il faisait la différence entre les Allemands et les fous. Dans les pires atrocités, la vie continue », raconte Benjamin.

Flotte d’estafette de dépannage de l’entreprise Dousset Matelin, dans les années 70. (© Dousset Matelin)

La lieuse de 1924 existe toujours !

Jean avait hérité de l’esprit pionnier de son père. Avec Robert, en 1970, ils installent une antenne sur le toit de l’entreprise pour communiquer via CB avec ses estafettes de dépannage. Il lance même un temps… l’hélico-dépannage. « C’était à la fois du marketing et une performance au service des clients. Comme Robert, mon grand-père était passionné par le progrès. On a aussi eu l’un des tous premiers ordinateurs, il prenait 10 m² ! », sourit l’arrière-petit-fils. Et là encore, Cupidon vise juste : le pilote de l’hélicoptère s’est marié avec la fille de Jean.

Aujourd’hui, Dousset Matelin compte 7 sites et 90 collaborateurs. La société fait partie de Serco France, regroupant des entreprises de services et de distribution spécialisées dans l’agriculture, qui emploie 300 personnes sur 18 sites en Nouvelle-Aquitaine et Centre-Val de Loire. Le Groupe Serco, qui appartient à la société coopérative agricole suisse Fenaco, est aussi l’importateur exclusif de la marque Claas pour la Suisse et le Liechtenstein. Il emploie quelque 500 collaboratrices et collaborateurs sur un total de 30 sites en Suisse et en France. L’histoire reste bien familiale : Benjamin Dousset, cité depuis le début de l’article, en est le directeur marketing et gestion digitale.

La lieuse légendaire de 1924, elle, existe toujours, rénovée comme il se doit. Helmut Claas, ingénieur emblématique, père de modèles mythiques comme la moissonneuse-batteuse Lexion et l’ensileuse Jaguar, la voulait pour le musée de la marque. Jean, sentimental, l’a gardée. Ses enfants, Michel et Alain, Jean-Pierre Matelin, en compagnie de Jean-Paul Metais, ont offert à la place une miniature fabriquée à la main par deux modélistes de la région, Paul Métais et Bernard Prévost. Le modèle réduit fonctionne : « il fait de tout petits fagots ! »

Pour fêter ce partenariat centenaire, Dousset Matelin annonce une journée portes-ouvertes le 13 septembre prochain sur son site de Neuville-de-Poitou, avec la présentation en France de « plusieurs nouveautés mondiales ». Et pour faire vivre ce patrimoine, le concessionnaire lance un appel aux témoignages et photos d’époque (écrire à marketing@sercofrance.fr).