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De la Bolivie à l’Indonésie, la destruction des forêts se poursuit dans le monde


AFP le 08/10/2024 à 09:57

La destruction des forêts s'est poursuivie l'an dernier, que ce soit pour laisser place à l'agriculture en Bolivie ou au nickel en Indonésie, à un rythme incompatible avec l'ambition de mettre fin à la déforestation à la fin de la décennie, selon une étude de référence publiée mardi.

En 2023, 6,37 millions d’hectares de forêts ont été perdus, l’équivalent de 9,1 millions de terrains de football, selon cette évaluation (« 2024 Forest declaration assessment ») menée par une trentaine d’ONG, groupes de réflexion et organismes de recherche. Cela « dépasse de manière significative » le niveau (pas plus de 4,4 millions d’hectares) qui aurait permis que le monde reste sur la bonne trajectoire pour éliminer la déforestation en 2030, l’engagement pris par plus de 140 dirigeants à la COP26 de Glasgow.

Les forêts, qui abritent 80 % des espèces terrestres d’animaux et de plantes, sont pourtant cruciales pour réguler les cycles de l’eau ou séquestrer le CO2, principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique.

« Au niveau mondial, la déforestation est devenue pire, au lieu de s’améliorer, depuis le début de la décennie », a souligné Ivan Palmegiani, expert auprès de Climate Focus et l’un des auteurs principaux de l’étude.

« Nous ne sommes qu’à six ans d’une échéance mondiale critique pour mettre fin à la déforestation et pourtant les forêts continuent d’être abattues, dégradées et incendiées à un rythme alarmant », s’inquiète-t-il.

En particulier, 3,7 millions d’hectares de forêt tropicale primaire – essentielles pour leur capacité à absorber le CO2 et la richesse de leur biodiversité – ont disparu l’an dernier, à un niveau proche du début de la décennie, alors que ce chiffre aurait déjà dû baisser nettement pour tenir les objectifs à l’horizon 2030.

Soja et nickel

Le rapport se penche sur les régions du monde les plus problématiques, notant par exemple une hausse de la déforestation en Bolivie ou une reprise en Indonésie après des années d’amélioration.

La Bolivie a ainsi connu une hausse « alarmante » de sa déforestation, qui a bondi de 351 % entre 2015 et 2023, « une tendance qui ne montre aucun signe d’atténuation ». Cette augmentation est en bonne partie le fruit de la production de matières premières agricoles – particulièrement le soja mais aussi le bœuf et le sucre.

En Indonésie, la destruction des forêts avait atteint un point bas en 2020-2022 mais la tendance est fortement repartie à la hausse l’an dernier, en particulier pour produire des matières présentées comme « écologiques » – comme la viscose – ou faire de la place à des mines de nickel, utilisées pour les batteries de véhicules électriques et les énergies renouvelables à travers le monde. A cela s’ajoutent la production de biomasse et la création de grandes exploitations agricoles.

Le Brésil, qui reste le pays où la déforestation est la plus importante, a en revanche réalisé des progrès importants. La situation s’est très nettement améliorée en Amazonie – bénéficiant des mesures de protection mises en place par le président Lula da Silva – mais elle s’est dégradée dans le Cerrado, épicentre de l’agriculture nationale.

« Vents changeants »

Le rapport pointe aussi l’échelle du problème de la dégradation des forêts – lorsqu’elles sont endommagées par l’exploitation, la construction de routes ou les incendies sans pour autant être rasées. C’est ainsi l’équivalent de deux fois la superficie de l’Allemagne qui a été concerné en 2022 (la dernière année pour des données sur cet aspect).

Erin Matson, experte de Climate Focus et co-autrice du rapport, a réclamé lors d’une conférence de presse des politiques tout aussi « robustes » que leur mise en oeuvre, avec des réglementations contraignantes. « La conservation et la restauration des forêts ne peuvent pas être soumises aux vents changeants de la politique », a-t-elle plaidé.

Cela alors que la Commission européenne vient de proposer la semaine dernière de reporter d’un an, à fin 2025, l’entrée en vigueur de sa loi anti-déforestation, malgré les protestations des ONG environnementales.

« Nous devons repenser fondamentalement notre relation à la consommation et faire en sorte que nos modèles de production cessent de dépendre d’une surexploitation des ressources naturelles », a demandé Erin Matson.