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Aline Catoir, élue de Cuma : « Pas passionnée de machines mais… »


TNC le 02/08/2024 à 05:22
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(© TNC)

« Sans avoir de connaissances pointues ni de passion particulière pour le machinisme, les femmes peuvent apporter leur pierre à l’édifice en termes d’organisation et de communication », estime Aline Catoir, éleveuse de vaches laitières en Seine-Maritime, vice-présidente de sa Cuma. La seule administratrice depuis 60 ans qu’elle existe ! Lors de son installation hors cadre familial en 2010, le cédant recherchait à la fois des repreneurs pour sa ferme et son engagement au sein de la coopérative de matériel.

« Ma qualité première n’est pas la connaissance des machines agricoles, le machinisme et la mécanique ne sont pas une passion, mais je m’investis dans l’organisation et la communication, lance Aline Catoir, éleveuse de vaches laitières à Conteville en Seine-Maritime (retrouvez plus bas la présentation de l’exploitation). Je ne me sers pas personnellement du matériel de la Cuma (cf. plus loin celui utilisé par l’exploitation et la répartition des tâches entre les associés de l’EARL). Il m’est donc plus difficile d’avoir un avis technique. »

Depuis un an, elle est vice-présidente de la Cuma des Hauts Plateaux à Ronchois, à 5 km. La première administratrice en 60 ans d’existence ! Une année où elle a pris ses marques : « savoir comment fonctionne la structure », en prenant d’abord en main l’administratif, la saisie de carnets d’utilisation de matériel chaque semestre et surtout la mise à jour du Duer (document unique d’évaluation des risques professionnels) en 2023, du capital social en 2024 suite à la révision du mode de calcul, la gestion des salariés (dont une rupture conventionnelle et un licenciement), et de la trésorerie aux côtés du trésorier, et des autres élus qui l’ont accompagnée sur l’ensemble de ces missions.

« Homme ou femme, la volonté de s’engager »

« Dans une Cuma de cette taille (voir les chiffres clés en fin d’article), il y a beaucoup à faire ! » Plutôt jeune, elle est dynamique et la présence de quelques anciens permet de s’appuyer sur leur expérience. Pour elle, « être une femme n’est ni un frein ni un avantage, c’est la volonté de s’engager et le temps passé » qui prévalent, pour les hommes aussi !

Elle a été bien accueillie par les administrateurs, les adhérents, les salariés. « Tous viennent me dire facilement ce qui va et ne va pas. » Depuis son arrivée justement, elle travaille pas mal sur l’organisation, l’animation (pour célébrer les 60 ans l’an dernier) et la communication.

« Que les membres puissent communiquer entre eux est essentiel. Nous avons créé un groupe WhatsApp au sein du conseil d’administration et du bureau. J’aimerais proposer des réunions par secteur d’activité pour que les utilisateurs de mêmes machines puissent échanger sur les machines, mais également sur le fonctionnement de la Cuma, les droits et devoirs lorsqu’on adhère… »

« Dans une Cuma de cette taille, il y a beaucoup à faire ! » (© Terre-net Média)

Un engagement « historique »

L’engagement au sein de la coopérative de matériel est « historique ». Le cédant, président, l’a transmis avec la ferme à Aline et son conjoint. « C’était aussi important pour lui que de trouver de jeunes repreneurs. » D’une part, le couple fait appel à la Cuma pour le travail du sol, la moisson, la récolte de l’herbe, l’ensilage de maïs et, en prestation complète, le pressage de paille et l’épandage de lisier.

En 15 ans, nous n’avons rien acheté neuf.

De même qu’à l’atelier pour les vidanges, la réparation de flexibles, les soudures… Pour épandre le fumier, il faut parfois un chargeur et deux bennes alors il a recours à un groupement d’employeurs. Il ne possède que le matériel quotidien d’élevage (pailleuse, bol mélangeur, un télescopique, deux tracteurs, un plateau à paille), plus un pulvérisateur, ainsi qu’un distributeur d’engrais et une bétaillère en copropriété.

« En 15 ans, nous n’avons rien acheté neuf. Nous avons aussi nettement allégé le coût de la reprise : en reprenant 10 500 € de capital social, nous avions accès à un grand nombre d’engins et outils. » D’autre part, avec un père, engagé dans une Cuma pas-de-calaisienne et à la fédération nationale, le mari d’Aline reprend le flambeau d’administrateur avant de le lui céder en juin 2023.

« Gérer plusieurs priorités »

L’agricultrice est, de plus, 3e vice-présidente de la chambre d’agriculture départementale depuis neuf ans, après avoir été secrétaire générale deux années de Jeunes Agriculteurs 76. Elle a en charge les dossiers territoriaux et en lien avec l’eau. « Un accès à l’information, une ouverture extérieure, un partage entre pairs et une représentation des agriculteurs » qui sont autant de manières de « valoriser les compétences » acquises lors de ses études d’ingénieur (UniLaSalle Beauvais).

Ainsi que « plusieurs priorités à gérer » avec son métier d’éleveuse et son rôle de maman. « Organiser l’agenda est parfois un casse-tête. Les enfants (10 et 13 ans) passent en premier, l’exploitation ensuite, puis les responsabilités agricoles. » À certaines périodes, celles-ci peuvent être assez prenantes. Se libérer le soir avec les contraintes familiales n’est pas toujours simple. Ponctuellement, la visio est une alternative intéressante pour économiser du temps de déplacement.

