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Kay Oosterling : « Avec des terres à 100 000 €/ha, je vise le pâturage intensif »


TNC le 22/08/2024 à 05:01
KayOosterlingetIrisHuisman

Kay Oosterling et Iris Huisman pratiquent le pâturage en bandes (© TNC)

Jeunes installés en élevage laitier, Iris Huisman et Kay Oosterling ont misé sur un système pâturant. Une manière de limiter les frais de mécanisation sur leur structure. Mais avec seulement 35 ha pour 70 vaches laitières, l’exploitation de l’herbe est intensive. Pas question pour le couple de se priver d’intrants.

« Vu les prix des terres, on essaie de produire le plus possible à l’hectare », résume Kay Oosterling, éleveur laitier aux Pays-Bas. Dans sa région, les transactions avoisinent les 100 000 €/ha. Sur les meilleures terres du pays, certaines parcelles s’échangent à 140 000 €/ha. « Nous sommes dans une zone de production de tulipes. Ça contribue à faire monter les prix », souffle Kay, fraîchement installé avec sa compagne Iris.

Dans ce contexte, le couple veut tirer le meilleur profit possible de ses parcelles. Pour ce faire, il mise sur le pâturage intensif.

La pratique dénote en Hollande. Si on voit bien des vaches au bord des routes, rares sont celles à pâturer la majeure partie de la ration. Chez Kay et Iris, les vaches ne font pas que mettre les pieds dans l’herbe. L’agriculteur mise sur le « strip grazing », ou pâturage en bande. Après chaque traite, les vaches ont une nouvelle bande à se mettre sous la dent. La technique lui permet de pâturer 200 jours par an.

En plus du plaisir de voir les vaches dehors, le pâturage n’est pas sans intérêt économique. « Il y a deux voies pour s’en sortir en Hollande », décrypte Jelle Hakvoort, éleveur laitier néerlandais. « Avec le prix des terres, la plupart des éleveurs misent sur des systèmes intensifs, avec de gros investissements. Ils comptent sur le volume pour se tirer un revenu. D’autres font le choix du « low-cost » pour ne pas rajouter davantage de charges à un prix du foncier déjà très élevé ».

Des prairies à 16 t MS par an

Mais dans ce cas, « low-cost » ne signifie pas sans intrants. Le manque de surface reste un défi. Avec 70 vaches sur 35 ha, le pâturage n’a d’autre choix que d’être dynamique ! « Nous utilisons 9 ha en début de saison, avec un temps de retour d’une bonne semaine », explique l’éleveur. Lorsque la pousse de l’herbe ralentit, les vaches tournent sur 29 ha.

Pour tenir le rythme, la fertilisation est ajustée en conséquence. « On utilise tous les mois une centaine de kilos d’ammonitrate 27. Nous épandons tout ce que nous sommes autorisés à mettre sur les parcelles », résume l’agriculteur. « Vu le prix des terres, nous voulons aller chercher tout ce que le terrain est capable de produire. Même dans un système pâturant, on recherche le rendement à l’hectare ». Au total, les prairies produisent dans les 16 t de MS/ha à l’année.

Mais même avec toute cette herbe, impossible d’être autonome. En juin, les vaches disposaient d’un kilo d’ensilage à l’auge, et de 4 kg de concentré en complément. En début de printemps, comme à l’automne, 5 kg d’ensilage de maïs sont distribués en plus du pâturage. La ration permet d’atteindre une production laitière de 26 l par vache et par an.

Avec seulement 35 ha sur la ferme, nul autre choix que d’acheter de l’ensilage de maïs. Mais le potentiel des terres reste un atout. « Chaque année, je loue un paddock, soit plus ou moins 5 ha pour la culture des tulipes ». La location est plus rentable que l’auto-production de fourrage. « Les terres sont louées dans les 5 000 € l’hectare », explique Kay. Une petite somme qu’il destine à l’achat d’aliment pour son troupeau.

Autre avantage, le partenariat avec les producteurs de tulipes constitue un débouché pour les effluents : « c’est aussi un moyen d’écouler le lisier ».

Seul bémol : les tulipes abîment les sols. « Lorsqu’on laboure les sols, on perd dans les 2 % de matière organique. Après une année en tulipe, il faut compter 5 ans d’herbe avant d’en réimplanter, et le sol retrouve à peine son niveau de matière organique initial », regrette l’agriculteur.

Un prix du lait déconnecté du prix du foncier

Côté prix, le couple valorisait son lait autour de 48 centimes du litre en juin, toutes primes comprises. Ça n’est pas rien, mais cela semble dérisoire en comparaison à la valeur du foncier.

Les agriculteurs néerlandais bénéficient toutefois de modalités de portage du capital différentes. Le prêt In fine dissocie le remboursement des intérêts de celui du capital. Durant toute la durée du prêt, l’agriculteur rembourse uniquement les intérêts. En parallèle, il se constitue un capital pour rembourser l’emprunt à l’échéance. Mais même avec ce type d’emprunt, le prix de terres apparaît déconnecté de la rentabilité qu’elles offrent. Les exploitations se transmettent en famille. « En Hollande, on dit qu’il faut compter le nombre de frères et sœurs, avant d’épouser un agriculteur », ironise une Néerlandaise lors de la visite.