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Un marché mondial du blé « plutôt équilibré » malgré la catastrophe française


TNC le 30/08/2024 à 18:00
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Avec une offre à l’export a priori suffisante pour couvrir les besoins mondiaux à l’importation, difficile d’envisager une hausse significative des prix internationaux du blé tendre. (© Miha Creative, AdobeStock)

La France subit une chute historique de sa production de blé tendre dans un contexte de prix bas, ce qui va fragiliser économiquement les producteurs. Mais l’offre mondiale devrait subvenir à la demande, selon le cabinet Argus media France, et peu d’éléments plaident à court terme pour un rebond des cours.

« La filière céréalière française va vivre une année très difficile », prévient Gautier Le Molgat, PDG d’Argus media France (ex-Agritel) lors d’une conférence de presse consacrée au marché du blé tendre. Le cabinet de conseil estime à 25,17 Mt la production française cette année : 10 Mt de moins qu’en 2023 et le plus faible niveau depuis 1983.

En cause : la baisse conjuguée des surfaces (- 560 000 ha sur un an, à 4,24 Mha) et des rendements (- 20 % sur un an, à 59,3 q/ha), résume l’analyste Maxence Devillers.

Entre faible récolte et prix inférieurs aux coûts de production, tirés vers le bas par le marché mondial, les exploitations risquent de « retrouver des rentabilités économiques proches de celles de 2016 » : Argus media chiffre à 800 €/ha les pertes cumulées pour le blé tendre, l’orge fourragère et le colza cette année.

L’activité de toute la chaîne logistique risque de pâtir de cette mauvaise récolte, avec « moins de collecte et de transport », tandis que la qualité des blés est jugée globalement correcte mais très hétérogène, ce qui nécessitera un gros travail du grain dans les organismes stockeurs.

La filière à l’export vers les pays tiers risque elle aussi d’être sévèrement impactée, avec des pertes estimées à 1,4 milliard d’euros sur 2024/25.

Car Argus media s’attend à ce que le marché français (pour la meunerie, la fabrication d’aliments du bétail, etc.) et les exportations vers l’UE soient préservés. Les exportations françaises de blé tendre vers les pays tiers chuteraient en revanche de 60 % cette campagne, à 4,1 Mt, au plus bas depuis 2001/02

L’offre en blé tendre exportable se maintient à l’échelle mondiale

Au-delà de cet accident de production français, le marché mondial du blé tendre s’avère « plutôt équilibré » entre l’offre et la demande.

Du côté de l’offre, les disponibilités de l’UE à l’export devraient reculer de 11 %, avec des « pertes massives en Europe de l’ouest » compensées en partie par d’excellentes récoltes en Roumanie et en Bulgarie, et de bons niveaux en Espagne et en Italie.

La récolte est jugée « moyenne » en Russie et « correcte » en Ukraine ; la première devrait quasiment maintenir son niveau d’exports sur 2024/25 mais pas la seconde, car elle a désormais écoulé ses stocks accumulés au moment du blocage maritime de 2022.

Mais « de bonnes récoltes et de bonnes perspectives ailleurs dans le monde compensent les pertes de volumes » sur le continent européen, note Maxence Devillers : « les États-Unis et le Canada retrouvent des disponibilités confortables » et les moissons à venir en Argentine et en Australie sont prometteuses.

Si bien que les volumes cumulés de blé tendre disponibles à l’export chez les huit plus gros exportateurs mondiaux devraient se maintenir à 211 Mt sur 2024/25, contre 214 Mt la campagne passée.

Difficile d’envisager une hausse des prix

Face à ce repli de 3 Mt de l’offre exportable, Argus media prévoit que la demande mondiale à l’import reculera davantage, et sera donc honorée.

En particulier, les imports de trois clients habituels du blé russe devraient baisser de 5 Mt sur la campagne 2024/25 : le Pakistan, qui enregistre une bonne récolte, le Bangladesh, en raison de bonnes disponibilités et d’une demande en recul, et la Turquie, qui a instauré un « ban » à l’import jusqu’à la mi-octobre pour préserver ses producteurs de la chute des prix mondiaux.

Les pays du Maghreb, gros consommateurs de pain et touchés par des baisses de récolte à cause de la sécheresse, devraient à l’inverse voir leurs besoins à l’import grimper de 2,4 Mt sur un an, à un niveau record.

Avec une offre à l’export a priori suffisante pour couvrir les besoins mondiaux à l’importation, difficile d’envisager une hausse significative des prix internationaux du blé tendre, au plus bas depuis quatre ans. Toute nouvelle baisse de demande pourrait même encore les affaiblir, précise Argus media.

L’Inde, la Chine et le maïs pourraient changer la donne

En la matière, « il sera très important de surveiller ce que vont faire la Chine et l’Inde », deux acteurs majeurs du marché du blé, qui ne se sont pour l’instant pas manifestés aux achats et dont le niveau de demande sur la campagne reste incertain.

Le cabinet de conseil évalue à 11 Mt les importations chinoises sur 2024/25, un chiffre en baisse de 2,5 Mt par rapport au record de 2023/24 et qui pourrait encore fléchir « si la faible dynamique d’achat du pays constatée sur toutes les céréales ces derniers mois se poursuit ».

L’Inde devrait revenir aux importations pour la première fois depuis 2016, à hauteur de 3 Mt.

Autre élément qui jouera sur le marché du blé dans les semaines et les mois qui viennent : les cours du maïs. « Un regain de demande en maïs pourra occasionner un regain de fermeté sur le prix du blé ; une demande plus décevante fera pression », reprend Maxence Devillers.

Le marché du grain jaune reste pour l’heure « suspendu au verdict final de la récolte étasunienne » annoncée record, tandis que la sécheresse va entamer la production de la mer Noire, Ukraine en tête, et de l’UE.