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Le retour du loup en Bretagne, une « menace sourde » pour les éleveurs


AFP le 25/09/2024 à 10:35

Réapparu en 2022 après un siècle d'absence, le loup semble déjà bien implanté en Bretagne, avec trois ou quatre individus repérés en deux ans. Ce qui ne va pas sans susciter quelques tensions dans cette région d'élevage.

Filmé pour la première fois en mai 2022 à Berrien (Finistère), dans les Monts d’Arrée, « le loup fait déjà partie de la faune bretonne, après cent ans d’absence », souligne Alain Jean, vétérinaire en retraite et membre du Groupe Loup Bretagne (GLB). « Car ce n’est pas juste un individu accidentel : c’est un petit flux d’animaux en dispersion qui ont trouvé en Bretagne des conditions de vie suffisantes pour la traverser ou pour s’y installer », note-t-il.

Collectif issu des associations Groupe Mammalogique Breton et Bretagne Vivante, le Groupe loup Bretagne a publié mardi une analyse de 28 séquences vidéo et 105 photos de loup, réalisées entre mai 2022 et août 2024, grâce à des pièges photographiques.

Sur ces images, les membres du GLB ont pu distinguer trois ou quatre loups différents à partir de leurs caractéristiques physiques, à l’image de ce qui se fait déjà pour d’autres espèces animales (phoques, lynx, cétacés, etc.) Ces prédateurs ont pu été filmés ou photographiés sur au moins 21 sites bretons, essentiellement dans les Monts d’Arrée, mais aussi près de la côte, ou à quelques kilomètres d’agglomérations comme Saint-Brieuc, Quimper ou Brest.

Un animal qui s’adapte facilement

« C’est un animal très plastique qui s’adapte facilement à tous les milieux », explique François de Beaulieu, ethnologue, auteur de « Le loup en Bretagne hier et aujourd’hui » (éditions Skol Vreizh, 2023).

La Bretagne accueillait environ 500 de ces grands prédateurs à la fin du XVIIIe siècle, selon lui. Le défrichage des landes, l’emploi du poison et les primes versées pour le tuer, ont provoqué la disparition de l’espèce au début du XXe siècle.

Le dernier loup abattu dans le massif armoricain l’aurait été en 1913 à Tréméven, dans les Côtes d’Armor. L’espèce a été considérée comme éradiquée au niveau national en 1937, avant qu’un couple de loups ne soit observé dans le parc du Mercantour (Alpes-Maritimes) en 1992.

Trente et un ans plus tard, la population de loups a été estimée à 1 003 individus dans l’Hexagone fin 2023, par l’Office français de la biodiversité (OFB).

En Bretagne, l’OFB, qui se base uniquement sur des analyses génétiques, a comptabilisé deux loups depuis 2022. L’un est mort écrasé sur une route du Morbihan en février 2024 et l’autre serait toujours établi dans les Monts d’Arrée.

Cet animal extrêmement mobile, déjà repéré près de Hambourg (Allemagne) et en Belgique, aurait parcouru quelque 1 300 km, avant de rejoindre le Finistère.

Vu la vitesse de dispersion de l’espèce, « il n’y a pas trop le choix, il faut apprendre à vivre avec », estime François de Beaulieu. « Ce qui compte, c’est la capacité des humains à s’adapter à sa présence ».

29 attaques imputables au loup

Une capacité qui a ses limites, selon Sébastien Abgrall, président de la Coordination rurale du Finistère, qui cite le cas d’un éleveur victime de « cinq prédations en quelques mois ».

« Ce n’est plus tenable ! Je sens la colère monter dans certains secteurs », affirme le syndicaliste agricole. « Si on élève des animaux, c’est pas pour ramasser leurs cadavres et toucher des indemnités après. » Depuis le début de l’année, la préfecture a répertorié 29 attaques imputables au loup dans le département.

« C’est une menace invisible, un peu sourde pour le moment », nuance Jean-Alain Divanac’h, président de la FDSEA du Finistère, qui demande une réactivité plus grande de l’administration pour éviter toute contestation en cas d’attaques de troupeaux.

Mais « les éleveurs du Finistère, pour la plupart d’entre eux, ne se lèvent pas le matin en pensant au loup », ajoute-t-il.

Les épizooties ou le chouca des tours, un oiseau se nourrissant de petits pois, de maïs ou de blé, font à l’heure actuelle plus de dégâts agricoles que le loup, pointe M. Divanac’h.