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« Quand on perd 5 hectares de patates, on passe à l’automotrice »


TNC le 16/09/2024 à 18:00
PouchainOryx

L'arracheuse automotrice Oryx du constructeur Pouchain. (© TNC)

La récolte 2023 et ses conditions météorologiques dantesques ont accéléré la démocratisation des arracheuses automotrices en France, notent les principaux constructeurs du secteur. Si les versions traînées à deux rangs gardent la cote, les modèles à un rang se raréfient.

La dernière campagne de récolte des pommes de terre a laissé des traces à tous les niveaux. Dans les champs : il restait, en janvier 2024, 1 500 hectares de tubercules à récolter dans le nord de la France à cause des intempéries, avec les pertes qui vont avec. Dans les esprits : aucun exploitant ne souhaite revivre cette situation. Et sur le marché des machines : trouver une solution pour faire face aux conditions climatiques extrêmes, notamment les pluies diluviennes, devient une préoccupation majeure.

« Quand on perd 5 hectares de patates, une culture qui se vend en plus très bien aujourd’hui, on pense forcément à l’automotrice. Un tel manque à gagner, c’est un gouffre économique, ce n’est pas tenable. Beaucoup d’agriculteurs y passent », résume Olivier Lequebin, responsable du développement du marché français chez Dewulf, à l’occasion du salon PotatoEurope, qui vient de réunir 18 000 visiteurs lors de son édition 2024.

L’arracheuses automotrice Puma du constructeur AVR. (© Terre-net Média)

Le marché de l’occasion des automotrices est d’ailleurs en plein essor. « Ceux qui s’équipent aujourd’hui recherchent souvent des automotrices deux rangs de seconde main. Elles sont très cotées. Et ceux qui avaient déjà franchi le pas vers l’automotrice il y a quelques années passent désormais sur du quatre rangs en neuf », poursuit Olivier Lequebin.

Le même son de cloche résonne chez tous les principaux constructeurs de ce secteur resserré. Les principaux acteurs se comptent sur les doigts d’une main. Outre Dewulf, Grimme et AVR se partagent l’essentiel du gâteau en France. « Ce n’est pas le marché de la moissonneuse-batteuse », sourit Erwin Pjater, responsable produits chez Grimme. Une petite structure française comme Pouchain, et sa poignée de machines construites par an, y trouve ainsi sa place, avec son Oryx lancée en 2021.

L’arracheuse automotrice Enduro du constructeur Dewulf. (© Terre-net Média)

« Nous fabriquons des automoteurs pour les endives et la pomme de terre, pour laquelle la demande augmente à cause du manque de main-d’œuvre et du climat, mais aussi parce que les structures grossissent et doivent s’équiper de machines plus larges, avec un gros débit de chantier », estime Stéphane Raviart, le directeur de Pouchain.

Sur l’espace réservé aux démonstrations à PotatoEurope, les automotrices avaient la cote et drainaient un public nombreux. L’Oryx mais aussi la Ventor de Grimme, l’Enduro de Dewulf et la Puma d’AVR ont fait étalage de leur puissance. À côté, les arracheuses traînées à deux rangs n’ont pourtant pas dit leur dernier mot, loin de là. « Dans le nord de la France, la tendance c’est l’arracheuse automotrice et les machines combinées à trémie », synthétise Erwin Pjater. Un constat partagé chez AVR : « En France, on vend surtout la Puma ou la Spirit sur deux rangs ».

L’arracheuse automotrice Ventor du constructeur Grimme. (© Terre-net Média)

La Keiler 2 de Ropa, l’Airsep 290 et l’Evo 290 de Grimme, la Spirit 9200 d’AVR ou la R2060 de Dewulf incarnent donc une alternative aux automotrices, certes moins à l’aise dans les conditions extrêmes mais technologiquement à la pointe, moins impactante pour les sols et, ce n’est pas un détail, moins chère.

« Les exploitants cherchent à avoir plus de capacité de nettoyage et de triage sans avoir recours à de la main-d’œuvre. Avec notre Airsep 290, on transporte moins de déchets et plus de pommes de terre. Il y a une économie au niveau humain mais aussi en termes de logistique », explique Erwin Pjater. Avec des spécificités pour l’Hexagone : « la vidange en roulant est très populaire en France », ajoute Marie Charles, en charge du marketing chez Ropa.

Les arracheuses trainées à deux rangs, comme la Keiler de Ropa, gardent la cote. (© Terre-net Média)

Les arracheuses traînées un rang et les systèmes décomposés semblent en revanche en retrait. « Cela devient vraiment un marché de niche, par exemple pour les pommes de terre primeur ou alors de petites structures comme on en trouve en Bretagne ou en Alsace », confie Marie Charles. « Les arracheuses un rang se destinent à des marchés où la culture de la pomme de terre est moins intensive », ajoute Majna Seurinck, en charge du marketing chez AVR.

Dewulf fait même l’impasse sur ce secteur. « Nous ne voyons pas l’intérêt d’avoir une si grosse machine pour arracher un seul rang. C’est un marché sur lequel nous n’irons pas. En machines traînées, la tendance est nettement sur du deux rangs avec trémie », conclut Olivier Lequebin.