Accéder au contenu principal

Après le dialogue stratégique, une future Pac vertueuse, ou dangereuse ?


TNC le 16/09/2024 à 17:05
AdobeStock_508237082

(© Adobe Stock)

Les conclusions du dialogue stratégique sur l’agriculture de l’Union européenne ont été rendues publiques début septembre. Le rapport propose notamment de réorienter les aides Pac, qui restent encore trop fondées sur le paiement à l’hectare, et de les conditionner davantage à des résultats environnementaux. Des modifications structurelles importantes qui auraient des conséquences immédiates, et inquiétantes, pour les agriculteurs français, estime le think tank Agriculture Stratégies.

Dévoilé le 4 septembre, le rapport sur l’agriculture, commandé par la Commission européenne en mai, propose d’engager une transition afin d’ajuster l’offre et la demande, via une révision du mode de distribution des aides de la Pac en les orientant vers les agriculteurs « qui en ont le plus besoin » et en mettant en place un fonds spécifique dédié à la transition écologique du secteur.

Si la nécessité d’un budget dédié à la transition et à la restauration de la nature, indépendant de la politique agricole commune, constitue plutôt un point positif pour l’agriculture, il y a malgré tout « de quoi s’inquiéter », estime Alessandra Kirsch, directrice générale du think tank Agriculture Stratégies, dans une note publiée le 11 septembre.

« Que le choix facile soit celui qui est sain et durable »

En partant du principe « qu’une répartition équitable des coûts liés à la transition doit être à la base de la réflexion, le rapport acte qu’il n’existe pas de façon objective et incontestée de trancher entre ces différents objectifs, et qu’il est nécessaire de hiérarchiser les priorités », rappelle Alessandra Kirsch. Il s’agit, globalement, de faire payer plus cher les produits les moins durables.

En parallèle, les importations qui ne respectent pas les nouvelles normes environnementales, plus exigeantes, ne doivent pas être autorisées sur le sol européen, et le commerce ne doit pas aller à l’encontre des mesures liées à la durabilité ou du bien-être animal, préconise le rapport.

La fin des soutiens découplés

Quant à la future Pac, il faudra donc en orienter les aides en priorité vers les petites exploitations et les exploitations mixtes, les jeunes agriculteurs, les nouveaux entrants et les agriculteurs installés dans les zones soumises à des contraintes naturelles. Ces aides seront complétées par des paiements pour services environnementaux, conditionnés aux résultats.

« Pour compenser la perte d’aides découplées ainsi préconisées, les agriculteurs n’auront d’autres choix que de mettre en œuvre des pratiques environnementales conditionnées à une obligation de résultat. Un objectif à l’origine poursuivi lors de la mise en place des éco-régimes, qui ont été critiqués parce qu’ils ont été rendus trop accessibles », explique Alessandra Kirsch.

Les transitions doivent permettre de rendre l’agriculture plus résiliente, avec une gestion du risque à l’échelle de la ferme, « tandis que les risques liés au marché seront gérés par des partenariats publics/privés (subventions, assurances, fonds de mutualisation). Un marché unique de l’assurance européen serait ainsi envisagé, pour une meilleure transparence et une meilleure accessibilité pour les agriculteurs », constate la directrice d’Agriculture Stratégies.

Une menace sur les revenus, et sur la souveraineté alimentaire

En privilégiant la protection de l’environnement à la production agricole, le positionnement du rapport « pose question à la fois sur le revenu agricole et sur la souveraineté alimentaire si le rééquilibrage souhaité entre offre et demande ne fonctionne pas et si la mise en place de clauses miroirs et de mesures autonomes (mesures miroirs) fonctionnelles échoue à protéger l’agriculture européenne », met en avant Alessandra Kirsch. Or, en l’état, les propositions issues du dialogue stratégique n’offrent aucune garantie ni sur la compétitivité de l’agriculture européenne ni sur sa protection vis-à-vis des pays tiers.

Sans compter que la réorientation des soutiens pourrait avoir des impacts très importants sur le revenu des agriculteurs, auquel les aides participent, en France, à 80 % et en Europe, à 60 % en moyenne. « Toute modification de la répartition de ces aides a donc des conséquences immédiates et majeures sur le revenu et la compétitivité des fermes », conclut Agriculture Stratégies.