« Je m’interdis les postes régionaux, Caen étant à deux heures de route. Jusqu’à Rouen, j’ai une heure, ça pèse sur une journée avec la contrainte de la traite ! » Sachant que la productrice l’assure seule. « Pour être rentrée à temps, je pars à 16 h maximum. Et je ne réponds pas à toutes les sollicitations. » Un seul trayeur optimise une 2×6 et le suivi du lait (comme de l’alimentation par son époux) est plus facile qu’à deux ou en alternant, juge-t-elle.

« Créer des liens sur le territoire »

Elle s’occupe aussi des démarches administratives, des stocks, de l’intendance. Son époux de l’alimentation, du paillage, des champs. Un partage selon « les affinités et capacités physiques », « bien équilibré » avec 2 h d’astreinte chacun matin et soir, aux horaires pour l’éleveuse calés en fonction des enfants : 6h20-8h20/17h30-19h30 (nourrice pendant la traite quand ils étaient petits, volonté d’être présente ensuite au goûter, et de les emmener/chercher à l’école).

Partage des responsabilités aussi, son conjoint étant trésorier de l’OP Cap Lait de Danone. « À deux, on arrive à tout faire. » Habiter sur place facilite, en outre, le quotidien, estime-t-elle. Il y a deux ans, elle a mis en place la vente directe de lait cru, pour les habitants du village et des proches alentours. « À l’heure où le « consommer local » est encouragé, il était impossible d’en acheter directement aux producteurs, dans une commune qui compte pourtant plusieurs élevages laitiers ! »

Un « service » qui nécessite peu d’investissements en dehors d’un réfrigérateur, des bouteilles en verre, des étiquettes, et d’un petit abri pour les mettre à disposition des riverains, « souvent des gens qui passent devant en revenant du boulot », et pas beaucoup de temps non plus, grâce auquel « on noue des liens avec le territoire, on donne une image positive de l’agriculture ».

Pour se faire connaître, Aline a déposé des flyers dans les boîtes aux lettres et ouvert une page Facebook. Elle se réjouit de « l’engouement des voisins », mais n’envisage pas de vendre plus de 200 l/mois pour des questions de normes sanitaires – un dossier d’agrément à la DDPP (direction départementale de la protection des populations) et une analyse tous les trimestres suffisent – et de temps.

« J’y consacre, en moyenne, 15 min par jour : laver les bouteilles, les remplir pendant la traite, coller les étiquettes, nettoyer le local, réapprovisionner en fonction des besoins, compter les recettes, déposées « en toute confiance » dans une tirelire fermée à clé . » L’exploitante n’a jamais eu de mauvaise surprise.

La Cuma des Hauts Plateaux en quelques chiffres

  • 60 ans en 2023
  • Plus de 100 adhérents
  • 15 administrateurs
  • Bureau : 1 président, 2 vice-présidents, 1 trésorier, 1 secrétaire
  • 3 salariés (1 chef d’atelier impliqué dans les choix techniques et 2 chauffeurs),
    1 apprenti + 1 stagiaire
  • CA de 850 000 € sur l’exercice écoulé
  • Activités élevage au départ : ensilage de maïs et d’herbe, fauche, pressage, épandage de lisier et fumier (en projet un 2e bec pour l’ensilage d’herbe)
  • Puis s’est diversifiée : moisson, travail du sol, pressage de paille, un peu vers le lin et la pomme de terre
  • Certains chantiers en prestation complète (avec chauffeurs) : pressage de paille, semis de maïs, épandage de lisier
  • Les matériels à la disposition des adhérents : 2 andaineurs, 4 faucheuses, 3 presses à balles cubiques, 2 ensileuses, 4 épandeurs à fumier, 2 tonnes à lisier, 1 bétaillère, plusieurs déchaumeurs à dent et à disques, 1 herse rotative, 1 herse étrille, 2 herses à prairie, 1 herse à paille, 1 bineuse, 1 broyeur, 3 rouleaux, 2 combinés de préparation de sol, 1 charrue, 2 semoirs à maïs, 1 semoir à blé et 1 semoir à betteraves, 4 tracteurs plus 1 télescopique, 1 moissonneuse, 1 benne, 1 plateau, 2 retourneuses à lin, 1 station de tri de semences fermières, divers petits matériels.
  • Utilisation d’outils digitaux : mycuma, Karnott

L’exploitation en bref

Aline Catoir élève 60 vaches laitières et les mâles pour la production de bœufs. (© Terre-net Média)

Installation : en couple, hors cadre familial (2010)

Statut : EARL à 2 associés (50-50)

SAU : 120 ha (40 ha repris au moment de s’installer)

Assolement : 40 ha de céréales (10 ha de blé et 2 ha d’épeautre autoconsommés, livraison du reste à la coopérative Noriap) + 80 ha de SFP (22 ha de trèfle, 24 ha de maïs épi, 33 ha de prairies permanentes, 1 ha de miscanthus)

Cheptel : 60 VL Prim’holstein (100 % en IA), mâles élevés en bœufs.

Référence laitière : 610 000 l livrés à Danone (dont 180 000 l en tant que JA, 11 200 l de lait standard/VL, 33 de TP, 39 de TB)

Pâturage : tournant dynamique (15 mars au 15 novembre, 17 parcs, 10 ha accessibles autour du corps de ferme)

Salle de traite : 2×6

Stabulation : aire paillée

Alimentation : 1 distribution par jour à la mélangeuse.

Aménagements depuis l’installation : des silos à maïs, un bâtiment pour les élèves et les taries, agrandissement en cours du stockage des effluents et du bâtiment des élèves pour l’élevage des mâles en bœufs.