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Foncier : quel est le potentiel pâturable des fermes laitières françaises ?


TNC le 31/07/2024 à 05:18
Parcellaireelevagelaitier

Dans certaines régions, les fermes sont historiquement placées dans les bourgs. Une organisation du territoire qui réduit la surface accessible depuis le bloc salle de traite. (© TNC)

Pâturage, exploitation de l’herbe ou du maïs… Le foncier oriente les typologies d’exploitation. Mais dans certaines régions, des marges de manœuvre existent au profit du pâturage.

À partir du recensement agricole et des données Pac, l’Institut de l’élevage et l’Inrae sont parvenus à établir des cartes sur le parcellaire des éleveurs laitiers. Une manière de mettre en évidence le morcellement du foncier selon les régions, mais aussi le potentiel pâturable.

La plupart des vaches laitières ont au moins 30 ares accessibles

« À partir du bloc salle de traite, nous avons calculé un indicateur de potentiel pâturable exprimé en are par VL », explique Baptiste Girault, ingénieur géomaticien à l’Inrae. Résultat : la France semble avoir quelques marges de manœuvre pour développer le pâturage. Dans la plupart des bassins laitiers, il est possible d’avoir un minimum de 30 ares accessibles par vache laitière. « L’estimation maximise certainement la surface, car nous sommes partis sur l’idée que toute parcelle proche du bloc traite, et à moins de 12 m d’une autre, était accessible. Ça n’est pas forcément vrai, mais ça permet d’avoir un aperçu », tempère Baptiste.

Le Massif Central ainsi que les Alpes comptent parmi les zones les plus pâturées. (© Idele – Inrae)

Sur de nombreux points, la carte colle avec celle des surfaces réellement pâturées. Difficile de valoriser l’herbe sur pied dans le Nord, la Somme ou encore le Pas-de-Calais, avec des fermes principalement dans les bourgs, loin des îlots disponibles. Même constat en Alsace.

A contrario, la Mayenne et les régions environnantes misent peu sur l’herbe alors que le parcellaire pourrait s’y prêter. Les bons rendements en maïs expliquent peut-être cette stratégie.

Dans les Alpes, les zones accessibles autour de la salle de traite apparaissent faibles, pourtant, la montagne figure parmi les zones les plus pâturées de l’hexagone. « Il y a peut-être une petite faiblesse de modélisation, avec des structures qui utilisent des salles de traite mobiles, ou des infrastructures différentes l’hiver dans la vallée, et l’été en montagne », remarque le géomaticien.

Moins d’ares disponibles par vache depuis la salle de traite

Sur les dix dernières années, le nombre d’ares disponibles par vache laitière depuis la salle de traite est à la baisse. Le Sud-Ouest fait office d’exception. « On voit que les départements en déprise laitière laissent des marges de manœuvre pour aller chercher du foncier à proximité. Ailleurs, la fin des quotas a incité à produire plus de volumes, sans forcément plus de foncier autour du corps de ferme ».

La déprise laitière en Nouvelle Aquitaine, ainsi qu’en Auvergne Rhône Alpes favorise le développement de parcellaires accessibles depuis les fermes. (© Idele – Inrae)

La tendance est particulièrement marquée dans le Nord, la Marne et Seine-et-Marne, une partie du Centre-Val de Loire ainsi que la Mayenne et la Vendée où les vaches ont perdu entre 5 et 20 ares disponibles entre 2010 et 2020. Dans la Nièvre, la diminution de la surface accessible par vache dépasse les 20 ares.

De grandes différences entre polyculteurs et spécialisés lait

Les élevages spécialisés lait ont un parcellaire moins morcelé qu’en polyculture élevage. De manière générale, « l’effet céréales porte haut la distance entre les parcelles et la salle de traite », tranche Baptiste. Dans l’Aisne, un éleveur qui n’a que des vaches laitières a entre 40 et 50 % de son parcellaire autour du bloc salle de traite. Pour un éleveur laitier en polyculture, compter seulement 25 à 35 % du parcellaire accessible.

Les régions de grande culture marquent un éloignement plus important des parcelles à la salle de traite, en comparaison aux traditionnelles régions d’élevage. (© Idele – Inrae)

Mais alors, est-ce le parcellaire qui conditionne la typologie de l’exploitation, ou l’inverse ? Le foncier reste une entité peu modifiable, et dans certains cas, l’organisation du parcellaire permet presque de deviner la typologie de l’exploitation.

« Lorsqu’on a un parcellaire morcelé, avec des pâtures loin du corps de ferme, on observe assez facilement des petits ateliers d’engraissement en complément de l’atelier laitier », remarque Brendan Godoc, chargé d’étude systèmes fourrager à l’Idele. Et plus le parcellaire est groupé, plus il y a d’herbe dans la ration.  « Dans les 20 départements les plus laitiers, lorsque le parcellaire est groupé autour de la ferme, la part de maïs dans la SFP diminue ». Même constat concernant le pâturage. « On a beaucoup d’éleveurs en agriculture biologique en Loire-Atlantique, mais c’est aussi une région qui affiche des parcellaires assez groupés ». A contrario, les robots de traite sont surtout installés sur des structures avec de gros troupeaux et des parcellaires morcelés.

L’éloignement des parcelles pèse sur le coût de production

Bref, le parcellaire conditionne l’orientation des exploitations, mais l’éleveur a tout intérêt à grouper ses parcelles. Et ce n’est pas qu’une question de pâturage. « On voit clairement que plus les parcelles sont accessibles, moins le lait coûte cher à produire », tranche Brendan.

Compter 18 € de carburant aux 1000 l pour les éleveurs ayant 71 % du parcellaire potentiellement accessible au pâturage, contre 25 € pour ceux ayant moins de 3 % autour de la ferme. Même constat pour le coût alimentaire, autour de 257 €/1000 l pour les éleveurs au parcellaire groupé, contre 285 €/1000 l pour le second groupe.